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Social Scourge : Before and After New Queer Cinema.

24 Septembre 2022 Cinematek de Bruxelles, Festival L’âge d’or,

Durant l’Âge d’Or Festival, Our Story accueille le cinéaste, programmateur et curateur yann beauvais, à l’occasion d’une masterclass et d’une série de projections centrées sur une pratique « doublement mineure » (comme l’écrit Antoine Idier) : le cinéma queer expérimental. Co-fondateur, dans les années 1980, avec Miles McKane, de Light Cone et de Scratch (Paris), puis, en 2011 de Bcubico avec Edson Barrus (Recife), celui pour qui « présenter et promouvoir les œuvres des cinéastes » semble « aussi naturel que tenir une caméra et filmer » n’a jamais cessé d’écrire et de partager sur ce cinéma de l’oblique. Hybridations technologiques et expanded cinema, found footage, cinéma du corps et de l’intime… quelles sont les généalogies, les singularités ou les tactiques de ces expérimentations queer ? Comment participent-elles à nous rendre « producteur·ice·s des images qui nous représentent » ; à nous placer, non plus « à côté de l’écran, mais à l’écran » ?

An overview of queer practices in film and video before and after the New Queer Cinema, and how these practices have modified our use of cinema, and how our perception has been transformed by the expansion of cinema.

Publié dans LE TEMPS AVEC NOUS / DE TIJD MET ONS / TIME WITH US

publication coordinators : Iris Lafont, Valérie Leclercq, Christophe Piette CIMEATHEK, Brussels 2023

Imburaninha

yann beauvais  in catalogue exposition Imburaninha, Ygrec ENSAPC ? Experimento Produção, Paris 2022

Imburaninha

L’installation Imburaninha comporte un ensemble de proposition filmiques autour d’un arbre : l’imburana de cambão. Un spécimen de cet arbre sur le site du Logrador est privilégié dans la plupart des propositions qui ont la particularité de croiser les temps et les espaces puisqu’elles s’étendent sur quelques années depuis 2015.

Les films se donnent comme des fragments d’une mosaïque partielle, qui par recoupement de strates d’informations et de tissages d’images explorent un pan
du sertão, en relation avec des questionnements quant à la transformation des conditions de vie de la faune et de la flore face au changement politique et climatique principalement généré par l’activité nécro capitaliste, dont nous subissons tous les effets et qu’on qualifier d’expérience de combustion du monde1. Les habitants de ces terres du sertão en l’occurence les Atikum-Umã ont par la colonisation et les formes de captage de terre qu’elles ont enclenchées ont été expulsés. Les paysages n’en portent pas nécessairement la trace mais les récits, et les chants les évoquent. Les paysages sont filmés selon des rythmes et intensité distinctes accompagnés par des torés chantés et battus au pied par les Atikum-Uma selon leur incessantes ritournelles.

Des captures faites depuis 2015 ont alimenté les différentes nouvelles propositions filmiques en montrant des aspects autour du site et qui se focalisent
sur les torés dansés et chantés des Atikum-Umã. Les toantes (paroles) de ces chants évoquent un temps révolu ou le miel était abondant ; ils signent ainsi à leur manière, la fin d’un monde1.

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Les films présentés dans l’installation s’organisent en contrepoint à un premier film Derrubada não ! réalisé entre 2016 et 2018 qui traitait du Projeto Imburana conçut par Edson Barrus, et que j’ai accompagné depuis le début.

Ce film avait été pensé comme un parcours dans le paysage, autour et dans le site afin de donner un aperçu de sa transformation en fonction des différentes déambulations effectuées sur trois ans. Il était important, de proposer une vue d’ensemble simultanée combinant une vue extérieure et une vue intérieure, afin d’avoir l’opportunité de percevoir une différence ou non depuis la clôture. Juxtaposer des moments de la journée et des périodes de sécheresse ou de floraison. Les faux panoramiques en bordure ont été privilégiés afin de produire une sorte de sensation physique comme lorsqu’on se balade dans le terrain. Selon la saison, pluvieuse ou sèche, il devenait plus ou moins difficile d’en faire le tour, qui pouvaient ainsi s’étendre entre 3 et

5 heures face aux épines, pousses et mauvaises herbes etc. La densification ou l’appauvrissement de la végétation modifient les conditions d’expérience de la prise de vue. En juillet 2019, il était impossible de faire le tour complet du site, nous devions ramper pour entrer, alors que le mois suivant nous pouvions retrouver les traces de différents cheminements. Suite à deux mois la sécheresse était telle, que tout semblait calciné, et cependant de nouvelle boutures et fleurs apparaissaient occasionnées par de petites pluies après une saison de vent.

Ces différentes raisons, m’ont amené à recourir à un dispositif d’images multiples afin de déployer une pluralité de moments, afin de montrer simultanément différents états de la végétation. Des vues, image par image suivant des parcours

1. J’emprunte ce terme à Achille Mbembe in Brutalisme, La découverte, Paris 2020, p 17à 21.

opposés du paysage passant de l’aridité, à la sécheresse et à des poussées végétales soudaines.

Ces séquences sont opposées à différents parcours (caminhadas) le long du site ; presque une dérive sur les chemins qui s’ouvraient devant moi ; le plus souvent au coucher du soleil ; après une journée de tournage. Pour une raison similaire, j’ai introduit différents voix et conversations dans le film, tandis que d’autres sont des esquisses pour l’installation en cours et qui devrait être présentés prochainement. Ces conversations couvrent un large éventail de sujets : elles traitent de l’histoire des Atikum-Umã, tandis que d’autres traitent de l’utilisation par les indigènes

de différentes plantes, dont l’Imburana, tandis-que d’autres se focalisent sur la transformation de leurs habitudes, de leur culture au cours des dernières décennies… Ces entretiens sont accompagnés, confrontés à une création sonore de Thomas Köner (artiste sonore) avec lequel j’ai travaillé sur d’autres projets impliquant des présentations en direct et des installations multi-écrans. Pour ce film Derrubada não !, nous avons convenu que nous n’aurions pas de son naturel. En raison du traitement des images, il semble inapproprié d’avoir un son naturaliste qui accentuerait une linéarité réaliste.

Derrubada não ! développe quelques lignes d’investigation que j’ai suivies au
fil des ans ; l’une d’elles concerne le film de paysage, une autre : l’organisation du modèle d’images composites, ainsi que la production de relation entre texte et image. L’image en mouvement met en scène l’espace. Elle expose l’espace dans le temps et le fait de nombreuses manières, mais elle ne dispose pas pour autant du temps. Sa manière de faire avec le temps, par-delà la linéarité des supports du cinéma et de la vidéo, s’effectue selon des alternances de plans ou des juxtapositions dans le cadre, par surimpression, cache ou incrustation. Le rapport entre différents espaces, points de vue alternés ou simultanés est ce qui fait de l’image un territoire à décrypter, un territoire dans lequel on se meut autant qu’il expose une diversité topographique2.
La particularité du traitement des images et de leur espacement est qu’il s’effectue selon une répartition d’images plus petites qui ne compose pas une mosaïque mais des doubles bandes ou strates dans lesquelles les cadres se déplacent de gauche à droite ou en sens inverse, tout en offrant dans chaque cadre des déplacements autour et complexes à l’intérieur du champ selon des parcours à la fois imposés et aléatoires selon des motifs complexes de permutations.

Les autres propositions sont à la fois des contrepoints et des mises en perspectives déplacées, puisqu’elles incorporent à la fois une vidéo surveillance de l’Imburana (moteur du Projeto Imburana), que des scènes de danses du peuple Atikum- Umã en différents lieux et occasions, ainsi que des vues de champs d’Imburana à la frontière du Pernambouc et de Bahia, mais aussi des plans séquences dans lesquels
les changement de lumière dans la caatinga, modifient la perception de ce qui est
vue. On découvre autrement le site et sa végétation selon des variations d’intensité
de lumière dans le sous bois. La durée des plans qui, ne rivalisent pas avec ceux de James Benning filmant les paysages nord américain, leur apparent statisme s’opposent au dynamisme tactile de Derrubada não !, en proposant une suspension du regard qui invite à s’imprégner du paysage ; à le parcourir selon d’autres modes d’observation. L’irruption de sons naturalistes scandant le temps à travers les bourrasques de vent et le chant d’oiseaux et d’autres bruits qui font appel à une certaine urbanité plus qu’au fantasme d’un environnement dit naturel ; c’est-à-dire non pollué. Logrador et Fondu

2. yann beauvais : De l’image composite in Esthétique de la complexité Pour un cognitivisme non- linéaire, sous la direction de Louis-José Lestocart, éditions Hermann, Paris 2017, page 155

au Logrador proposent deux immersions distinctes dans la caatinga, se focalisant sur l’Imburana mais, selon des traitements et organisations visuelles complémentaires, l’un privilégiant des vues rapprochées du tronc, des branche des arbres alors l’autre privilégie des plans plus larges, dans lesquels il s’agit de s’approcher à distance, d’un Imburana, par touches successives.

Une caméra de vidéo surveillance donne à voir en direct un pan du site et nous permet de voir cet Imburana, qui a été le catalyseur du Projeto Imburana. Rendre compte, en temps réel à travers une représentation, un ailleurs : l’arbre dans le site. Installer un simulacre de présence au travers d’une représentation lointaine à la manière d’une transmission (en circuit restreint) d’un direct télévisuel quelconque sans enjeux, sans suspense. Il s’agit de pouvoir jeter un coup d’œil à l’ailleurs, en le mettant en présence, d’un ensemble d’enregistrement différencié du même arbre et de son environnement, selon d’autres modalités, que celle d’un flux constant sur un même point de vue. Ce n’est pas une caméra de surveillance qui enregistre ce qui
se passe, mais simplement diffuse ce qui se passe dans un espace circonscrit par le cadre choisit lors de la mise en place du dispositif dans le site. L’attention portée par la caméra sur l’arbre, déplace la banalité du plan en l’élevant à la dimension d’une cause : Un Arbre à préserver. La caméra manifeste une politique de l’observation qui dans ce cas précis n’est pas orienté dans le champ sécuritaire mais, s’offre comme mettant à disposition un (de)hors ; une ouverture autant qu’une intrusion de l’ailleurs dans, l’ici de l’espace clos d’une galerie. Le lointain soudain proche, à porter de main, ou la possibilité de contempler un pan de nature qui ne répond aux critères
du spectaculaire, du tellurique ou de l’industrie touristique, ni même à la collectes
de données mesurant la dégradation ou la réhabilitation d’un terrain, comme cela se pratique en Afrique et principalement au Kenya, Madagascar ou au mali3.

Le film Extração de l’arbre mort qui devient pour l’exposition, Tronco Velho, réalisé au moyen d’un drone permet d’avoir une autre image de la caatinga. Le survol de la forêt blanche donne un aperçu de la topographie du biome et dévoile une partie des transports générés par l’exposition en terme de déracinement et déplacement, en effet il ne s’agit que de l’extraction de l’arbre de son milieu, et pas de sa délocalisation transcontinentale. Pour des raisons légales, il était nécessaire de pouvoir montrer
le lieu ou l’arbre mort a été prélevé afin d’établir qu’il n’a pas été abattu pour les besoins du film ou de l’exportation, mais trouvé ainsi, et donc le recours au drone. Dans Extração, la présence humaine est essentielle, elle souligne les liens que nous entretenons avec l’environnement et qui sont le plus souvent des liens d’exploitation et d’extorsion. On ne pouvait faire l’impasse sur cette capture et ses répercussions, qui se manifestent pour et au travers de Imburaninha. Le prélèvement de l’arbre renvoie indirectement aux usages consuméristes des richesses minérales et végétales, des pays occidentaux.

Ces deux films recourent à des outils technologiques qui sont loin d’être neutre en regard de leur empreinte carbone, puisque pour transmettre les images, on fait appel à des moyens de communication qui brulent de grande quantité d’énergie, et ce même si la caméra et sa transmission fonctionnent avec de l’énergie solaire. Il n’existe pas de filmage énergétiquement non impactant et le cinéma argentique n’a jamais été un dispositif écologiquement neutre. Reste que la question des usages et des moyens ne peut être évacuer dans la production du travail.

3. Voir Landscape Degradation Surveillance Framework http://landscapeportal.org/ blog/2015/03/25/the-land-degradation-surveillance-framework-ldsf/

Ces deux enregistrements bien que différents — puisqu’un est en devenir et
n’a d’existence que par lors de sa transmission, et dont on ne garde pas de trace
— ne sont pas pas accompagnés par des textes, comme c’est le cas des autres films. L’image est donné, sans commentaire ! Dans le cas du streaming de l’arbre, il ne s’agit pas de surveiller ce qui se passe, mais donner à voir là-bas, infusant dans l’espace
de l’exposition une présence absente (déplacée) particulière. Ce qui est jeu ici, c’est d’attirer l’attention sur un arbre d’une espèce en voie de disparition au moyen de la caméra de surveillance. L’observation devient un acte collectif et s’écarte de toute
idée de contrôle. L’arbre du Logrador apparaissant plus ou moins intensément dans
la vitrine selon l’ensoleillement en région parisienne. Son image se dissout dans la lumière de l’espace de sa réception.

Le streaming renvoie à l’existence de la plante vivante, sur le site, à un présent là et maintenant qui dialogue avec les différentes représentations et contextualisations produites par les autres images en mouvement. Ces plans réalistes renforcent l’apparence des séquences composant les autres films, qui sont manipulés à plus d’un titre, par des surimpressions légèrement décalés, par des changements de vitesses, ou bien par conflagration temporelle et spatiale d’un plan à un l’autre.

Les textes irriguant tous les films proposent parfois des traductions des paroles de quelques Toré des Atikum-Umã que l’on voit danser de jour comme de nuit. Mais leur transposition écrite n’est pas synchronisée à leur énonciation, ces placards textuels viennent habiter les différentes séquences selon des pulsations asymétriques à celles du Toré et circulent au travers les séquences comme une ritournelle prête à se disloquer à chaque instant, par rupture métrique dans la syncope, mais qui cependant inscrit un territoire4, en l’occurence celui des Atikum-Umã.

L’utilisation des textes est récurrent dans mon travail et les questions relatives
à ses usages ont nourris ma pratique du mot comme (dites)5 image. Le texte ne vient pas signifier l’image quand il accompagne ou lorsqu’il est superposé à des images
en mouvement. Il génère d’autres types de lectures et d’appréhension du flux des images en tant qu’il oppose au moins deux modes de distribution d’attention qui font appel à des temps concurrents. La relation texte / image ou texte comme image induit d’autres formes de prescription du regard en fonction des contenus déployés. Le texte peut venir commenter, nourrir l’image comme le fait par exemple Yvonne Rainer dans quelques films, ou bien il peut provoquer du contresens ou non sens comme ont pu le faire des cinéastes des années 20, 30, les lettristes etc…

Le recours au texte comme image participe de la dé-hiérarchisation des éléments instituants une image en mouvement, puisque celui-ci devient aussi important que
les autres composants. Le texte venant parasiter l’image créant une nouvelle strate dans la production composite des images. Dans le cas des films de Imburaninha,
ils interviennent comme suspension dans la contemplation de la caatinga, ou bien agissent comme des ratures sur l’image dans le cas de Derrubada não ! . Le texte inscrit une altérité en détournant le regard de l’image, en jouant avec d’autres instances de traitement de la représentation. L’apposition d’un texte, d’une phrase sur un paysage se déploie déjà avec Joyce Wieland dans Reason Over passion (1968),

4. On ne peut éviter de penser au concept de ritournelle développé par Gilles Deleuze et Felix Guattari in Mille Plateaux, Les éditions de Minuit, Paris 1980.
5. J’avais organisé une exposition de film au Centre Pompidou en octobre 1988, qui portait le titre Mot : dites, image, autour d’une histoire du cinéma expérimental dans laquelle le texte est l’image, ed Scratch Centre Pompidou, Paris.

qui travaille la permutation de cette phrase au long du film, alors que 1933 (1967-68), affiche pendant toute sa durée, le titre du film. Ces usages sont peu fréquents dans les propositions pour Imburaninha, le recours au texte s’inscrit plus dans le champ
de l’intertitre, ou du placard qui interrompt la lumière, le flot des images ; reprenant

à des stratégies mises en place dans quelques films précédent qui traitent du sida (Tu, sempre 2001) et qui privilégient les phrases au mot à mot comme je l’ai fait dans VO/ID (1985-86), Sid a Ids (1992), Basta (2018)… Le flux des textes lorsqu’il s’agit de défilant crée de nouvelles tensions lors de la reprise de l’image « réaliste » qui
est hanté par le mouvement des lignes de textes s’estompant progressivement à la surface de l’image. Tous les textes ne sont pas traduits en portugais ou en français et lorsqu’ils le sont, ce n’est pas toujours simultanément.

Les déambulations dans le site du Logrador proposent des vues différenciés
de la caatinga, même si il est parfois difficile de le percevoir, la sécheresse lissant la végétation, ou bien sa luxuriance fait écran et masque les détails par la prolifération de nouvelles pousses.
Mais tout tourne autour de l’arbre, et quand bien même il s’agit du Toré, les Atikum- Umã se référant au miel, indirectement parle de Imburana qui accueille fréquemment des essaims. L’arbre dans le paysage est un motif majeur dans le cinéma ; que l’on songe aux arbres apparaissant dans le brouillard se levant de Fog Line (1970) de
Larry Gottheim ou de Kiri (1972) de Sakumi Hagiwara, les arbres fruitiers de Champ provençal (1978) de Rose Lowder, les arbres en hiver de 3/60 Baume im Herst de Kurt Kren, de Mars (2006) de nous même, ou de Dark Trees (2019) de Malcolm Le Grice, les arbres des parcs de Londres de Colour of This Time (1972) de William Raban, et de Park Film (1973) de Chris Welsby ou l’arbre majestueux de 37/78 Tree Again de Kurt Kren, mais aussi à la traversée d’une forêt suspendue dans les airs, 16MM (2015) de Daniel Steegman Mangrané. Ce dernier travail réalisé dans la Mata Atlântica fait sens avec Imburaninha, dans la mesure ou ces deux propositions s’intéressent à des biomes brésiliens, largement exploités depuis la colonisation et, qui ont engendrées des conflits économiques, scientifiques et territoriaux, auquel s’ajoute les conséquences du changement climatique. Rien de tout cela n’est évoqué à l’écran, et pourtant derrière les représentations de la mata atlântica ou de la caatinga, ces questions hantent ces territoires. Avec les films d’Imburaninha, on est plongés dans une espèce d’attente sans résolution.

L’ensemble de ce travail est réalisé, afin d’attirer l’attention sur un arbre en
voie de disparition, mais cette mise en lumière de ce projet s’est métamorphosé, en un rhizome de propositions relevantes et distinctes. Qu’ils s’agissent de films ou de dispositifs relatifs à la monstration de cette espèce. Dans le champ qui me concerne, le travail filmique s’est accompagné de recherches extensives, qui en déclenchent de nouvelles et produisent d’autres expérimentations. Le passage d’un film Derrubada não ! (qui est une seconde proposition autour du Projeto Imburana6) à une forme élargie (Imburaninha), qui avait trouvé ces premières extensions lors de différentes présentations du film, dans lequel je mettais en place des dispositif faisant appel à des documents audio-visuels, des ébauches ou des extraits de la somme des matériaux engrangés au fil des ans autour du projet, a facilité le choix des éléments qui composent cette installation.

La question de l’immersion dans le paysage devait pouvoir être suspendue à

6. En effet pour la deuxième triennale de Sorocaba en 2017 : Frestas trienal de arte :Entre pós- verdades e acontecimentos pour lequel Edson Barrus avait été invité et présentait à cette occasion le Projeto Imburana, j’avais fait un réalisé un film installation : Imburana Frestas.

quelques instants ; afin d’éviter la contemplation et fascination par et de l’exotique. Ainsi le son, qui participe souvent de cette immersion est travaillé, selon des ruptures et des asynchronismes qui interrogent ce que l’on voit autant que ce que l’on entend. De plus dans l‘espace d’exposition d’Imburaninha, on peut interrompre le flot des images : les suspendre, remettant en cause l’idée du montage à sens unique, et l’autorité de la linéarité que les boucles finissent par induire.

Les liens entre les textes, les sons et les images ne relèvent pas de la concordance ou de l’adhérence ; ils fluctuent dans un ailleurs, suspendu aux questions de permanence, et de vulnérabilité d’une espèce, d’un peuple. À la fragmentation et aux éclats de Derrubada não ! s’opposent les lentes variations et transformations de la reprise d’un motif sous tous ces angles rappelant la circularité du toré dans trois des films montrés. Ce ne sont pas les mêmes expériences qui sont convoquées7, mais elles ne s’excluent pas. Le kaléidoscope de leur réunion donne l’occasion d’envisager des liens entre des manières d’être au monde. Les contextes, les amorces de réflexions, les fulgurances visuelles indiquent des potentialités qui sont activées ou non en fonction des lieux et des circonstances. Le Projeto Imburana est un réservoir de potentialités qui sont déployées en regard des possibilités de réalisation, dans le cas de Imburaninha, ce sont quelques propositions filmiques qui accompagne Tronco Velho et l’Alambic, d’autres fois quand il s’agit de PlantAçoes on introduit d’autres éléments cinématographiques. A chaque fois il s’agit de manifester, de faire exister un projet vivant, donc en constante mutation, transformation. Les films comme les propositions déployées par Edson Barrus participent tous, de cette dynamique de prêter attention à une espèce, de ne pas faire comme si….

Recife aout 2022 yann beauvais