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Le cinéma décolle (Cécile Fontaine) (Fr)

Le cinéma décolle. (Centre Georges Pompidou, cinéma du Musée à l’occasion de la rétrospective Cécile Fontaine)

On peut faire des films de toutes les manières que l’on peut imaginer. Il n’y a pas une pratique (dominante) qui dicterait et imposerait la juste manière de faire un film; même si certaines se voudraient être définitive; on ne saurait cantonner le cinéma, à la fiction, à la bande-annonce, etc. Cécile Fontaine envisage avant tout le cinéma comme un support qu’elle travaille, dans sa matérialité même, un réceptacle d’images déjà impressionnées, que l’on manipule après les avoir extrait de leur lieu d’origine, afin de les redistribuer selon d’autres organisations. Pour elle, le cinéma est ce champ qui permet de déployer au travers d’une richesse de textures, de graphismes et de collages, les qualités de (la) lumière et leurs montages en fonction des transparences qu’offrent les différentes surfaces sensibles utilisées par les cinéastes.

Son oeuvre se caractérisent par la primauté qu’elle accorde au décollage et au montage, et aux choix de ses images – mêmes si la plupart ne sont pas de son fait puisqu’elle utilise la plupart du temps des « found footage » – qui privilégient les scènes domestiques quotidiennes. Cette pratique n’exclut cependant pas tous les Super-8 qu’elle produira avec ou sans caméra. C’est souvent dans ses courts films qu’elle met en relief les potentialités de calibrage de la lumière au moyen de formes indéfinies: Le calvaire (1984), Light (1986), Abstract film en couleur (1991).

Cécile Fontaine appartient à cette école du cinéma qui privilégie le contact direct sur la pellicule; c’est à dire un cinéma qui n’a pas nécessairement besoin d’images photographiques pour exister (assertion démentie par la production de la cinéaste) un cinéma qui inscrit le cinéma dans son appartenance à un art tactile autant que visuel et qui prône le savoir faire dans les traitements de la matière. Un cinéma principalement concret et dont les effets visuel seront souvent abstraits. Le paradoxe de la cinéaste vient de la manifestation de ces oppositions au sein de chaque film. La maîtrise des outils et ce qui permet à la cinéaste de s’inscrire à la fois dans une tradition inaugurée dans les années 30 par Len Lye poursuivit par Stan Brakhage à partir de la fin des années 50 et qu’une nouvelle génération de cinéastes redécouvre au seuil des années 80, alors qu’ils développent et traitent leurs films eux-mêmes.

Le travail cinématographique de Cécile Fontaine s’effectue sur des « found footage »; c’est à dire sur des séquences de films qu’elle n’a pas tourné. A la différence d’un grand nombre de cinéastes de « found footage » qui prélèvent de courtes séquences ou quelques images d’un même film, Fontaine recycle en totalité les films qu’elle utilise (qu’ils soient trouvées ou données ne changent pas grand chose à son attitude). L’utilisation de l’intégralité de l’objet trouvé entraîne un certain nombres de manipulation et traitement qui sont spécifiques de son travail. Dans le fait de recourir à l’intégralité de l’objet: film trouvé; il y a une affirmation quand à la nature du montage, le désignant comme catalyseur de variations. Le montage n’est pas appréhendé comme ce qui unit, ou lie le divers mais comme ce qui transforme, et fait du même: le différent. Glissement qui établit par une économie de moyens, les bornes que la cinéaste ne dépassera que très rarement. Il s’agit toujours d’être à même de maîtriser les données alors que le résultat des manipulations chimiques, ou graphiques bien que connus n’est jamais certain ou même stable. Ces manipulations, qu’ils s’agissent du décollage d’émulsion et recollage de celle-ci sur d’autres bases ou supports, ou des grattages et découpages de partie d’émulsion, sont toujours à la merci d’un dérapage incontrôlé qui transforme radicalement la séquence; pouvant entraînant sa disparition définitive. On retrouve cette tension, ce risque dans tous les processus que développent, créent la cinéaste. En effet lorsque la cinéaste effectue ses décollages d’émulsion on songe à la fois à la perte et au gains simultanée. L’altération d’une des couches composants le film couleurs s’accompagne de l’apparition du multiple et nous fait gagner ainsi une polyvision dont la cinéaste sait admirablement bien jouer en combinant les rapports de couleurs selon des éclats qui évoquent autant Duchamp-Villon que le Len Lye de Rainbow Dance (1936), que l’on songe aux joueurs de golf en violet, vert et jaune de Golf-Entretien (1984) et son pendant la première partie de Two Made For TV Films (1986), ou aux danseurs dont les mouvements s’encastrent les uns dans les autres selon une chorégraphie chromatique comme c’est le cas dans Japon séries.(1991). Dans ces trois films, le montage consiste à jouer avec le décalage des trois couches d’émulsion d’une même scène. Ce montage chromatique répond cependant à d’autres critères qui affirme la spécificité d’éléments purement filmiques: bande sonore optique, ligne de séparation de photogramme, les trois couches constituant l’émulsion couleur, « la cadence déréglée par l’étirement de l’image initiale et donc le changement de format ». Mais ces films ne se limitent pas à ces seules manipulations, ils travaillent le support selon un ensemble de techniques que la cinéaste à découvert à partir de 1983 avec A Color Movie (1983). Ce film déploie une diversité de stratégie qui deviendront la marque de la cinéaste, tout en l’inscrivant simultanément dans un courant du cinéma expérimental qui met en avant la matérialité du support que se soit au moyen du développement ou du traitement tirages, virages, colorations des émulsions ou par le refilmage. A la différence de bon nombre de ces cinéastes, Cécile Fontaine n’utilise aucunes de ces techniques sophistiquées, elle est plus directe. Elle arrache, gratte, poinçonne, raye ou brûle l’émulsion, et la recolle, la repositionne sans respecter la continuité du déroulement de la prise de vue. A Color Movie est, à cet égard, un véritable précis de déconstruction cinématographique. Ce premier film, revendiqué comme tel, permet à la cinéaste d’envisager le cinéma selon des caractéristiques graphiques, et picturales non pas tant dans le rendu que dans les techniques d’apposition et de manipulation du support même. Le film n’est plus considéré comme seule surface sensible à impressionner mais comme surface d’inscription. Déplacement qui introduit une coupure dans le photo-graphique le faisant devenir: kiné-graphique. La seule limite à ces ajouts est le couloir du projecteur qui ne peut recevoir les épaisseurs du ruban ainsi constitué. Dans la lignée du Brakhage de Mothlight (1963) Cécile Fontaine renouvelle les approches en collant différents papiers et plastiques colorés comme dans L’Atelier (1984) autant que dans A Color Movie. Elle applique ces mêmes techniques à l’ensemble du ruban, faisant subir aux différentes couches d’émulsion prélevées des traitements similaires qui se complexifient d’un film à l’autre. Ces premieres expériences sont fondamentales pour la cinéaste en tant qu’elle lui permette de mettre l’accent sur ce qu’est un film pour la cinéaste à savoir: « un objet transparent qui laisse infiltrer la lumière du projecteur pour créer des motifs et des couleurs à regarder avant tout comme objets plastiques mouvants sans aucune référence précise au monde du réel, si ce n’est à la réalité physique du film même ». Cette qualification du cinéma comme producteur de motifs colorés mouvants fait que les compositions chromatiques qu’elle développe, fonctionnent souvent comme des vitraux. Vitraux qui ne sont pas asignifiants, puisque la majeur partie des films 16mm sont faits à partir de scènes quotidiennes, anodines mais, qui par accumulation, leur confère la caractéristique du rituel. On pense aux défilés des élus locaux et le salut aux armes des forces policières lors de visites officielles dans les territoires d’outre-mer d’Histoires parallèles (1990); véritable clin d’oeil narquois à l’enfance de la cinéaste. Elle leur passe véritablement un savon. Avec ce film; elle à fait tremper les séquences dans des solutions savonneuses afin d’obtenir des mouchetés particuliers. Dans ce même film aux plans des officiels elle juxtapose des séquences qui semblent provenir de la crise de Suez, révélant ainsi des conflits potentiels dont la manifestation à l’écran se voit dans la diversité des textures et des traitements. Il y a chez Cécile Fontaine une ironie et un humour, un plaisir du jeu de mots d’images sous-jacentes au montage, que ce soient lors de successions qui privilégient l’analogie des formes: réservoirs de motos allemandes en noir et blanc et baigneurs en couleur de Cruises (1989) ou adéquation entre le sujet et le traitement de l’émulsion comme c’est le cas avec Overeating (1985). Dans ce film, la mâchoire du mangeur de poulet semble être en proie elle-même à une étrange mastication. La représentation est pliée, déchiquetée en tout sens, la pellicule est broyée sous les coups incisifs d’une faim sans merci. Ce film est exemplaire pour plusieurs raisons, la première tiendrait au fait qu’il y a une parfaite adéquation entre traitement et contenu, le film après avoir trempé dans diverses solutions a produit un étirement de l’émulsion qui s’est décollée du support. La seconde est le recours aux boucles qui permettent de faire voir plusieurs fois le processus et ses conséquences Et la troisième tient au fait que la cinéaste effectue le même travail avec la bande-son qu’avec l’image. Un nouveau montage discrépant est proposée par la dérégulation du synchronisme initial. Certains films suivent la bande-son d’un film comme générateur pour le déroulement d’un autre film. Ici, on pense à Cruises, qui met en relation trois types de « found footage », mais dont la publicité pour une croisière du Norway dans les Caraïbes sert de fil conducteur sonore pour l’enchaînement et la distribution des autres séquences qui composent le film. Il s’agit du journal (filmé) de campagne d’un officier allemand pendant la guerre (Agfa daté 41) ainsi que des comédies des années 20. La croisière initiale vecteur d’une nouvelle croisière atemporelle convoque des temps qui juxtapose conquête territoriale et tourisme. C’est en ce sens qu’il faut envisager la relation entre les séquences des soldats allemands visitant et se détendant en famille dans quelques régions bucoliques et les scènes de plages colorées des années 80. Ce film, l’un des plus aboutis de Cécile Fontaine fait de l’image fantôme l’une des caractéristiques de sa palette cinématographique. Lorsque la cinéaste décolle l’émulsion colorée sur une longueur donnée du ruban, elle obtient deux éléments: l’un qui est la base, souvent jaune pâle; fantôme d’une image à venir, l’autre constitué de deux couches d’émulsions est à la fois plus fragile mais en même temps plus définie. Dans Cruises, dans Home Movie (1986), ainsi que dans Sans Titre Mai (1988), les fantômes viennent hanter un présent plus distinct, et s’incrustent comme parasites du défilement serein. L’image fantôme devient le support d’une bataille qui fait se côtoyer plusieurs temps distincts, lieux et histoires. Dans Stories (1989) une vie de chien se mêle à un western (une série télévisée quelconque des années 60) et à des plans d’un déjeuner familiale; en l’occurrence la famille de la cinéaste. Les temps se télescopent; les images se chevauchent et vont parfois comme c’est le cas avec Cruises et Sunday (1993) créer des marqueteries et des mosaïques particulières: un couple de danseurs en noir et blanc des années 20 se mêle aux danseurs d’une croisière des années 70, des enfants allemands jouant au ballon qui se transforme en raquette jaune etc. On pourrait multiplier les exemples qui soulignerait l’incroyable précision et maîtrise que Cécile Fontaine a de ses outils et ce d’autant plus que certain effets mis en place par la cinéaste s’apparentent à ceux que d’autres ont développé à la même époque (83-84) dans la même ville (Boston) mais en les alliant à ceux obtenu au moyen d’une tireuse optique tels Caroline Avery et Phil Solomon. Fontaine et Avery vont jusqu’a partager les scènes banales et les manifestations de la quotidienneté sous tous ces aspects, que l’on songe aux communions de Home Movie, aux travaux ménager de The Living Rock (1989), ou aux différentes processions de Home Movie, Histoires Parallèles, Cruises, et Sunday.

Bien que l’usage des « found footage » soit prioritaire pour la cinéaste, il devient cependant restrictif dans la mesure ou elle recherche avant tout des films qui traiteraient de la vie quotidienne qui ne serait en rien spectaculaire. Son travail n’est pas une apologie du spectacle, elle s’intéresse aux petits événements sans importance, aux êtres et à leur entourage. Comment faire des films avec ce qui nous entoure sans sacrifier au mirage technologique. Ainsi se limiter quant aux choix des films trouvés, on privilégie les journaux filmés afin de ne jamais s’éloigner des individus; on privilégie les techniques qui font appel à un arsenal d’instruments domestiques; toute un économie du film sans superflu se dévoile par ses constituants. L’une des traits saillants que l’on retrouve d’un film à l’autre est le grattage et le virage (plutôt coloration ; cela dépend si c’est effectué sur le support image par image ou sur des longueurs de ruban par trempage) de la pellicule. Ses films sont souvent précédés d’amorce opérateur personnelle que la cinéaste à créer de toutes pièces et qui sont souvent comme des précis de cinéma fontainien. Jeux de mots en images au moyen du grattage, commentaire amusé sur l’image, grattages masquant ou dévoilant tel ou tel aspect de l’image sont en jeu à la fois dans ces courtes introductions mais aussi dans ces plages qui relient un film à l’autre lorsque la cinéaste en met plusieurs bout à bout. Cette accumulation de signes, de grattages, de marques sur la représentation photographique vient interférer sur celle-ci et vient manifester une fois de plus la matérialité du support. Celle ci étant renforcé par les nombreuses rayures, pliures, accrocs qui se manifestent dans la photo; rien de léché ici, mais quelque chose de cru, brutale même. les traces des scotches qui permettent le prélèvement des émulsions colorées, ainsi que leur réapplication, les marques comme le grain ou le piqué du aux trempages successifs dans Histoires Parallèles ou L’irréversible chapitre III d’un roman 3D (1987) sont revendiquées comme essentielles. Sans celles-ci point de film. Elle met ainsi en procès la belle image léchée, tellement pleine de sens qu’elle en a perdue tout intérêt. Elle travaille avec les restes, les débris, les rébus. Proche en cela de Schwitters et des affichistes, Cécile Fontaine manifeste le cinéma dans tous ces aspects, et principalement ceux qui ont été exclus. Son cinéma est hanté par une lecture critique de la « sainte famille »; dans plusieurs films elle travaille à partir de journaux filmés voir Home Movies (1986) ou à partir de séquences tournées par son père: Correspondances(1985), Stories. Séquences qu’elle manipule et met en relation avec d’autres événements qui affirment autant la disparition d’un temps à jamais révolu, que l’illusion de la quête de ce temps mythique. Le cinéma est ce qui permet de dévoiler cette critique sociale à partir de la mythologie quotidienne.

yann beauvais avril 94

Testimonial on Oskar Fischinger (Eng)

Oskar Fischinger 1900-1976 Experiments in Cinematic Abstraction edited by Cindy Keefer and Jaap Guldemond, Eye Filmmuseum and Center for Visual Music Amsterdam 2012

In the early 1970s, I wanted to make films as visual music. Theoretically music structure could be followed as a mean to compose a film, but it was not within the films that I was seeing at the time that I was seeing such ideas in practice. Searching for such films and filmmakers, I discovered at the same time some early avant-garde filmmakers, among them Oskar Fischinger. His films were a revelation and I realized that the visual music I was looking for was a different one.

The freedom of designs in motion within the pace of sound was amazing. It seemed that with Richter and Lye, Fischinger had opened new fields within the art of films. What surprised me at that time, were the potential and power of these white lines creating melodies and rhythms (remembering the atoms splitting in Studie nr. 8, or the white flashes in other later Studies) within the specificity of the apparatus. Treating lines as melody has been a constant in all his works, whether painting or films.

If within painting the motion is frozen or suspended, there are potential moments with further development to come as shown in Motion Painting no. 1. This emphasized a dimension of performativity which has been crystalized within the Lumigraph as much as in Motion Painting no. 1. Here the music of colors and lights is live, the recording of Motion Painting no. 1 induces delays while the performance works within the present of its making.

With the Lumigraph, Oskar Fischinger gave life to a live cinema. Lights become the instrument you play with, and with which Fischinger was able to create tri-dimensional effects within inward and outward movement spiralling toward the center of the screen (as done in his earlier film Spiralen) with films while the movement are often off centered and aligned along the diagonal within paintings. With Motion Painting no.1, and Quadrate (Squares), Fischinger articulated the two possibilities, one media dissolving or becoming another one; an early stage of this shift is encountered with the flip books.

The resolution of the movement and motion are done through a modulation of tensions according to melodic lines or dynamism of the beat for which repetition and variation are essential.

The pleasure to discover the multiple aspects of Oskar Fischinger’s works would not have been possible without William Moritz and Elfriede Fischinger. I can’t forget waking up after a long trip from New Zealand to LA and facing a stained glass of an Oskar Fischinger signet, hanging on the entrance door.

Illuminating.

 

 

 

 

 

O Super 8 é liberdade: uma revisão do cinema do gesto pequeno

em português em  Cinena é liberdade Derek Jarman, organização : Alessandra Castañeda, Raphael Fonseca,  Victor Dias, Rio de Janeiro, Jurubera Produções, 2014

Recife, junho 2014

Foi no final dos anos 1970, ou talvez no início dos 1980, em Paris, em uma época em que era possível encontrar um programa de cinema experimental cotidianamente no Centro Georges Pompidou.

Foi a primeira vez que travei conhecimento com Derek Jarman, e foi uma experiência bastante poderosa. O cineasta estava exibindo seus filmes em Super-8, não da cabine de projeção, mas dentro da sala, entre nós, e ele estava coordenando o diálogo entre o som nos filmes e o som na fita que ele estava carregando nos filmes que estava projetando. Notei que o artista estava fazendo em público algo que com frequência é privado, a projeção de diários. Sua projeção é geralmente uma experiência compartilhada com a família, em um círculo de amigos ou de relações estreitas, mas isso não foi antes de Jonas Mekas e alguns outros terem feito disto uma experiência pública. Jonas Mekas transformou a experiência na família estendida dos cineastas de vanguarda. Aqui, Derek Jarman estava mostrando, obviamente, um outro tipo de filme- diário, que combinava diferentes categorias, como retratos, paisagens de viagem, um evento à noite…

Podia-se ver que o conjunto de filmes tinha sido submetido tanto à vontade do cineasta quanto ao que ele estava sentindo do público. Isto ilustrou de uma maneira diferente que uma interação era possível nas exibições dos filmes, que fazia não ser a mesma uma repetição com suas cópias, mas um evento próximo a um acontecimento ou a uma performance ao vivo.

A segunda coisa que me surpreendeu foi que ele estava adicionando música de acordo com seu estado de espírito, um pouco como Jack Smith costumava fazer quando apresentava Flaming Creatures (o que eu descobri mais tarde quando o convidei para exibir os seus filmes no Scratch [exibições semanais de filmes marginais] em meados dos anos 1980). A experiência foi diferente porque em um caso teve o uso do vinil, a busca de um LP específico, enquanto no outro foi usado um gravador buscando trilhas. A fisicalidade da ação foi dominante com Jack Smith. Mas ambos exploraram o camp em seus filmes, isto nunca foi posto de lado nos filmes de Derek Jarman, fossem em Super-8 ou longas-metragens.

O uso da música era parte deste clímax e estava sujeito a dar cor às sequências de diferentes maneiras, surfando, por exemplo, em romantismo no segundo movimento do Concerto para a mão esquerda de piano de Ravel enquanto mostrava um retrato de um amante em uma suave câmera lenta. Uma característica de alguns filmes foi a utilização da câmera lenta, em uma velocidade mais lenta do que os habituais 18 quadros por segundo. A velocidade da projeção parecia estar ecoando a música, ou talvez fosse a música que estivesse no ritmo da edição, criando uma forte sincronização que será vista / explorada em seus últimos clipes. Isso não era incomum para Derek, pelo menos desde o final dos anos 1970, quando ele apresentou filmes com seus próprios projetores Bolex Super-81. Nos anos 1980, Jarman fará videoclipes para diferentes músicos (Genesis P-Orridge e sua banda Throbbing Gristle, ou cantores mainstream, como Marianne Faithfull, ou grupos como The Smiths2, Pet Shop Boys …).

Quando Derek Jarman começou a fazer seus filmes de gestos pequenos, o filme materialista estrutural estava dominando a produção de filmes experimentais na Inglaterra. Seus filmes foram um ataque direto à semente desta tendência, no sentido de ele estar afirmando uma subjetividade, uma sexualidade, enquanto os outros estavam abordando questões referentes ao que o filme era e como funcionava ideologicamente. Como o artista escreveu, ele começou a fazer filmes em Super-8 como uma resposta direta à sua exposição ao cinema comercial. Ele era o cenógrafo do filme Os demônios (The Devils) de Ken Russell e inicia uma produção de filmes “pessoais”. Descobriu naquela época que o filme era um meio contemporâneo, como reconheceu em uma entrevista falando sobre Imagining October: “Quão extraordinário é o filme. A pintura é obsoleta em um sentido; não lida mais com o mundo exterior. O que eu descobri no filme foi uma comunidade. Eu descobri o meu mundo no filme”. A aventura de Os demônios levou pouco mais de um ano na preparação, e a partir do outono daquele ano foi que “meus próprios filmes decolaram com a ajuda de Malcolm Leigh; sendo seguidos por toda uma série de Super-8 que gradualmente, sem me dar conta, reposiciou o meu trabalho”3. Mas, como reconheceu, não será antes de ele completar Art of Mirrors, que é “o primeiro filme que fizemos em Super-8 e para o qual não há parâmetro de comparação. Os outros Super-8 dos últimos meses ainda são muito assemelhados ao trabalho de 16 mm, considerando que isso é algo que só poderia ser feito com uma câmera de Super-8, com a built-in-meters e com efeitos. Finalmente, temos algo completamente novo”4.

O Super-8 tornou-se um instrumento para atacar a arte do retrato, para investigar a paisagem e para registar eventos, fossem públicos ou privados. O uso da sobreposição deu aos filmes uma qualidade pictórica, reforçada pela granulação (especialmente quando filmado em preto e branco) e pela projeção em velocidade mais lenta. Como Tony Rains disse: “Foi durante as longas e enervantes noites em seu apartamento da Sloane Square, no início dos anos 1970, que Jarman começou a experimentar a projeção com uma velocidade ultrabaixa, descobrindo que sua filmagem desorganizada e impulsiva adquiriu conotações ‘pictóricas’ quando examinada quadro a quadro. Foi um pequeno passo da sua descoberta para novas experiências com o processo de reprofotografia da tela e sobreposição múltipla. Novamente, no entanto, não houve qualquer tentativa de exercer controle artístico nesses processos: os filmes resultantes foram, essencialmente, alegremente arbitrários”5. Pequenas viagens, noites no estúdio de Derek, retratos de amigos e amantes tornaram- se a essência de seus filmes em Super-8 e um recurso para os longas. Uma série de filmes dá a ideia da Londres gay dos anos 1970, com o retrato de amantes ou eventos como homens travestidos para a Alternative Miss World Party (1972). Se, num primeiro momento, o entorno imediato do artista era seu principal foco, as coisas vão mudar com Jubilee (1978), que irá incorporar provocações políticas sobre a condição do cinema da Inglaterra e britânico. Filmar é de tal forma viciante que no início Derek Jarman começou a colagem de alguns de seus rolos de Super-8 para fazer obras maiores, em que In the Shadow of the Sun (1984), The Angelic Conversation (1987) e Glitterbug (1994) são os melhores exemplos. Esses filmes são bons exemplos do “cinema dos gestos pequenos” que Jarman estava interessado em fazer. Por um lado, este cinema é autobiográfico, pessoal, espontâneo e leve, por outro lado, amigável, um cinema envolvido com a mitologia e o simbolismo, como se pode ver com A Journey to Avebury (1971), Art of Mirrors (1973 ), The Angelic Conversation, The Dream Machine (1984)…

O Super-8 era um espaço possível para produzir e mostrar imagens de si mesmo, de seu próprio mundo, fora das normas repressivas hetero, que excluíam e apagavam violentamente qualquer diferença, especialmente se isso tivesse a ver com masculinidade, de uma forma tal que não havia outra alternativa a não ser resistir contra esta violência com uma afirmação provocativa, imagens a fim de quebrar esses valores morais alçados como estéticos. Estas representações que afirmam uma paisagem íntima do desejo vão se tornar mais abertamente militante em meados dos anos 1980 e dos anos 1990. Essa mudança só foi possível com a sua proximidade com a Frente de Libertação Gay6 e a dinâmica do Partido Revolucionário dos Trabalhadores e seu jornal NewLine7. Para Derek Jarman, fossem os filmes Super-8, 16 mm ou 35 mm, deveriam desafiar nossa visão e dar acesso à representação de homens homossexuais e sua sexualidade. Por isso foi tão importante para ele ter uma cena de amor em Sebastiane (1976). Pela primeira vez em uma sala de cinema, não em um teatro pornô ou em um lugar dedicado ao vanguardismo, foi possível ver uma transa. A homossexualidade não era mais um problema como já fora, por exemplo, nos filmes dos anos 1960 e 1970 Domingo maldito8 (1971), O criado 9 (1963) e, em menor escala, Nighthawks de Ron Peck, que foi feito dois anos após Sebastiane. Um aspecto muito importante em Sebastiane, e que se encontra em alguns dos Super-8, é a dimensão homoerótica do filme. Como o cineasta disse: “O filme foi historicamente importante; nenhum filme tinha se aventurado por aqui. Houve filmes underground, Un chant d’amour e Fireworks, mas Sebastiane estava em um espaço público”10. Sebastiane se tornou companheiro de outro icônico filme gay, Pink Narcissus11 (1971). Se a dimensão homoerótica é afirmada, não é tão explícita quanto ele gostaria: “Eu teria amado se tivesse tido uma verdadeira transa nos meus filmes, eu teria tido um orgasmo. Imagine todos esses adolescentes se masturbando na cama por causa de sua televisão portátil… / …eu teria como ser mais explícito, verdadeiros filmes sobre nossas vidas no aqui e agora”12. Este sentimento inevitavelmente será reforçado pelas políticas conservadoras promovidas por Margaret Thatcher no Reino Unido e Ronald Reagan nos Estados Unidos. A luta contra o moralismo dessas políticas se tornará mais exacerbada quando o ataque à crise da Aids (a partir de 1983), acompanhado por uma negação extraordinária e um grande retrocesso social, promover políticas de saúde pelos conservadores e fanáticos de todos os lugares. Quando Derek Jarman foi diagnosticado com o HIV, sua militância aumentou e seria mais proeminente em suas obras, fossem pinturas, filmes ou livros.

Londres, Soho 1983 ou 1984, na abertura de uma exposição de Derek Jarman, a multidão de jovens e novos românticos está em seu melhor, diferentes gamas de socialites foram misturadas na exposição e ofereceram um bom exemplo da estrondosa classe da sociedade britânica. A música dava o tom dos tempos contra a perspectiva sombria da crise da Aids. Neste período, e devido às dificuldades na produção de seu filme The Angelic Conversation, que estava em processo, Derek Jarman fez um curta-metragem, Imagining October (1984), que se dedicou a questões mais amplas que seu entorno imediato e que continuava a desenvolver a postura de usar filmes caseiros a fim de fazer um longa, como no caso de The Angelic Conversation, ou um filme-ensaio, como em Imagining October. É nesta ocasião, enquanto preparava um show no ICA [Institute of Contemporary Arts], que Derek Jarman, com James Mackay, ao transferir o Super-8 para uma fita (VHS), descobriu novas maneiras de ter resultados a partir de filmes caseiros, misturando-os com outras sequências que vieram da observação e trabalho com os antigos13. A refilmagem das imagens em velocidades diferentes (principalmente a três quadros por segundo, depois editadas em U-matic, antes de entrar em uma fita de 1’ e, em seguida, 35 mm – para só então o trabalho do som começar e ser bastante estruturado se comparado com a imagem improvisada14), a edição e codificação em um equipamento de vídeo e a mistura de sons oferecem alternativas na execução do que seria aplicado em seus videoclipes, bem como em seus filmes. Fazer um filme não estava mais funcionando com alguém aferindo e alguém apoiando, isso tinha acabado, tinha-se que tirar proveito das possibilidades da edição de vídeo e da transformação que poderia ser produzida com a múltipla gama de efeitos que foram criados na época. Promiscuidade e hibridismo se tornaram as regras, não era apenas uma questão de sexo! Esta mistura geral era para contaminar todas as tendências de seu cinema, e se tornaria um fator-chave na estética de The Last of England (1989) e The Garden (1990). O sonhador, a qualidade onírica de seus filmes participam de uma tradição de vanguarda de cineastas subjetivos como Jean Cocteau, Jean Genet, Kenneth Anger.

Quando Imagining October estava sendo feito, uma greve de mineiros estava acontecendo, a violência usada pela polícia contra os mineiros, tanto quanto a atitude intransigente de Margaret Thatcher ecoa o regime soviético, e a arquitetura monumental são uma evocação do poder do Império. “A coisa mais surpreendente para mim do Ocidente foi a arquitetura de Moscou. Eu senti que era muito difícil filmar pessoas em Moscou.” Isto evoca a Revolução de Outubro, sendo filmada em outubro. Se a primeira parte trata de monumentos, a segunda introduz pessoas e um pintor fazendo uma tela de jovens soldados, enquanto os textos são exibidos ao longo de todo o filme criticando a Inglaterra, tais como:

Censura da Capital. Os próprios manipuladores manipulados, e na sua loucura procuram revogar todo valor. Tudo. Isto é uma merda, mas nós achamos que você vai gostar.15

O caráter sombrio do filme antecipa o tom de The Last of England, no qual Derek Jarman medita sobre o que se tornou a Londres e a Inglaterra nos anos 1980. Nesse filme, a colagem das fontes são muito diferentes, de filmes caseiros feitos por seu avô e seu pai em preto e branco, ou em cores de sua família ou de filmagem de guerra, para Super-8 transferidos para vídeo antes de passar para 35 mm, como ele fazia antes com seus videoclipes. O uso do Super-8 foi uma necessidade, “A câmera de Super-8 é liberdade, a de 35 mm é acorrentada pelo dinheiro às instituições”16. O filme não tem uma narrativa real, mas momentos em que estamos testemunhando o declínio da Inglaterra. A reminiscência do tempo anterior é enfatizada pelas sequências de abertura em que vemos Derek Jarman em sua escrivaninha escrevendo em um ambiente onírico, rodeado por objetos de arte, naturezas mortas. À beira do despertar de uma realidade terrível: a Inglaterra vista e moldada por Thatcher. Enquanto fazia este filme, Jarman descobriu ser soropositivo, o que contou em seu livro- diário The Last of England. O filme tem algumas cenas provocantes, como a transa entre um jovem nu e um terrorista, cenas assustadoras de pessoas esperando em um cais, nas docas, filmado por quatro câmeras de Super-817. Ele deu uma qualidade coreográfica distinta para essas cenas, tanto quanto nas cenas de dança e de casamento. A improvisação é exemplificada no filme e iria encontrar a sua perfeita realização na cena do casamento e na cena em que Tilda Swinton rasga seu vestido com uma tesoura.

O filme é uma ode: “The Last of England trabalha com imagem e som, uma linguagem que está mais próxima da prosa do que da poesia. Conta sua história um tanto feliz em imagens silenciosas, em contraste com o cinema no limite da palavra”18. The Last of England é um um filme avant-garde amplamente distribuído pelos principais cinemas, e como The Garden e Blue (1993), chega a uma audiência mais vasta do que se poderia esperar de tal produção cinematográfica. A natureza do trabalho de Jarman foi misturar e colidir gêneros “opostos” de cinema em seus próprios filmes, misturando a tradição do filme de arte no de avant-garde, unindo fragmentos, tornando público o que é privado, mostrando a relevância do íntimo nas questões sociais. A questão da identidade, a irrupção da política sexual no núcleo de seu filme não é ímpar, é parte de sua vida, ele era um membro do grupo ativista Outrage. A homossexualidade tinha de ser afirmar na arte e no cinema do establishment britânico, tanto quanto a campanha de ódio contra pessoas com Aids. Vamos ver, por exemplo, membros do Outrage apoiando o rei em Edward II (1991). Em The Garden, temos a evocação de ativismo em diferentes cenas do filme celebrando a homossexualidade, tanto quanto atacando a ideologia católica. Isto será mais uma vez destacado em Edward II, enquanto a separação de Galveston e Edward é acompanhada por Annie Lennox cantando “Everytime We Said Goodbye”, do Projeto Red Hot & Blue19. Como Mark Nash escreveu: “A política sexual de Jarman é intransigente. A subcultura e a sexualidade que participam de seus filmes não são simplesmente ‘gay’ ou ‘camp’. Os filmes assumem questões marginais da política sexual, especialmente as noções de masculinidade, prevendo, antecipando uma mudança na ordem e costumes sociais que seus filmes tão apaixonadamente exigem. No entanto, esta apresentação e celebração, esta construção de uma estética subcultural, também aspira a uma condição mais geral – falar para a Inglaterra e para o cinema britânico. Traça uma direção criativa alternativa: longe do imperialismo estético de Hollywood (seu conservadorismo moral, sua lógica narrativa simplista); longe também do chauvinismo, ainda que com o espírito ‘britânico’ de cinema americano do British Film Year”20.

Com seu cinema, Derek Jarman descortinou novas maneiras de olhar para figuras históricas, dando-lhes um corpo, uma sexualidade, um contexto que tem muitas vezes, para não dizer sempre, sido excluído, invalidado, negado pela sociedade. Seus filmes resistem contra a tentativa da sociedade normativa de interpretar e produzir uma história de acordo com a sua visão hetero. O cineasta não estava preocupado em produzir uma visão clínica de gays e, nesse sentido, ele pode ser considerado como um dos pais do New Queer Cinema. Ao mesmo tempo, ele é uma figura do Romantismo inglês do século XX.

Amsterdam 1991, Festival of Lesbian and Gay Film, uma homenagem a Derek Jarman e Ulrike Ottiger. Derek apresentou seus filmes e lançou The Garden; ele reconciliou com seu discurso as diferentes tendências e forças de oposição em jogo durante o festival.

Com Blue (1993), Derek Jarman ofereceu uma nova maneira de falar sobre a Aids. Como Douglas Crimp disse em 1991: “A Aids não existe para além das práticas que a conceituam, a representam e lhe correspondem. Conhecemos a Aids somente através dessas práticas”21. Blue representa uma conquista nesta conceituação. O filme propõe uma peculiar experiência imersiva em cor e som, em que a cor azul é a única imagem visual concedida ao olhar. Ao mesmo tempo, a riqueza das trilhas sonoras de várias camadas, misturando as vozes dos cineastas ou de suas personificações, o som ambiente, ruídos… ecoa uma sinestesia virtual em que não teriam qualquer mudança no campo visual, enquanto o som causa nossa perambulação nas profundezas da cor. Blue22 lida com biografia, Aids, amor, sexualidade, morte. Justapõe todos os elementos da vida e os filmes de Derek Jarman em uma espécie de peça de rádio, tornando possível imaginar o trabalho como uma instalação. É um trabalho de meditação, uma assembleia, uma memória.

Blue transcende a geografia solene dos limites humanos23.

A caridade tem permitido ao indiferente parecer se importar e é terrível para aqueles que dependem dele. Tornou-se um grande negócio, pois o governo foge de suas responsabilidades nestes tempos de indiferença. Nós cooperamos com isto, então os ricos e poderosos que nos ferraram uma vez, vão nos ferrar outra vez e conseguir de ambas as maneiras. Temos sido sempre maltratados, então, se alguém nos dedica uma simpatia mínima, nós exageramos em nossos agradecimentos24.

Yann Beauvais é cineasta, curador e crítico independente. Vive no Recife desde 2011, onde fundou com Edson Barros o espaço cultural B3 (Bê Cúbico). Fundador da Light Cone em Paris, em 1982, cooperativa de filmes experimentais e videoarte na França. Últimos filmes: Artificial Poetic (2013) e Schismes (2014). Última publicação: Ryan Trecartin – Internet comme mode vie. Gruppen, n° 9, Paris, 2014. Últimas curadorias para B3: Erwin Wurm: video works, Um dia sem artes; Keith Sanborn: duas Instalações.

Tradução: Rachel Ades

 

1. MACKAY, James. The Jarman Award, James MacKay on Derek Jarman.
A exibição a que James MacKay se refere foi em 1979.
Disponível em: <http://www.apengine.org/wp-content/plugins/as-pdf/generate.php?post=1553>

2. Ver videoclipe da música “The Queen is Dead”, feito para o Jubileu de Diamante da rainha da Inglaterra por Derek Jarman, com música do The Smiths.
Disponível em: <https://www.youtube.com/watch?v=YS3UMjNUqFM>

3. JARMAN, Derek. Dancing Ledge. London: Quartet Book, 1984. p. 105. 4. JARMAN, Derek. Op. cit., p. 124.

4. JARMAN, Derek. Op. cit., p. 124.

5. RAINS, Tony. Submitting to Sodomy Propositions and Rhetorical Questions about an English Film-maker. In Afterimage, no 12, London, 1985.

6. A Frente de Libertação Gay foi fundada em 1970
7. O Partido Revolucionário dos Trabalhadores foi um partido trotskista que nos anos 1980 implodiu em diffrentes grupos. Vanessa Redgrave era um símbolo quando Lee Drysdale era um membro do partido. Ele estava no set de Jubilee e trabalha há três anos no projeto de Neutron com Derek Jarman.

8. Sunday Bloody Sunday, de John Schlesinger.
9. The Servant, de Joseph Losey
10. JARMAN, Derek. At Your Own Risk: A Saint’s Testament. London: Hutchinson, 1992. p. 73. 11. De James Bidgood.
12. JARMAN, Derek. At Your Own Risk: A Saint’s Testament. London: Hutchinson, 1992. p. 74.

13. Ver MACKAY, James. Op. cit.

14. Sobre The Angelic Conversation, ver JARMAN, Derek. The Last of England. London: Constable, 1987. pp. 145-8.

15. Textos de Imagining October em The Last of England. Op. cit., p. 102. 124

16. JARMAN, Derek. The Last of England. London: Constable, 1987. p. 169.
17. Câmeras operadas por Derek Jarman, Chris Hugues, Richard Heslop e Cerith Wyn Evans.

18. JARMAN, Derek. The Last of England. London: Constable, 1987. pp. 185-87.

19. The Red Hot era um projeto para conscientizar e levantar fundos para lutar contra o HIV/AIDS através de cultura pop e CD.

20. NASH, Mark. Innocence and Experience. In Afterimage, no 12, London, 1985.

21. CRIMP, Douglas. Aids: A cultural Analysis Cultural Activism. In October, v. 43. Cambridge: Mit Press, 1987.

22. O texto do filme está publicado em Chroma, A Book of Colour (Jun. 93). London: Century, 1994. 23. Idem, p. 109

Ken Jacobs Film – As a Phantom Image (Eng)

published in 1994 for the Ken Jacobs retrospective at the American Center in Paris and in the Oberhausen catalogue (42ème international – short film festival, 1996) for the Ken Jacobs presentation : « Das Kino Als Geisterbild ».

Ken Jacobs is one of the most important figures in American experimental film. For more than 35 years, he has questioned the nature of moving pictures in a variety of approaches. Whatever the genre – film diary, analytical film, « personals film », picaresque film, 3D performance – he is always interested in film as a process of recording and reconstituting (in the projection) an event or a more or less open narrative. The narrative structure is never absent on Ken Jacobs’s films, although some of his works break up the classic form of representation and its narrative traditions. Film replays in the present a time long gone, another life. Cinema as an enterprise producing phantoms and ghosts whose visual performances constitutes its magnificent outcome. A work on the ephemeral and the fragility of the filmic illusion, revealed by Jacob’s installations.

Since his early films, which celebrates a way of living, long gone since, as with Orchard Street or Little Stabs at happiness, 50’s bohemian life in New York city, to the latest performances of electrical shadows, Ken Jacobs has always been the outsider within the experimental film scene. H has always claimed and promoted a free cinema, a cinema close to home movies as those made about Flo’s family for Urban Peasants, and which share the same feeling as some of Ron Rice and Jack Smith. Many of his early works have been done with Jack Smith (even if some times they were done with some disagreement). Ken Jacob’s film mixes styles which until then dispersed, the use of found footage, authorize him to question the narrative in Doctor’s Dream, investigate the notion of authenticity with Perfect Film, out-takes from a film dealing with Malcolm X assassination. With Tom, Tom The Piper ’s Son, themes and variations transformed the narratives codes from a recycle so called primitive film. This recycling of footage is also very active within the performance, a French porno film of the 20’s is used withXCXHXEXRXRXIXEXSX, while Making Light of History : The Philippines Adventureused newsreel. Within the 3D film the history of cinema is present ; as a reference or as a quotation, Lumière’s film within Opening the Nineteenth Century : 1896, Buster Keaton with Keaton’s Cops.

He works by approaching sounds and music as well as recycled and redirected images. This recycling does not stop at his own films which are never completely finish, always work in progress. The soundtrack of Blonde Cobra uses a radio transmission which punctures the stretches of the black silence, is inserted between the sequences in order to oppose the present and the vision of scenes that took elsewhere, long ago. The invasion of parasites into the ghosts of a story that is still to come for the audience of the presence. The characters of the picaresque films are put into question, opened for discussion by the scenes that interrupt the plot, as in Star Spangled to death and The Sky Socialist. His work his always on the periphery, marginal. In With Tom, Tom The Piper ’s Son, it is the rereading of the story, its abstraction, that makes us aware of the details of the images we have missed. Likewise in Perfect Film, where none of the found footage film was modified. By this process of appropriation and naming, Ken Jacobs forces us to exercise a critical view. Ken Jacob always tries to break our seeing habits to make us aware of all that can be contained by in the filmed image. The representation is haunted by a multitude of events we don’t know how to perceive. Only the filmmaker’s insistence – as well as the spectator’s- makes them visible. The ghost images recover shape for all who knows how to take time to look at them.

CHAUSSE-TRAPPE (THE TRAP) (Eng)

in Undercut n°16, London 1986

 Art is

A screen, an image. The image on the screen is not the film frame. A distinct distance separates them. Our screen, our image is thus contained. But the container tends to disappear in favour of the contained. This effacement is magnified at the centre of the screen, where events and action are distributed, divided. To such an extent that a flicker film reveals the pulsating mechanism which unevenly distributes light across the surface of the screen, dividing in four zones. In the centre is a dead zone, neutral, which seems to allow for the eruption of luminous events. This flow of luminous energy between the four quarter eclipses, by its very rotation, the edges of the image. The edges disappear in favour of this intense flow. The frame becomes a dead zone of representation. This zone shines dumbly, unquestioning – and yet it keeps its cutting edge.

Two screens revitalise at least two edges : those that meet.
Two screens direct, brutally, a dialectic of presence.

Simultaneously presence delayed, replayed, redoubled, homogenous, heterogeneous. Two screens can contradict each other in various multiple ways, suggesting new signifying chains as well as raising aesthetic problems that others have been able to grasp by using musical models as a paradigm. The look flows, weaving patterns across the surface of representation, choosing elements and lines of force which sometimes fold back into the totality of the image-composition. A temporal potential realised through spatial means. Reinforcing displacement by the condensation of two images (or more) into a totally new one.

Something serious

A similar paradigm is used in R and in it’s twin screen RR. The central part of the film is based on a transcription of a Bach invention for two voices.
The two screens underscore this paradigm in so far as one is always the simultaneous reflection of the visual development of the other, regardless of the position of the reels (left or right) – the technique of inversion of a theme so often used in music.
The use of the mirror deliberately side-steps the question of the reality of the representation. It no longer has any importance now that we’re in the domain of the reflected image, of imitation. It’s impossible to determine which is a reflection of which. The two images reflect one another in a constant back-and-forth, mimicking to a certain extent the development of the (fake) pans which comprises the film ( shots taken every 5° along a 180° arc). The pans metaphorically evoke, if only superficially, the keyboard. The progression wasn’t, isn’t, the same : in one, range changes pitch ; in the other , space is revealed and extended. They have nothing in common, their development isn’t the same – one lead to growth, augmentation ; the other , a spatial glissando. Sans Titre 84, employs photos of the highly symbolic Arc of Triumph which are then cut into vertical, horizontal and diagonal strips. The individual photos carry little interest, they represent just a brief moment in a series which moves in two different directions. The serial aspect of the photos invokes time, shaping time which subverts the still photo. Every one of these photos -grouped into four different series (one series which circles the arc, shot from24 positions according to a 24-pointed star inscribed on the ground, plus three series approaching the arc from three different avenues) – is a common shot, with standard lighting and composition, thus enhancing the object photographed. The blending of these views (2 by 2) produces new objects which mark distinct moments in the circling of the arc. Architectonics is thus invoked, convoked by the differential reconstruction of the initial object. The arc transforms itself by coupling with itself (unity generates multiplicity). The instantly recognisable identity of the object is thus short-circuited, creating tension in the gaze which seeks to re-establish that lost identity. For the object gets lost in its twice doubled image and (dismembered) must reconstruct itself. The image paradoxically and simultaneously gives of itself in order to withhold. The Arc of Triumph’s power is such that, even though heavily re-worked by the strips, it tends to efface this re-working. Hence the necessity of twinning the screens. Offering a twin, if not an identical one, which will attack the (politically, symbolically, touristically) « much-longed-for » object.

Alas !

Movement, movements are simulated. Realm of imitation, imitation of cinema (that of the partisan of cinema as reflection of reality as well as that of their antagonists, those valiant knights who do battle with that horrible beast). The film presents false movements – the work of fiction. The temporally constructed is neither that of narrativity not that of a simple circling of the arc, because it’s doubled – in phase or not – creating and underscoring the mechanical concordance of the projection situation. Isolate to manipulate, or, how to disguise the way things work.
Itself an imitation (simulation), the reconstruction is agenced through retouched photos, and smooth continuity is disrupted in favour of a numbing of sense(s). And the objects go round. Faced with these doubled objects and twinned screens, the gaze nevertheless privileges, choosing one circuit, selecting one circling rather than another. It’s incapable of dealing with simultaneous contraries.
So the gaze follows one way, which nevertheless begins to tilt when the object encounters itself. Without, for that matter, really identifying itself for what it is. Each time that the « treasured object » draws nearer to its lost form, the other object reappears and sabotages homogeneity with its heterohomogeneity.


yann beauvais, translated by Deke Dusinberre.
Undercut n°16 spring/summer 1986

Comme un air, ou le cinéma d’Anna Thew (Fr)

Comme un air, ou le cinéma d’Anna Thew

Envisager la pratique cinématographique d’Anna Thew c’est faire état d’une pratique plurielle. C’est à la fin des années 70 qu’elle investit ce médium à partir d’installations et de performances. A cette époque, le cinéma expérimental britannique est dominé par l’école structurelle matérialiste qui interroge la spécificité du médium et surtout de sa matérialité, que le travail du film en tant que film découle. Cette appréhension du fait que le sens du film dépend de la matérialité plus que des formes de représentations illusionnistes. Ce cinéma pour de nouvelles générations de cinéastes se comprenait comme ascète, formel mais surtout il proposait une approche qui se situait dans la lignée moderniste et était avant tout une affaire d’homme. Ce qui ne veut pas dire que des femmes en étaient exclues loin s’en faut. Mais le réductionnisme des propositions, autant que, l’esthétique déployée affiliait cet usage du cinéma à ce groupe dominant.

Le travail sur, autour de la narration, le travail sur des formes plus linéaires, qui recourraient à l’expressivité, était relativement banni de ce champ. Cependant, c’est des le milieu des années 70, que le féminisme[1] remet en théoriquement en question ce regard et cet usage du cinéma, et favorise en contrepoint  un retour à des formes plus éclatées, propices à d’autres sensibilités et différences.

C’est à cette même époque, que la dame de fer prend le pouvoir en Angleterre et transforme de manière radicale le champ social et politique, qui déclenchent dans le champ des arts et de la culture des contre-feux, des activismes. C’est à partir de contexte qu’il faut appréhender le travail d’Anna Thew.

Plusieurs fils nous permettent d’entrer dans l’univers de la cinéaste, parmi ceux ci on retrouve une affirmation partagée par plusieurs cinéastes de sa génération à savoir l’usage du super 8, c’est à dire un petit format, sans qualité, commun et partagé. Un format qui s’écarte des formats plus installés dans l’industrie autant que dans le cinéma expérimental des années 70. Elle ne se limite pas à ce format, mais celui–ci, est l’outil qui favorise les captures journalières autant que pour la préparation d’étude singulière, qui se déploieront sous la forme de multi-écrans. Le super 8 permet de « collecter des images pour les journaux mais seulement, il peut servir avant tout à la collecte, il permet de regarder de la même manière que le permet le dessin et la peinture, mais à la différence que cela se meut»

« Super 8 lends itself to collecting, diary images, but sometimes it is not diary but gathering, looking, in the same way as though you drew or painted things only this is moving ».

Utiliser ce format c’est affirmer incidemment un aspect pictural du format, les couleurs du kodachrome, le grain mais aussi la maniabilité. Le recours à ce format entraîne chez la cinéaste comme chez bien d’autres (Téo Hernandez, Derek Jarman, Cordelia Swann, pour n’en citer que quelques uns) une affirmation du corps par ses gestes. La capture rapide, les changements de rythme, la pulsation des syncopes se retrouvent dans plusieurs films Shadow Film (1983), Ramblas Idiomas (1987), Tivoli Films (1988), Train Desden Berlin (1994). Remarquons que ces super 8, seront recycler pour devenir d’autres films, mais à la différence de nombres de cinéastes on ne découvrira ces films sources que plus tard, alors que les travaux secondaires dont ils procèdent ont été vue antérieurement.

Cette manière de filmer qui n’en privilégie pas une plus qu’une autre qui affirme les filés, les passages images par images comme les pauses démontrent une grande liberté vis-à-vis de l’outil et inscrit pour la cinéaste la nécessité de saisir de l’instrument à des fins expressives. Étrangement, dans ces films, la cinéaste partage avec Marie Menken cette manière de saisir en guirlandes de photogrammes la beauté évanescente d’un jardin au fil du jour et des saisons (Morning Garden Blackbird 1984), tout comme elle se ressaisit de l’univers du jardin de Tivoli, en un hommage à Kenneth Anger, mais ici ce sont les plans qu’elle fait des fontaines et jardins qui évoquent le film. Ce n’est pas le paysage même, mais sa représentation qui est l’objet privilégié.  Ainsi dans Morning Garden Blackbird, le double écran oppose fréquemment les saisons l’une au-dessus de l’autre autant que les plans d’arbres en fleurs de l’écran supérieur alors que l’écran inférieur nous montre le même jardin selon d’autres angles l’hiver ou à une autre saison. La juxtaposition verticale de deux écrans renvoie non seulement à une fenêtre donnant sur un jardin, mais aussi au format d’une peinture. Elle se distingue des multiples horizontaux que la cinéaste utilise pour Broken Pieces for the co-op (2001), ou Train Pieces, et qui travaillent plus sur les déphasages, la séparation et la jonction afin de constituer ponctuellement une apparente image unique.  Dans Morning Garden Blackbird la représentation doublée qui ne produit jamais une seule image,  l’image défie sans cesse l’unicité, au profit d’une instabilité construite par emboîtements successifs, que le son des oiseaux et du trafic et les cris lointains empêchent de s’effondrer. Le son pose alors l’image dépassant la seule illustration par son intensité.

Cette capacité à faire surgir de nouvelles associations, d’autres scènes à partir de quelques plans ou de quelques voix, semble relever d’un art du collage, qui ne privilégierait pas le rapport matériel entre les choses selon des critères de ressemblance ou d’analogies mais leurs juxtapositions selon des principes qui relèvent plus de la collision et de la collusion, proche en ce sens du cadavre exquis. Ces associations fonctionnent à la manière de ponts entre des rives distinctes du cinéma.

C’est dans ce sens que l’on doit comprendre le jeu avec les langues qui hantent le cinéma d’Anna Thew. Le langage habite le film comme le fait la peinture, mais si la peinture se retrouve dans des effets visuels qui sont en relation avec la surimpression de couches d’éléments divers ( voir LFMC Demolition 2000 ou Broken Pieces) on la retrouve aussi dans des mises en scènes de séquences dans les films plus narratifs , dans leur théâtralisation quand bien même celle ci fonctionne selon des principes brechtiens comme avec Hilda was a Goodlooker 1986,  Eros Erosion 1990, Cling Film 1993).

Le langage sous toutes ces formes est envisagé comme un élément essentiel du cinéma d’Anna Thew qu’il se présente sous la forme de son ou comme signe graphique. Le mot et la langue – mais on devrait parler de langues- contaminent tous les éléments du film. Mais si la langue envahit l’espace du film, elle le fait de manière singulière. Nous ne sommes jamais en présence d’une voix qui emplirait et donnerait à l’image son sens. Rares sont les moments ou une voix domine, hormis avec les interviews de Steve ou la voix de la mère dans Hilda. La voix est toujours plurielle et fonctionne selon une polyphonie classique telle celles des fugues de Jean Sébastien Bach. La voix-off désincarnée, n’est pas le son synchrone du corps que l’on voit, elle est là pour se donner à entendre. Avec Hilda, l’expérience du film, privilégie l’écoute, comme le fait à sa manière Su Friedrich, dans Sink or Swim à travers les récits d’une enfance.   La délivrance fragmentée des récits favorise l’écoute, les images du film sont alors des fragments supplémentaires qui viennent souligner, infirmer ou abonder dans le sens de la voix. Le recours à la théâtralisation des scènes pour illustrant des souvenirs ne souligne pas seulement la distance dans la reconstitution proposée,de plus  elles sont souvent à contretemps. La vision d’un jeune homme en marin n’est pas synchrone avec l’évocation du souvenir lui correspondant. Ce jeu avec les écarts nourrit le film. Ces écarts de la voix et du texte, entre l’énoncé et son référent permettent de faire surgir une sensualité, parfois une volupté que le simple souvenir oral ne faisait qu’indiquer.  Cette distance entre les différents textes, ou entre le mot et sa graphie ou la tonalité de sa profération nous fait goûter aux dissonances et indique un rapport possible avec le multi écran.

Le travail du son se distingue chez Anna Thew par la multiplicité des langues parlées, chantées, écrites. Cette multiplicité met en évidence la singularité de chacune de ces langues, leur scansion, leur dynamique et poétique. Cette rencontre des langues, dans le corps du film, qu’ils s’agissent de l’italien, de l’allemand ou du français interroge du même coup l’insularité de la langue dominante : l’anglais devient une langue parmi d’autres. La cinéaste se dit à travers cette polyphonie, la version originale est par conséquent plurielle, à la manière des musiques et les films à partir desquels elle composent ses œuvres. Chaque film se nourrit des lieux, des villes que la cinéaste parcourt, des souvenirs, des hommes, de ses désirs qu’elle enregistre de manière distincte et qu’elle assemble en des mosaïques qui n’abolissent pas les raccords, rajouts, ou éraflures. Il faut comprendre le film comme un corps, et par conséquent l’entendre comme malléable, se transformant incessamment. Ce renouvellement constant se dévoile dans les films d’Anna Thew dans le recyclage de séquence d’un film à l’autre. Cet usage travaille la notion de motifs autant qu’elle est un élément rythmique qui permet d’envisager ses films comme des poèmes cinématographiques qui à partir d’une expérience individuelle et s’échappent pour s’ouvrir à d’autres chants. En ce sens son travail partage avec celui d’Anne Rees-Mogg, pour lequel elle a une grande admiration[2], cette puissance d’évocation à partir de trois fois rien : une photo de famille, un accord de musique, concrétisant l’expérience du passé par le biais de l’expérience d’une conscience. Ainsi Berlin se voit dans plusieurs films super 8 et multi écrans, mais ce retrouve dans Hilda lors d’une scène de cabaret…

Cette conscience se met en scène comme chez bon nombre de cinéastes du « personnal cinéma ». Mais cette inclusion  renvoie plus certainement aux façonnages identitaires, et par conséquent fait signe par-delà les styles à Maya Deren. Jouer un rôle, mais aussi filmer et exprimer son corps au travers du filmage, sont deux attitudes que privilégie la cinéaste. La nuit, les identités sont moins définies, elles évoluent au fil des expériences, les rôles permettent de déjouer les codes, de s’en amuser, ainsi les scènes de cabaret et d’habillage avec des combinaisons de latex… Avec ces jeux de rôles Anna Thew s’engage au côté des cinéastes qui ont travaillé la question des minorités puis des genres. Ce surgissement de l’expressivité, du désir permet de travailler les inhibitions qui encombrent souvent les représentations sexuelles, surtout lorsqu’on les inscrit dans la contemporanéité du sida. Ainsi Cling Film (1993) travaille sur les inhibitions liées à la transmission hétérosexuelle qui fait qu’il est n’est pas jugé utile de promouvoir une campagne sensuelle du sexe sans risque (safe sex). Ce film s’inscrit dans une lignée de travaux d’activisme pour lesquels l’affirmation et la dénonciation n’écartent jamais la nécessité du plaisir, en coupant cours à tout le fatras moraliste et puritain pour lequel le sexe est chose bannie à la stricte nécessité reproductrice. Ce film  partage avec le « new queer cinéma [3]» cette mise en scène des corps, ce plaisir de filmer des corps désirants. On pense ici autant à certains films de Derek Jarman, Isaac Julian, pour lesquels la scénographie des corps, les références à la peinture manièriste ou à la peinture de genre tient lieu de stratégie afin de contaminer le cinéma avec d’autres propos.  Cling Film propose ainsi une série de vignettes qui tour à tour sont provocantes ou hilarantes (un night clubber qui bande mou à la vue d’une capote)… Des textes viennent se greffer et parasiter parfois les images à la manière de directives détournées. Ainsi au cœur du plaisir, la langue revient par la bande. Mais le plaisir n’est jamais loin, les corps se parent, se mettent en scène pour le plaisir, comme dans Cling Film, Steve Tattoo in the Spring, et Terra  Vernin (1998), mais aussi dans une autre mesure Mario Footage (1999) à partir de séquences refilmées de Mario Montez. Ces films travaillent la question des genres mais surtout la question du désir et de sa mise en scène, la caméra super 8 devient caresse, elle s’attarde sur les corps, tatouage, grain de la peau, pilosité légère…

Le travail du son, autant que le travail de l’image participe avant tout de la notion de collage. Mais on ne pourra parler à proprement parler d’une esthétique de found footage, tout d’abord parce que la majeur partie des films n’en sont pas issues mais aussi parce qu’à la manière de certains diaristes[4]e, Anna Thew recyclent ses propres images, les reconfigurant selon les projets mais aussi selon les présentations. Cette volonté de proposer à chaque fois un nouvel accrochage n’est pas sans rappeler le travail de l’interprète pour lequel chaque concert, performance ne peut se réduire à une stricte répétition. En ce sens une fois encore Anna Thew tente d’introduire et d’inscrire une expressivité du moment, quand bien les objets dont elle se sert se soient évaporés. Le travail du film alors s’inscrit comme un retour nostalgique.



[1] Voir le texte fondateur quant au cinéma narratif de Laura Mulvey : Visual Pleasure and Narrative Cinema paraît dans la revue Screen en 1974

[2] On se souvient de l’article qu’elle écrivit pour le directory of British Film & Video Artists  edited by David Curtis pour l’Arts Council of England, ICA londres 1988

[3] voir le New Queer Cinema confrence at the ICA london 1992,  voir How do I look ed by Bad Object-Choices 1991, et Queer Looks ed by Martha Gever, John Greyson Pratibha Parmar Routledge, NY 1993

[4] Je pense avant tout à Vivian Ostrovsky et à Derek Jarman.

Une interview de Robert Breer (Eng)

1983 et 2004, bilingue in Robert Breer Films, Floats & Panoramas, catalogue de l’exposition du Musée d’Annecy éditions de l’œil, Montreuil 2006

INTERVIEW WITH ROBERT BREER

New York, November 15th, 1983

yann beauvais : How did you come to film? I’ve read what you’ve said about it. You seem to have gone from painting to film and then from film to sculpture and I would like to explore that movement and to understand it, in some ways.

Robert Breer : Well, the first film I made was in 1952 and it’s a brief animated film (called “Form Phases”). Very strange. I did’nt make it in France, I made it in America on a visit back there because my father had a camera which I could use. I had been living in Paris since 1949 and I was a painter at Gallery Denise René, practising neo-plastic orthodoxy that was considered avant-garde at that  time. My interest in film then was marginal. In that neo-plastic period, one made “absolute” paintings. It was “art concret”. So I made about one “absolute” painting every week, and it occurred to me that there was a contradiction in being able to make so many absolutes. So I thought that maybe the interest was, for me, in arriving at the absolute rather than being there. So I thought maybe the process was more interesting than the product.

yb: Is it from the idea of process that you went to films?

RB : Process is a word that become used later and differently and I, of course, didn’t use that word then thinking about it but that was the idea. So I made a Flipbook of small paintings to try to understand how I arrived at making this final painting. I was working in very simple geometric forms, hard edge, conventional, you know more or less conventional neo-plasticism. So, this first Flipbook  then became the basis for a film on my next visit to America, which was that year 52 and yet I didn’t really use those original images. I had to invent my own system because I had no training in  filmmaking at all and certainly none in animation. I only knew that I had to do one frame at a time. I Had to invent the method. I rented a slide projector that would project big slides (3”x4”) that you could draw on and I bought packages of transparencies – I could have made my own actually. Anyhow I cut out forms very carefully in transparent self-adhering cellophane and made images which I then projected onto a screen. With a 16mm camera next to the projector, I then  filmed them one frame at a time. It was an awkward process. Then, I tried some other totally different frame by frame and some continuous shooting with ink in the water and so on. I was then just playing with film for the little while that I had a camera. So those were my first experiments. I, of course, very quickly got interested in film itself as opposed to film as an analytical tool. I got interested in film’s potential for synthesis and continued to make films, borrowing the camera from my father.  He was making three dimensional movies by that time. In the ‘40s he was making home-movies in 3D, with a twin camera which he had invented. As an inventor it was easy for him… and quite natural then for me to try to make films, even without any formal training. I was very suspicious of the books on animation which were too infantile for me to be interested in, except for some of the techniques I guess. Usually I didn’t like to look at them. I wanted to invent my own system anyway.

Yb: From painting to film you were reaching stuff not obvious in painting which is time, which is not really within the painting : time an rhythm.

RB : Well, by 1955 I continued to paint and I began to introduce elements in the paintings which broke with the neo-plastic orthodoxy, because usually what we were working with then were forms which were locked to one another and it was some sort of religious heresy to have a form which floated free. It was considered a weakness in a painting if there was any suggestion of elastic space. Usually, the space had to be very concrete, very tied down to the frame, tied one to another and so forth. In my case, I introduced a floating line, quite deliberately. I don’t pretend that it was great aesthetic breakthrough because in a sense it was going backwards in terms of pure plastic …

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Yb : Was it a bit like some Kandinsky?

RB : It could be Kandinsky with cosmic space suggested and so forth. I, wasn’t interested in doing that. I, of course, didn’t want to repeat Kandinsky. The point was that my films did affect my paintings and finally by 1958 I quit painting altogether. The films went on from painting… from looking like my paintings to suddenly going in various directions and of course, the most radical one was, the little film I did before “recreation” which was very similar to “recreation”, it got destroyed because it was a loop and wore itself out. Anyhow, the principle was there. The earlier “Form Phase” owed something to earlier experimental cinema; Hans Richter and Eggeling in the formal use of space. I must have been influenced by Richter…

Yb: But had you seen those films at that time?

RB : Well, I can’t remember but it’s just too obvious in “Form Phases 4” that by that time I had. By 1954, I must have seen Hans Richter because there are some parts of that which are too similar to be coincidental, but you know that artists often repress their influences. Most real influences are absorbed subconsciously. But I have to acknowledge that and that’s fine because “Rhythmus 21” was an important film for me , it still is I think. Anyhow, there was that influence in those early films, at the time I played with colour mixing, I don’t know about any pre-existing experiments with colour changes from one frame to the next, it doesn’t matter, but I did it in “Form Phase 4” enough so it gave me the basis for speculating on what could happen if I changed form from one frame to the next, I could see that green and red did not make grey as it does on a palette but makes a kind of yellow. It’s common knowledge now that mixing projected light is different from mixing pigment, so I wanted to speculate on what would happen if I changed form radically in the same way since that was purely a rhetorical question. I shot a strip of film very quickly in which every frame was completely different in form and colour. I made this into a loop about ten feet long and projected it continuously.

Yb: That’s before you did “Eyewash”?

RB : Oh yes, “Eyewash” was later but “Recreation”… I don’t know what I called that first loop, somewhere it’s been described as “Image by Image”… All I know is that “Recreation” is very similar to this other film.

Yb:  The question of how you arrived at film, what is the connection exactly?

RB : In 1955, I had a show of paintings in Brussels. I was there for the opening and I showed “Form Phases 4” Jacques Ledoux was the director of the Cinémathèque, he showed the film during my opening. The public was really interested and then later it was shown at the Cinémathèque Royale de Belgique. A critic named Paul Davay, Wrote an introduction to my film and it was shown with Murnau’s “Sunrise”, which was one of my favorite films from way back. And suddenly I realized that my film was being taken rather seriously in the noble tradition of abstract films. It gave me a sense of belonging in a way. Also, having for the first time a public reaction was interesting, a collective reaction in a theatre. I’m sure that it helped stimulate me to make more films. It was encouraging. By that time, my painting was a mixture of American and French conventions and was mostly ignored. There was no reaction to my painting. So the contrast of response to these two different media probably helped push me into film, I also dropped painting because I could see I was going towards a kind of expressionism and yet another orthodoxy.

Yb: So, although without really knowing what was happening with painting in the States, you were doing similar work?

RB : No, I knew what was happening in the States but it was something that was not a first appreciated or acknowledged by my ‘confreres’ or even me. I had seen a Pollock show at Studio Facchetti in ’52 and I visited America that same year to make films, so I saw things. In 1956, at the Student Artist Centre, on Bd. Raspail, I showed paintings and films with the same results as in Brussels and I got hooked on making films.

Yb: Is it at this time that you worked with Fano?

RB :Yes, later it might have been around ’57. I spent time in Shaeffer’s Studio but I never did anything. I was tempted  but then also I felt that I wanted to do everything myself and it would be a more normal process, and it would be more integrated and unified if I did the sound also. By this time, I was beginning to get quite playful with film, I did a little collage film of Pope Pious XII, very sacrilegious film, 30 seconds long, then “Cats”, then after “ Recreation” I made “A man and his Dog Out For Air” which had naturalistic sound, birds…

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Yb: Yes, what is interesting in the film is that the naturalistic drawing appears just at the end of the film. So there is a contradiction between the sound that you hear, the title and what you see until the film ends. So there was a good response in the ‘50s towards those films in France, late ‘50s?

RB : Yes. I showed them, I was with Agnès Varda, together one night at the Palais de Chaillot in a Ciné Club de something and I was attacked, because my stuff was bad for the eyesight, “Recreation” was… I  showed my film at the Ciné Club des PTT, (laugh), very strange, an audience of 500 people. The President of the Post Office Club had seen my films, and he thought that they would be interesting for his audience which was otherwise too bourgeois and too normal, they needed something to provoke them, so he invited me to show my films.

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The audience got very hostile, especially toward “Jamestown Baloos” because Napoleon is made fun of ; a man got up in the audience and said : “donnez l’appareil à quelqu’un de Charenton, il peut faire la même chose”, that my films were a product of a sick person and someone else asked me : “dis donc Monsieur Breer, il parait que vous n’avez pas un grand amour pour Napoléon”, and I thought this is horrible, I never thought at this late date that Napoleon could be possibly so provocative. Anyhow there were some other places where to show films, not too often, but a few. Then someone sent me to see Langlois with my films and he was very enthusiastic. No doubt Langlois’ encouragement had some affect on me because, for one thing, this question I was hard to be oblivious to the difference of showing films in a theatre. I could be provocative, I got a reaction, I could be a political person as well as an anesthetician , so it was interesting, it was open; a field where aesthetic values were still being formed. I felt uninhibited. The tradition of avant-garde cinema was’un peu desséchée’ at that time, no one had been working in it much since the ‘30s.

Yb: Especially in Europe, especially in France.

RB : Especially in America, there were only a couple of people, there was Fischinger in California…

 Yb: And Maya Deren and those people….

RB  :  In the ‘50s there were quite a lot but I didn’t know them. I found out about them because they came to Brussels.

Yb: Had you met at this time the people who were called the Lettristes?

RB : I knew about them.

Yb : But had you seen their films?

RB :  Maybe, but from what I had heard I was not interested. My feeling was, and I might modify my feeling now, also I might have seen one, but what ever, I know I rejected the idea, I had the same reaction to Fluxism. I felt that it was too much a rehash of Dada. George Brecht was a special person and a good friend and I knew a lot of these people and we showed together sometimes, but I always felt that these were Americans re-living European art history too closely, and as a part-time European, I mean, some of their events were almost identical to previous events, why do this all over again? It seemed very academic to me.

Yb: Too concerned with art history?

RB : Yes, I think there were very good people doing those things but only changing the name; and of course it was Macciunas who maybe was responsible for it happening again. He was European, really an interesting case…

Yb: Because at the same time Isou, Lemaître were both working in film, one was called “Traité de Bave et d’Eternité” and the Lemaître one was “Le film est déjà commencé?”.

RB : Well, I was an anti-intellectual snob and I was also questioning the validity of Duchamp at that time. I was interested in Schwitters very much, I liked Léger very much and Richter, and so Duchamp seemed maybe a bit “trop précieux enfin n’est ce pas”. But I have changed quite a bit, I had arguments in 1960, very strong ones I also thought Rauschenberg was simply re-doing Schwitters, you know and didn’t think that much of his work. Then, I became very fond of Rauschenberg as a person, he was the first man to buy my work and also I collaborated with him on a performance  piece involving my sculpture. I had once to defend him on a European radio. I met Duchamp in Paris. I showed him my films around 1956. I put them in the projector upside down, unintentionally, and there was this confusion even though I knew he would appreciate that. He was a very sweet man, I loved him, after he saw my films he said : “We used to play around like that”. But he said, confidentially to me in a low voice : “Don’t you think they are a little bit too fast ?” And I love that. Then in New York I saw him when he was back here. I had Man Ray come over one time and we gave him dinner and I say : “you show me your films and I show you mine”. I was very naïve then, I didn’t know. A lot of the things that I thought were new were not new. They had already done all that stuff. I know it’s different but still it was a good experience for me to not be so arrogant.

Yb : So you were titally immersed in that world after a while? 

RB : Not really in France. 

Yb: No, later in the States.

RB: Oh back here, yes. When I came back here we showed our films together: Anger, I met Kenneth Anger in Europe and I met Brakhage, I think over there. But, we were shortly together after that. I got to know Kubelka quite well. Well, I came back to America in ’58 or ’59, I got to know Pop artists like Oldenburg, Lichenstein, Warhol and all those people and we used to hang out with them. I was involved more socially with them than with filmmakers, but our films were shown together through Jonas and Amos Vogel. We became ­identified as the so‑called Underground. So I knew those filmmakers, I spent more time with artists than with filmmakers. Brakhage and I have been trading films and corresponding, lately.

YB: I  can notice, in your films, a Jump around ’65,’66, there is something new which happens within the film itself. With « Recreation » you were playing a bit and then you seemed to become more involved in a formal and analytical process, of the film itself.

RB: When I came back in 1960 thew were no places to show my kind of film. Not many places and so I thought it had to be in a gallery because that would be the proper audience; they would understand my films. So, I found a gallery which would show films. Jack Mayer had a pretty good gallery and we showed several evenings of films; he rented chairs, I got films from the Modern Museum. The first night I made up a program of films, the usual preten­tious historical arrangement whereby I would be included with all the previous great filmmakers ‑ I didn’t know it was pretentious, but anyway… In those days most people had forgotten or hadn’t seen these films in a long time. There was the usual Richter, Eggeling, Léger probably, Man Ray and Duchamp. Jack had a good list of art people, we had 200 chairs, the place was filled up and there was another 200 people waiting outside and I had to introduce the films ; I didn’t want to, I was terrified, typically American, very shy about talking in public and untrained I guess. And Duchamp came, himself, sat in the sec­ond row, and here I was having to explain Duchamp to himself, I was terri­fied. Anyhow, we did three showings because people kept coming, it was suc­cessful. It was before Tinguely, so it must have been around ’59‑’60.

YB: Was it before the Film Theatre of Mekas?

RB: Jonas was writing for the Village Voice, and Amos Vogel had his Cinema 16. That already existed though it did­n’t show these films. Because it was in a gallery it brought people interested in art and because all the films were films made by artists that was impor­tant. So then I decided that I would also like to show some objects or things related to films in this gallery. You know I had been making Mutoscopes in Paris and I was going to show them at Iris Clert Gallery before we left, between Tinguely and Klein ‑ in fact Tinguely helped me make some Mutoscopes. He welded a stand for a great big one. I don’t have the ones of Paris because the images were in paper, I have pictures of them but they were destroyed. After that I made them in plastic, it lasts longer.

 Yb : Do you think there was a relation between those Mutoscopes and those objects of Tinguely?

RB : Tinguely’s sculptures ? About 1958 he helped me make some Mutoscopes which I showed in Antwerp in an exhibition with Yves Klein, Tinguely and Spoerri. There were about 10 of us. It was at the Hessenhuis in Antwerp, a big twelfth century warehouse. Tinguely had a fistfight with Von Hoydonck, a Belgian artist who tried to kill Tinguely with a chair because he resented this French artist organising a show in his country. Yves klein sold a piece of the Hessenhuis air that he had occupied for gold. And the artists in Belgium were very upset because this place belonged to them and Yves klein sold it, even though he just sold their air. Anyway, that was an early group show. I had my Mustoscopes on the walls, but as far as o showing of works with Tinguely, except films, that was the only time I guess.

« Eyewash » was made to be shown on the window of the Iris Clert Gallery and that’s why some of the images are reversed because I wanted the public to be able to see it both from inside and from outside, so you could see it from the street. My show didn’t happen, Yves Klein wanted more time for his show in June and he began to squeeze me and Tinguely was scheduled to precede me, so Iris asked me if I would accept a shorter show, instead of four weeks I’d have three weeks and then she said : « How would you like two weeks » and I said : « you know, now it’s too short » and she said:  « I’ll give you a show in the fall if you don’t want a short one now. » And she signed a piece of paper : « I will hereby give Robert Breer a show in September 1958 », I have a piece of paper, but I went back to America and didn’t come back to France. I never had that show. I didn’t show the Mutoscopes publicly there until Paris-new York at Beaubourg in 1977. There are other Things I made, contraptions, like a rear projection machine with a film that would wind itself back, it was like pretelevision, for the Grand palais Salon de Mai or something like that. When I got to New York – with the Mayer Gallery I throught – now I can show other things that I make, Mutoscopes and scrolls, I had drawings from films etc… So I began to think of objects that would relate to film but would relate to film but would nevertheless remain objects. I made many kinetic objects before I began to make the sculptures that glide along the floor. You know about those ?

yb : Yes, I have read about them in Downtown Review.

RB : oh well that’s a whole other career that I had. By’65 I started to have shows of sculptures that moved, I showed films in the Gallery at the same time as showing objects, and they were all related to me, as far as I am concerned.

Yb : is there some relation between your sculpture that move and Pol Bury’s sculpture?

RB : The difference is that parts of his sculptures move and in my case the whole piece moves, gliding along the floor. I knew Bury a Denise René, he showed in that same gallery with Tinguely and Vasarely and co. At that time, I was not making objects, I was making objects, I was making paintings and films, but no sculpture. In 1955, Pontus hulten and I made a little film about the Movement Show that includes a Bury wall relief  that could rotate. He started making his slow motion things a few years later I guess. How can I explain… we both used very slow motion ans when I first started making my pieces I said to him : « Look Pol, I’m sorry that I have to use slow motion, like you do but it is the only way for my pieces ». And he said : »oh sure, fine », it’s like he owned slow motion. Now really the point of my pieces is that they travel. They move around the space by themselves.

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Yb : Why don’t you speak about the relation between your sculpture and film, because I think there is a distance that’s interesting to talk about.

RB : I have a little super 8 film that I made of my sculptures moving but I’ve never really combined sculpture and film. I mean the obvious connections such as showing films on the tops of my sculptures I’ve never done. When I’m working on sculpture I am not thinking of film and when I’m working on film I’m not thinking of sculpture. Now some of my films do have animated sequences depicting the sculptures in them, in two or three films there are some references. That’s because I don’t  want to be systemetically excluding sculpture. Obviously, there are a lot of theoretical connections. I’ve been asked this before as you can imagine and in one case, my answer, was that an explanation might be that in each case I’m dealing with thresholds of awareness, of perception if you like. In one case with the sculpture, their movement is almost imperceptible, their behavior is illogical ; they seem to be static in looking at them, it’s not excepted that they would move but they do, so they are defying expectations in this way, they also move slowly enough so that if you see one here and then you look away and then minutes later it’s over there, there’s a recognition of not only having passed but also there’s quite a change of space involved. So, this depends on, I suppose a sense of surprise , although I never wanted that to be the case. I wasn’t interested in anecdote, I didn’t want any interest in them by bumping into each other for instance : oh isn’t that interesting ? ». I never wanted to anthropomorphise them either. My first vision of a sculpture was a field that was literally a field, outdoors, not just an abstract notion of a field but a « champ dehors ». These objects in this field as I saw it, placed randomly…

 Yb : Like a playground?…

RB : If you like, or with grass growing in it : a park. In fact, I thought of grass and then these objects « semi-obscurs » that were alive but my thinking was not anthropomorphic or biomorphic in terms of shape or in terms of content. I  was thinking, Sculpture. Strangely enough. This was pretty corrupt I was coming from centuries or art consciousness to arrive at what amounts to a motorized mollusc. Although I could find on a superficial level confirmation in nature : there are plenty of shell creatures that move very slowly and imperceptibly, snails and so on… But apart from that I am not re-creating nature. But I was dealing with that field that I imagined used, that had life, the idea of motorizing them was a second thought. At first, I thought maybe they should change their appearance. The idea of them moving away from their positions and the idea of them becoming automobile excited me very much.

moving sculptures

Yb: Around which year did you start them? 

RB : The first one had to be around ’64 or ’65. I think that’s right, my first show of them was in ’66. Before these « floats » I made kinetic objects.

Yb : But these ones are not kinetic.

RB : Oh you say they’re not. That’s fine because I hate the word. The reason  you might say they’re not kinetic is because they activate the space around them more than they seem to be doing anything themselves. They isolate motion itself. I think that the way I approach film is the opposite but it gets the same results, for instance a film like « Recreation » created static images for all its activity. The activity emphasises its fixity, almost stopping motion by going so fast that it doesn’t exit anymore. It’s anti-kinetic too. In a sense it might be true about these things : they have to declare themselves by being kinetic and they deny it… I could agree with that. So maybe what they have in common is that they are both dealing with thresholds. It’s the thresholds of experiencing them ; in one case you’re looking at film which doesn’t move and yet it’s conspiciously active. You can do that, it could be a black film with occasional appearance, I mean one knows the film is continuing to go through the projector and so on. The difference between slides and film is a very powerful difference, that everyone experiences. But anyhow it has to do with thresholds of definition, in other words, challenging film and challenging sculpture is done by going to the limit of the definition and going past it. You have to call my films, films even though there are conventions, well I’m talking about original films. Of course I have come back within all kinds of bounds. They’re not very radical my films, many of them. But the original step anyhow was that way and the same with these sculptures. For one thing the sculpture has been taken off the stand and not only that but its connection between itself and the floor is a very active area and this has no precedent for sculptural concern, there is no way to deal with this, the bottom of this piece that is sliding along and its relationship to the floor. That’s a very intense area of unresolved aesthetic.

Yb : I don’t know anyone who has dealt with that subject.

RB : No, even I haven’t in a way. I mean I’ve tried to, I thought about it a lot but it’s very difficult so that poses an interesting problem. This corresponds to what I feel about film too. There was a dance group in Sweden which was going to ask Yvonne Rainer and some other avant-garde people to go there, this was in 1965, and I was invited to maybe take part and I conceived a project for it. It never got past the proposal because what happened is that the whole thing fell through and became « Nine Evenings » that took place in New york in ’66. « Experiments in Art and Technology » was responsible and was a group with whom I did the Pavilion at Osaka 70. Before that, a thing at the Old Armony, « Nine Evenings » of interaction between science and art. A kind of a critical disaster at the time but really an interesting set of events. Anyhow, that’s what finally became of the original Swedish thing. My project was to construct a building for meetings that would be self-propelled and mobile, that would like a building but would roam around in Stockholm, in the city, and when people had conferences in it they would never know where they were going to be when the meeting was over. They’d be some place else. And this of course, was anti-structure, anti-authority, it was anti-positive thinking really. That’s a very important ingredient : destruction of authority, destruction of logic, these are all typical anarchist thoughts. So there is a certain provocation in these sculptures for the same reason ; it exists and it defies categorizing. So, I’m hoist by my own « pétard » because art collectors seem threatened by such independance. Did you see my mural by the way ?

Yb : Yes, I’ve seen it. But I didn’t know that it was you who did it.

RB : You didn’t know it was me ? But I signed it on one end, so next time you will see it. I had to decide should I sign this or not, it’s fashionable not to sign things…

Yb : Is there any filmmaker, painter or any artist who has been very important and who has influenced you ?

RB : In another interview, we were talking about influences and as usual I had just digressed off into some other area and he said « Ah, now we were talking about influences before, what about Mondrian ? » And I say « Mondrian, I didn’t have any influence on Mondrian, forget it ». And he published it that way. Well, sure there are many people who influenced me and some I acknowledge and some I don’t, but I think I am very obviously indebted to Léger and « Ballet Mécanique » in a very direct way, I mean it shows in a film like « Jamestown Baloos » I think, but at the same time when I absorbed « ballet Mécanique » it was subconsciously and I did not realize how strongly it was in fact, until later because I throught I had developed Léger’s whole theory by myself. Too late. But I’m sure that wase the case, early filmaking, that Richter’s « Rythmus 21 » had a big impact. Otherwise spiritually, I feel very akin to Jean Vigo, I have a very strong affinity to Vigo, not so much plastically, although a film I made with Oldenburg, I like to think, honors Vigo in a sense. You don’t know that film « Pat’s Birthday » ? It would be very pretentious on my part to compare it to compare it to Vigo, I’m not doing that, but I’ve always admired Vigo. You askedma that question and that’s the answer. Otherwise as far as painter…

Yb : I don’t know, maybe there is no influence… 

RB : There was, but these are people I admire and think are wonderful. I had a very great admiration for Len Lye.

 Yb : Do you like, have you seen his sculptures?

RB : Yeah sure. I know his later sculptures. I was doing mine when he was doing his, I liked him as a person, I really admired his work and thought he was under-appreciated and still do. Anyhow, Len Lye was a very important filmaker to me and just by his existence, probably allowed me to do things that I wouldn’t have done otherwise.

YB: And you’ve been quoted as having said : John Cage also.

RB: Of course, Cage spiritually or philo­sophically I guess. Or wherever he is in between, yes, absolutely. And Charles Ives I admire very much and think of him also as an American artist of special interest and power presence. There are a lot of younger artists whose work I admire: Ken Kobland, Sandy Moore, Keith Sonnier and Jacob Burkhardt. That gets difficult ’cause you get blinder as you pass your contemporaries…

YB: For a while you were working mainly by yourself and then you became aware of experimental film, that all the people were working with experimental film. Were there any movements in experimental film that influenced you?

RB: Oh, the contemporaries of myself you mean?

YB: Yes. Because there was this jump in the ’60s when you went back to some formalism and geometry, even with film, you were much more formal.

RB: I’m not aware of much influence on my work coming from other filmmakers in those days, though it might have hap­pened, but what probably did have some impact was the « Minimalist » surge getting under way. I had always been unhappy with my very first attempts at filmmaking in the early 50’s. I guess I didn’t know film well enough to make the logical move from one medium to the next. But now, 15 years later, I was ready to tackle the problem again and ironically, in sync with art world fashion. As for the question of artists using new media, they tend to get conservative in a new medium because of the risk involved, because of the loss of security. Also another thing more superficial but as equally true is that there are some artists in search of novelty, newness, rather than trying to find personal expression within conventional means and who look for unconventional means to cover a lack of personal expression. It’s dishonesty of thoughts. A kind of fake avant‑gardism.

YB: They will try to be more fashion­able, to pick up on the newest thing.

RB: Film also allows for eclecticism because of it being a time medium. You can, at least mechanically, encompass heterogeneity better on film than on canvas. It’s the collage nature of film that permits this, and also because of its linear exposition.

YB: When you were painting you com­posed in some way the painting and when you compose film, each image, do you compose them one by one or in relation to each other?

RB: Well, I’ve done it both ways. Always in relation to each other because that’s the way I’m going to see it. If I don’t want to see one frame in relation to the next frame, then I have to isolate it, which one can do. You hold it on the screen for a certain amount of time and then follow it by something neutral so that it remains as a single impression. Otherwise, if I want it to relate directly to the next frame, I can minimize their differences so they blend one into the next or I can exaggerate their differ­ences and still throw them together, one right on top of the other. So the rapport can be very harmonious or it can be quite discordant.

YB: So it’s not systematic.

RB: There’s no system. I work over a light table so I’m seeing the latest image on the top of the previous one. I’m not always interested in gradual progression of motion. I often prefer contrast, opposites.

YB: I’ve noticed in « LMNO » and « TZ » a thing appears more obviously which has started in « 66 »; « 69 »; « 70 » and that is that you seem to take different sequences, for example, a door doing this or a column doing that but in the later films the sequences are much more delayed. There is a different combination like as if you had moved from an abstract pattern to some­thing else, to a « delire ». Is that true or is it a feeling that I get but which is not totally correct ?

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RB: No, no. I’m sure that I recycle, re­use images and that is of course the typical economy of animation. You know, but that is the least of the rea­sons, economy, it’s that, because I’m willing to work and work and work with different images but they’re reoc­cur in order to make a tapestry of sorts. Since I’m not using a narrative struc­ture, that would have a literary, would make literary connections between the things seen on the screen, that if they reappeared in a different incarna­tions, even if they reappear identically, this kind of serial imagery makes for an understanding of… Oh, how can I explain : it’s something like weaving I guess. It’s like making a tapestry in that it flattens out dramatic curves.

YB: The concept of tapestry is interest­ing because it’s totally opposite to another way of dealing with film which is a collage.

RB: Yes, well opposite maybe not so much, but in some sense. It’s maybe the size of the fragments; tapestry is a finer texture than collage but there are similarities of course. In a sense also, in that these images reappear, it depends on what the images are of course. If it’s in the case of « LMNO », there’s a little figure, person that reappears. I think that figurative, especially anthropo­morphic elements, suggest narration. The audience identifies with the per­son who is having different experiences, it concentrates on that individ­ual. That individual becomes the continuity and then it tends to relegate everything else that happens as hap­pening to him in this case and there­fore, makes an anecdotal sequence.

YB: You do that also with the sound because you have a sound which is doing tak, tak, tak… I don’t remember if it is in « TZ » or “LMNO”.

RB: Oh I see. Yes, I think what I’m trying to do in most of these films is trying to create of mass of energy that does repeat itself enough so that the only modification that takes place is in terms of subjective modification of looking at it. That the next time you see the same thing your experience of it is different because it’s the second time you’ve seen it. This is why I was asking you the other night about mod­ification, apropos, your own films.

YB: That is exactly the question you were asking me.

RB: I was trying to understand this myself and thinking that’s a very real part of the linear experience. You make it linear by your consciousness. It might be linear in physical time but it’s also that you set up action and response and that this is constantly going on in your brain. I think that in composing a film yourself in a certain way, unless you practice Cagian, if you’re trying to use techniques to avoid this kind of structuring, it is going to happen when you compose a film and you’re going to have to deal with it. How do you decide to connect this material? It’s linear, you’re going to compose it according to your …? You contrive yourself to be a fresh audi­ence when you edit films, I do and that’s why it takes me several weeks.

YB: Yes, but this type of question you would never ask it to a musician. For example a musician would take a motive, do variation of it then go back, and you would not ask him how he feels about the shape of the time that he has used to do that motive.

RB: No, maybe not, some musicians maybe. But, of course the correspon­dence is there in music, I mean the theme, counter‑theme and so forth and so on. I find it mostly depressing to make this comparison because then you’re invoking musical convention and it’s quite different.

YB: Yes, that’s on a conventional level. But if you speak about contemporary music you have again this problem which is the experience of special time.

RB: I’m not sure about musical memory. How it works for me, I don’t have a very good musical memory.

YB: Does this mean that  you shoot your films first and then edit them ?

RB: Yes, usually I shoot everything and then I decide that I have enough material although I have no sense of the overall appearance. I want to use structure, it’s a dangerous word, but I have no idea of how to put it together and it doesn’t worry me that I don’t. I don’t know what will be first, last, in the middle but I have enough material. In fact, I’m interested in avoiding the question of linearity. I just want enough material so that I will have enough variety to choose from. I am also aware that something that seems banal by itself will become interesting once it’s involved with something else. So I never throw away things that are apparently no good. There’s no definition of that yet. It will be a matter of relationships. So that’s the way I do it and then, in spite of efforts to the contrary, sound, I add last, and that’s just my conditioning as a painter to work in silence. Sound is kind of an admission that I’m working in theater and, therefore, sound is expected somehow. Brakhage does­n’t acknowledge that. And Brakhage actually came to filmmaking as a film­maker, he never worked as a painter but he chose silence …

YB: It depends on your feeling, how you feel about things, and maybe sound helps sometimes the audience as well.

RB: Oh, I know I’m trying deliberately to leave space for sound, at least, because I think ideally I’d like to be able to do it all at once. I think part of my problem is a practical one of not having an editing table for most of my films where you can play with sound and pictures simul­taneously. I’ve always been hampered that way and since I want to work pri­vately, it’s hard to use public equipment where I’ll be disturbed when I want to leave things for a long period of time. But also from the beginning I have the same objection that you have about the synchronicity of sound and image that was normal to the first abstract films. I mean, Fischinger is the most outra­geous practitioner of Mickey Mouse sound and there were many others where films were a kind of decorative addition. In fact, Fischinger escaped condemnation of being a decadent artist by Goebbels by not calling his films abstract but decorative. That’s an interesting irony. I don’t condemn his films, they’re really interesting, fascinat­ing, but there is this terribly big problem of his sound/picture relationship which is so interdependent. That’s true of Len Lye and of a lot of people. My pretence was to make a visual structure. I was interested in making a visual structure ‑ I mean it would be weak in terms of rhythm perhaps and in terms of con­ventional sound systems. That’s why I was interested in Richter’s comment of rhythm being an emotional ingredient, I am interested to know what that meant. Whether that just meant lower cortex vibrations to metabolic vibra­tions, heart beats and so forth. If that’s emotion, I mean it probably is, the sex­ual ingredients these are emotions. I think our emotions are on a sub‑mental level and so it could be the rhythm but I assume that one can arrive there visually. The intellect is a good conduit.

YB: I think the beat too is important to the emotion.

RB: The beat yes. In a consistency?

YB: Yes, I think.

RB: Okay. The way one transcends numerical repetitions or metric cutting is by considering the true impact of each image. The content of the image affects your consciousness of it, obviously, depending on your cultural make‑up you will respond to a particular image in a particular way. I saw that right away when I made this loop. The ­hand that appeared was the first thing that I picked out of this morass of twenty‑four different frames. I could recognize a hand before I saw anything else. The effect of recognition and ho long it takes will affect how you cut the film to achieve the effect of metric consistency or a beat ; the length of each shot will vary. But with music, as it’s defined in western society the harmonics and length of the waves are very precisely the same as the next ones. I think what I’m doing will allow for these other differences and therefore the beat is not systematic, it’s not predictable. I’m very concerned about that. It’s why Len Lye and his films, I felt that he always used popular music with a very conspicuous beat, very predictable, regular beat and that’s a weakness of sorts a concession of sorts.

YB: That’s why also this Richter film – from one of the versions I know – « Rythmus 21” with its boogie, boogie soundtrack…

RB: Did Richter do that himself?

YB: Apparently.

RB: He did some terrible things later to his films in putting sound on them. « Ghosts Before Breakfast » now has a terrible soundtrack…

YB: He gave a program of one hour where he spoke first and then he showed his first film « Rythmus 21” and it’s got music which is boogie, boogie.

RB: He had terribly bad judgement sometimes. He was very intelligent, a very articulate man, yet, he did make some embarrassing films : « Dreams that Money Can Buy », even though parts of it, of course Léger’s part was pretty good. Max Ernst did a rather nice sequence for it. But this was the same man who made « Rythmus 21 »! Nobody’s always perfect I guess. Sometimes I wish he’d quit after he made « Rythmus 21 « . Fortunately I’m not in charge…

 

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November 21th, 2005

Yann Beauvais : Few years ago we did an interview together about your work, it was in 1983. Since then you have made more films and you work as a painter and sculptor has been more visible here and there. I would like to ask you some questions concerning your filmmaking and your art practice  in general.

R. B. : My first euphoric episode that inspired me to devote my life to ART happened while I was painting one of my first « abstract » paintings.  Looking at it now,  it’s painfully obvious in this timid work that Mondrian was my inspiration.  At the time I was thrilled to be thrilled by formal arrangements – color and line.   My social realist teachers in the Stanford art department had somehow organized a trip to San Francisco to see a Mondrian show which blew me away and I immediately started painting abstractions.  I was subsequently told by these same teachers that if I continued to paint abstractly they would not/could not continue to teach me.

A new head of the art department gave me a faculty studio. Do you mean a studio or a class to teach?  For my last year I was left alone to paint what I wanted.  That was 1949.  That Spring I took

a former troop ship to France for $150 and on arriving received the annual painting award from Stanford for $150.

In my previous interview I described my gradual disenchantment with at least the Vasarely school of abstract painting and my welcome of film as an escape.   I soon discovered that I could sneak images into films without their being given undo attention and or being given extra attention – a new device absent from painting. You know how far I went with that.

Y.B.: It seems that since a few years your films are more obviously personal, to not say biographical. I didn’t catch on this aspect earlier; maybe it was due to the epoch. But looking backward it seems that it has been always an issue for you, despite the specificity of your filmmaking colors, patterns, and rhythms. Is this (auto) biographical impulse stronger has time passed ? Does the used of these biographical components shape the narrative?

Robert breer

R.B. : Pandora’s box!!  I probably concluded long ago that my personal history was not interesting enough to other people but should be examined closely by and for myself and that avoiding it would be unhealthy, I must have reached a compromise by including (and therefore confronting) at least some of it in my works. It was also a ready source for material that was familiar to me and real and yet could be kept second in importance to the formal construction of my works themselves.  There have been lapses in this method when I have allowed narrative to creep in but I am more likely to construct my films on a formal basis as far as possible away from and above personal/sentimental experiences.

Y. B. : Could you speak about the opposition one feel while looking at your films and seeing your sculptures? 

R.B.: Quiet viewing time of my sculptures is sabotaged by their movement.  I suppose this surprise ingredient is continuous in a way because they are quiet and slow and autonymous.  Another way out of conventional viewer-object relationship leading to euphoria  I would hope.  In both fast film and slow sculpture I’ve included audience expectations in the compositions.

Y.B.: The films are load with sound while the sculpture moved quietly; in a similar way than some of your mobile painting moves? 

R.B.: Music has often been compared to film composition and vice-versa as temporal media.  Coming from painting, I didn’t at first feel the need for sound accompaniment to film images until I realized that our daily experience was often a combination of image with sound so that the absence of sound in some cases became a concrete experience. As you know,  I’ve often isolated sound from image to give them both equal and independent importance in many of my films.   I have found that rhythm in visual sequences can be quite a different experience from the measured beat of sound.   Autobiographically, I’ve alluded to my deafness as in my film BANG! for instance.  Maybe in the attenuated process of drawing sequences,  I make personal allusions to reconnect with myself and then leave them in the final film if they fit rhythmically.  In this sense grounding myself in my work with an homage to DADA thrown in ? I merely refer to Arp’s original gesture of letting pieces of paper fall to decide his compositions back in 1917. That DADA gesture gave me permission to appreciate chance in my own compositions. I must see expressive possibilities in non-sequitor references that demand attention – non sequitor might sometimes be so sometimes only in the mind of the spectator of course.

Y.B.: Your sculpture work is now more present than ever in the art scene. The focus on the mobile sculpture, the soft one has the more geometrical ones seems to be understood better. The work’s recognition has benefit all the other aspect of your art such as the mutoscope, painting…. At the same time the card on which you draw your films on, have  acquired  an autonomy that they didn’t have in the past. How do you see things now ?

R.B.: I’ve been working on some extended panels that are perforated so that images on a recessed rear panel  are revealed through the openings as the viewer strolls along the length of it. I’m not good at explaining these « panoramas » and can hope you get to see some photos at gb agency if you go there or better see the real things in my show in Annecy. Otherwise, I have a new slogan : EVERYTHING GOES – NOT ANYTHING !

 

 

 

 

La toile d’Edson Barrus (Fr)

écrit dans le cadre d’un été brésilien à Metz 2005

[FR] « La Toile se construit dans l’adversité. »

L’installation créée par Edson Barrus dans l’église des Trinitaires à Metz, dans le cadre de un Eté brésilien (1), est singulière à plus d’un égard. Son titre : Toile indique un état et plus précisément un plan dans l’espace. La Toile occupe un espace indépendamment de son support. Le titre français partage avec sa traduction portugaise des similarités de compréhension et d’extension qui vont de la référence picturale, au réseau, en passant par le champ cinématographique.

L’œuvre proposée est un tissage de pellicule 35mm. Il s’agirait d’une proposition cinématographique. La Toile participe à l’expansion du cinéma, elle reprend la question de l’élargissement du cinéma selon des modalités très différentes de celles en vigueur dans l’art du temps. On est en présence d’un élargissement du cinéma en tant que sculpture. Il s’agirait d’une proposition plastique. L’investissement de l’espace, sa transformation par l’adjonction d’un élément qui vient littéralement occulter le déploiement de la nef.

L’ouverture à l’altérité est constante dans l’histoire du cinéma expérimental autant qu’elle l’est dans les rapports que les plasticiens entretiennent avec le cinéma. Mais si pour les cinéastes expérimentaux cet élargissement privilégie une expansion de l’œil et donc de la vision ;il ne peut, ni ne s’est cantonné à la seule production de dispositifs particuliers de projection. En effet, d’autres expériences prônaient l’élargissement de la conscience par la libération de l’œil, en le débarrassant des habitudes de voir afin de produire de nouvelles visions.
Cette attitude s’est incarnée dans toute l’œuvre (écrite et filmique) de Stan Brakhage(2). Cette compréhension du cinéma fait de celui-ci, dans sa pratique un art visionnaire qui propose des expériences visuelles inouïes. Ces expériences se traduisent dans un art du faire cinématographique qui interroge la caméra, autant que le support. Celle-ci manifeste une liberté vis-à-vis de l’outil et de son savoir techniciste normatif. Cet apprentissage de la liberté se retrouve de manière distincte dans la plupart des expériences de cinéma élargi depuis les années 60 et a permis ainsi d’envisager le cinéma autrement entre ce qui met en avant autant le dispositif cinématographique que ce qui l’excède.

Le film comme le dit Hollis Frampton (3), module la lumière . Si le support cinématographique semble avoir privilégié cette investigation, il n’est cependant pas le seul à l’avoir travailler ; la préoccupation quant à la modulation et qualification de la lumière est, depuis fort longtemps, l’un des enjeux de la peinture et la sculpture. Cette approche s’est considérablement renouvelé avec le modernisme dans différentes phases tel par exemple le Bauhaus(4), l’art cinétique ou l’op-art. On peut signaler des à présent qu‘avec le cinéma, les préoccupations de nombres d’artistes quant à la matérialisation d’une qualification de la lumière selon un développement temporel de la couleur se sont considérablement renouvelées, principalement dans le versant expérimental. C’est ainsi que les expérimentations directes quant au support chez Brakhage convergent, et retrouvent parfois, certaines préoccupations de plasticiens qui interrogeant la décomposition de la lumière (Nicolas Schöffer) ou de cinéastes et le lien entre film et lumière (Len Lye, Anthony McCall). Ces artistes explorent les passages entre cinéma et peinture et ou sculpture, chacun a sa manière.

Pour d’autres encore cette exploration peut s’accompagner d’une redéfinition du cinéma et d’une transformation de la représentation cinématographique qui s’extrayant de la simple projection se manifeste au moyen du frozen film frames(5) qui envisagent un rapport spatial au ruban et non plus dans le cadre de la projection même. Tableaux de pellicule ces travaux de Peter Kubelka et de Paul Sharits déplacent le cinéma vers les cimaises. Ils proposent au regard l’ensemble du ruban constituant l’ouvre, qui n’est plus accessible selon la succession des photogrammes mais selon une expansion spatiale. Remarquons que cette expansion spatiale a ceci de particuliers qu’elle au ruban même, sans l’appareil optique, le projecteur, sans lequel, l’expérience du cinéma que l’on connaît n’a pas lieu. Le tableau de pellicule permet d’envisager en totalité la structure du film, il est sa partition tout en conservant une caractéristique plastique certaine. Les frozen film frames de Paul Sharits partagent avec « le pattern painting » de troublantes similitudes quant à la modularité des motifs et quant au jeu de variations et d’alternances qui se propagent dans le plan.
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On retrouve ainsi cette question de la planéité du travail avec la Toile d’Edson Barrus. On retrouve une autre similarité qui vient de l’usage du matériau, le ruban, plus proche en cela du projet de Peter Kubelka qui recourt lui aussi au 35mm. Mais le travail de l’artiste brésilien s’en distingue de nombreuses manières.
Tout d’abord le film, le ruban est avant tout un matériau, comme un autre. Matériau que l’on travaille sans ménagement. Matériau auquel se confronte le corps. Il n’a pas de fétichisation de l’émulsion, elle est un véhicule qui a été imprimé. Le ruban tissé, ne représente pas autre chose que lui-même, il ne dévoile pas une structure d’un événement qu’on pourrait appréhender différemment en salle. Ce n’est plus tant la linéarité qui est investit que l’enchevêtrement qui assombrit les masses de couleurs. Le ruban est le matériau travaillé. Il vient avec les spécificités du tirage industriel. Il est avant tout constitué de bandes-annonces de films contemporains. Bandes-annonces accompagnées de leurs amorces opérateur, c’est-à-dire avec tout ce qui permet au film d’être projeté (et qui n’est pas vu par les spectateurs du cinéma de divertissement). LaToile abolit la distinction des contenus. C’est le matériau même qui est interrogé : sa fonction qu’il faut entendre comme film déjà impressionné qui qualifie par conséquent la lumière selon des intensités, couleurs particulières à chaque projet.
Avec cette Toile, l’appropriation est différente de celle qu’effectue les cinéastes et artistes quant ils travaillent avec des found footages(6) , car hormis les lettristes et plus particulièrement Maurice Lemaître, les contenus sont importants pour ces auteurs. Les rebuts sont utilisés en fonction de ce qu’ils peuvent signifier ou ce qu’ils revêtent comme intérêt quant aux textures, couleurs, e un mot quant à leurs qualités plastiques. Dans le cas d’Edson Barrus, tout cela est secondaire, par contre ce qui importe, c’est qu’il s’agit de bande-annonce de films de divertissement ou de publicités, autrement dit des rubans, qui sont les agents du spectacle cinématographique. Il s’agit là d’une mise en scène particulière puisqu’elle investit un lieu, une église, en substituant un opium à un autre. À un dieu, en est substitué un autre. Le glissement est intéressant dans la mesure où il s’effectue par une redéfinition de l’espace. Ici on ne s’élève plus, la Toile fait écran.

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La pellicule n’est plus projetée, elle est tressée selon des techniques classiques (archaïques), les rubans s’entrecroisent perpendiculairement. L’un passe au-dessus ou au-dessous-dessous de l’autre en alternance, créant des motifs et de légères torsades. Elle devient filtre, surface impressionnable, bien que déjà impressionnée qui inscrivent et donnent images (contours) aux vitraux transparents de l’église des Trinitaires, en reportant les faisceaux maintenant colorés sur les parois ou le sol de l’église.

Le film est tissé manuellement et non pas mécaniquement, en cela il s’oppose à l’appareil de cinéma, l’extrapolant de son appartenance dans le monde de la machine. Il s’agit de se réapproprier un médium devenu avant tout industriel, tout autant que le fait de spécialiste. Réintroduire une dimension tactile avec ce support trop souvent fétichisé ou réifié. Cette réappropriation du support entraîne de profond changement de perspectives. Le film n’est plus cet objet projeté, mais la projection d’un plan dans l’espace c’est en ce sens qu’Edson Barrus partage au travers de la Toile quelques-unes des qualités sculpturales du film Line Describing a Cone d’Anthony McCall(7) , a ceci près que son travail bien que renvoyant à une spatialisation ne la renouvelle pas à chaque présentation. De plus la Toile, ne propose pas une démultiplication de l’espace dans le volume comme le fait Line Describing a Cone. Elle investit l’espace architectonique sans lequel elle n’aurait vu le jour, elle ne constitue pas l’espace, elle s’inscrit dans un espace donné. Cependant comme cette Toile est faite de ruban, elle se modifie dans la durée de son exposition. Les parties les plus exposées au soleil pâlissent et se transforment l’expérience de la perception dans la durée.
Cette dimension souligne parfaitement le caractère fragile de toutes inscriptions (impressions) cinématographiques qui s’estompe à la lumière. L’ennemi du film est aussi la lumière. L’impression déposée sur le ruban n’est qu’un moment du film. Elle manifeste un moment que le virage des couleurs, la diminution des intensités donnent à voir. Un film développé et exposé à la lumière du soleil se fane progressivement pour s’abîmer dans la transparence. Dans ce sens, la Toile d’Edson Barrus permet à la lumière passant à travers les vitraux de se moduler pour un temps ; elle filtre la lumière plus ou moins fortement. Elle joue le rôle du projecteur sans agrandissement de l’image. Ce n’est pas l’un des seuls paradoxes de ce travail.

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Une autre caractéristique de cette Toile est l’importance de sa production. Les dimensions de la Toile, 20 m par 6m en font un écran géant qui a nécessité plus de cinq kilomètres de films. Est tissé l’équivalent de trois long-métrages, dont on peut reconnaître parfois une image lorsque le tissage la laisse apparaître plus nettement. Les rubans composant la Toile sont assortis au hasard de leur prélèvement lors de la production de la pièce. Des associations s’effectuent en fonction des rapports de couleurs, des mouvements d’appareils, mais celles-ci tendent à s’éclipser une fois laToile mise dans l’espace. Les photogrammes s’estompent au profit du flot. Le damier, produit par l’entrecroisement des bandes, domine et fait écho au réseau. En effet, le photogramme, n’a plus de finalité en tant qu’unité, mais, se donne alors en tant que partie d’un flux presque intermittent puisqu’une fois visible, une autre, occulté par la bande passante. La taille de cette Toile fait de ce tissu un produit industriel. Fait d’un support industriel il est détourné une première fois de son lieu afin de constituer un paradigme cinématographique. En effet dans l’industrie, la seule chose que ne voit pas le spectateur c’est le ruban, La seule chose que propose la Toile c’est le ruban, son tissage, comme d’autres tissent les photogrammes, Edson Barrus tisse le ruban à d’autres fins. Le spectacle cinématographique avec ses effets plus ou moins spéciaux est nié au profit de sa trame. C’est le tissage, cette forme d’extension et de marquage dans l’espace qui domine, c’est le mouvement des bandes qui vont d’un côté de la nef à l’autre qui occupe l’espace dans un volume qui s’oppose à l’idée même de l’écran du cinéma puisque cette Toile vole littéralement. Elle se gonfle et produit un plan incurvé en opposition avec celui de la voûte de l’église.

Ces rubans de films qui sont véritablement l’une des marques de l’industrie du cinéma, bande-annonce, publicité sont récupérées et se projettent dans l’espace et non plus à l’écran, c’est parce qu’ils font volume qu’ils quittent le champ du cinéma pour devenir ce que le cinéma est parfois, une sculpture temporelle. La récupération de ces objets valorisés par l’industrie ; ces bandes sont le support économique du spectacle cinématographique, s’apparentent à une dénonciation du mirage cinématographique, et des excès de la distribution de ce produit : le film. Cette machine à produire de l’illusion optique n’est plus qu’un matériau brut, à partir duquel un procédé est déployé dans l’espace. Il ne s’agit pas d’une esthétisation du déchet, de la récupération comme cela se pratique fréquemment dans l’art contemporain. L’appropriation de ces images dont on ne tient pas compte montre combien la domination de l’image aujourd’hui n’a aucune conséquence. Elles sont échangeables. Le spectacle cinématographique se repaît de ces variations sans intérêt, il en fait commerce. La Toile propose une autre approche, de ces rubans, ils ne sont plus que les fantômes d’un spectacle qui a pu avoir lieu, mais qui ne dépend plus d’elles. La Toile tisse ainsi l’envers du décor, l’époque du cinéma est révolue. L’ignorance du contenu des bandes signe un aveuglement vis-à-vis du type de cinéma qui est usé (8) au profit de la répartition, de la division des bandes et leurs caractéristiques physiques (bande-son stéréo, format, perforations, types…)

Il n’y a plus de point de vue privilégie dans ce tissage, c’est l’étendue, cette paroi souple tendue dans l’espace qui est le projet, et plus exactement sa production. D’un côté le geste de la Toile renvoi au cinéma structurel recourant au flicker (9) et qui nécessite de geler le défilement afin de saisir les processus mis en place, qui sont parties intégrantes de l’expérience même du film. D’une certaine manière, avec la Toile, on est en présence d’une expérience qui fait appel à des processus similaires dans la mesure ou la découverte de celle-ci, dans l’église, déclenche des questions quant aux processus de fabrication, de réception, et même de restitution ainsi que des rapports que la Toile entretient avec le cinéma et les arts plastiques, autant qu’avec l’artisanat et l’industrie.
Ce qui est enjeu c’est la circulation et la distribution des rubans. Ce sont les liaisons qui s’établissent entre des morceaux de bandes et d’autres selon le parcours du visiteur. Le photogramme est évincé au profit du passage des rayons de lumière sur le tissu pelliculaire le transformant en négatif d’une voix lactée.

(1) Evènement organisé par Faux-Mouvement, du 23 juin au 29 octobre 2005 , dans le cadre de l’année du Brésil en France et dans lequel Edson Barrus participait de trois lmanières : avec une installation in situ : La Toile, une exposition qu’il a conçut Made in Brazil dans lequel il présente Boca livre à la Galerie Faux-mouvement ainsi queMalandraGens : un événement qui ouvraient les dix premiers jours de cette manifestation.
(2)Voir Stan Brakhage : Metaphors on Vision publié par P.Adam Sitney, Film Culture n°30, N.Y. 1963, traduction française sous la direction de Jean Michel Bouhours, Centre Georges Pompidou 1998
(3) « Une Conférence », 1968 de Hollis Frampton publié dans The Avant garde Film : A Reader of Theory and Criticism, Ed P. Adam Sitney, NY, New York University Press, 1978, puis dans Circles of Confusion, traduction française L’écliptique du savoir sous la direction d’Annette Michelson et Jean Michel Bouhours, Ed centre Georges Pompidou, paris 1999
(4)On se souvient d’un texte manifeste de Lazlo Moholy-Nagy : « La lumière nouveau moyen d’expression de l’art plastique », publié dans Broom NY 1923, ainsi que Malerei, Photographie, Film, Bauhausbûcher 4, 25 et 27.
(5)Ce terme est avant tout celui par lequel Paul Sharits désigne ses tableaux de pellicules qui nous permettent de voir l’entièreté d’un film, et donc sa structure, d’un coup. Ces tableaux de pellicule sont souvent comme les partitions du film ou des dessins modulaires. Cf Paul Sharits Exhibition/ Frames, Regarding the Frozen Film Frame Series : A Statement for the 5th International Experimental Film Festival Knokke, December 1974, in Film Culture n°65-66 NY 1978
(6)le found footage a été étudié depuis quelques années parmi les ouvrages qui lui sont consacrés : Jay Leyda, Films beget film, A study of compilation film, Londres, Georges Allen & Unwin Ltd, 1964 ; “ Found Footage Filme aus gefundenem Material ”, Blimp n° 16, Vienne, 1991 ; William Wees, Recycle Images, New York, Anthology Film Archives, 1993 ; Eugeni Bonnet (directeur d’ouvrage), Desmontage : Film, video/apropiacon, reciclaje, Valence, Ivam 1993 ; yann beauvais, “ Plus dure sera la chute ” (1995), reprint in yann beauvais, Poussière d’images, Paris, Paris expérimental, 1998.
(7)On se souvient que ce film de 1973 propose le déplacement d’un point de lumière parcourant un cercle entier. La projection de ce parcourt occasionne la production d’un cône de lumière. Sur Anthony McCall voir Anthony McCall Film Installations Mead Gallery Warwick Art Center, Coventry, 2004.
(8)Parmi les bandes utilisées citons : La femme coréenne, Neverland, Dans les champs de bataille, Sideways, La voix des morts, Bob l’éponge…
(9) Un flicker est un clignotement qui est produit par l’alternance plus ou moins régulière de combinaison de photogramme de couleurs distinctes ou opposées.

Cinevivendo ou le cinéma selon Jomard de Britto (Fr)

en ligne en français, à paraître en portugais

Cinevivendo ou le cinéma selon Jomard Muniz de Britto

Si la poésie de Jomard Muniz de Britto est importante dans la littérature brésilienne et plus particulièrement pour le Pernambouco, il n’en va pas tout à fait de même de sa pratique cinématographique, qui est bien moins reconnue, bien qu’il ait réalisé une trentaine de films et vidéos. C’est cependant cette pratique cinématographique sur laquelle je souhaite réfléchir ; en effet, elle partage, à mon avis avec d’autres cinématographies des mêmes années, une familiarité dans le maniement et dans l’usage du super 8, ainsi qu’une similarité dans l’approche et la mise en scènes des situations et des comportements qui affirment à la fois un primat des corps autant qu’une esthétique camp. Enfin elle se singularise de la production brésilienne de son époque tout en partageant ; à son début, avec de nombreux artistes et cinéastes un dilettantisme assumé qui se conjugue à un lyrisme exacerbé.

Ma connaissance de l’œuvre poétique de Jomard de Britto est certes limitée par ma compréhension du Portugais et surtout par la méconnaissance de la spécificité et du contexte dans lequel sa poésie surgit. Les enjeux littéraires autant que les luttes dont se font échos certains livres de Jomard de Britto me sont souvent étrangers et ce, en grande partie, par la complexité de l’histoire des mouvements littéraires pernamboucains. Le travail de la langue telle que l’accomplit Jomard de Britto s’imprime de plusieurs manières dans ses films. Il recycle dans plusieurs films des poèmes, des manifestes. Et c’est par ce détour que je peux y avoir plus facilement accès.

Il y a quelques années alors que je séjournais à Recife avec Edson Barrus, je rencontrais Jomard de Britto. Edson Barrus le connaissait depuis de nombreuses années et il m’avait souvent parlé du travail cinématographique de ce dernier. La découverte des films a été grandement facilitée par Rubens Machado qui s’était occupé de réaliser un travail essentiel sur les films super 8 brésiliens dans le cadre de Marginalia 70 [1].

J’aimerais abordé le travail de Jomard de Britto avec toute la liberté, naïveté que confère le regard d’un étranger découvrant un territoire qui, bien que nouveau, semble partager un grand nombre d’affinités avec des films d’auteurs et de continents différents. C’est parce que ma connaissance du cinéma expérimental est étendue que la découverte d’un cinéaste est toujours stimulante à divers degrés. Elle permet de remettre en question nos certitudes autant qu’elle produit de nouvelles lignes de compréhension.

Le travail cinématographique de Jomard Muniz de Britto s’est principalement développé dans les années 70 et au début des années 80. C’est, au Brésil, le temps de la dictature. Le Super 8 apparaît pour beaucoup de cinéastes comme on le verra aussi bien en Argentine à la même époque, comme un outil qui facilite l’expression personnelle. Qui incarne une alternative au cinéma classique, aussi coûteux que contrôlé, et une résistance vis-à-vis de la dictature dans la mesure ou celle-ci ne peut pas tout contrôler et spécialement pas ces outils du divertissement domestique. Ainsi le super 8 dans le Pernambouco [2], s’est-il développé en dehors de toute école, tout en affirmant des tendances et des esthétiques multiples. Parmi celles-ci on notera principalement celle qui met en relation le théâtre et cinéma via la performance. Le privilège de l’improvisation se traduit chez les acteurs réunis pour tel ou tel film, mais aussi chez le cinéaste qui maîtrise ou ne maîtrise pas volontairement l’outil super 8, en privilégiant ses caractéristiques : la légèreté, la mobilité, la maniabilité en un mot la facilité de son usage si on le compare au 16mm et plus encore au 35 mm qui nécessite une équipe et d’autres moyens économiques. C’est un cinéma de combat contre une esthétique policée qui s’affirme ainsi : on pourra parler d’un cinéma du déchet, du rebus [3], mais plus exactement un cinéma du bricolage.
Le super 8 est un cinéma qui favorise l’appropriation d’un support souvent confiné à son usage professionnel, par l’amateurisme de ses protagonistes. Pour Jomard Muniz de Britto, Lygia Pape, ou Hélio Oiticica, cette appropriation s’accompagne d’une mise à l’écart par l’amateurisme même des protagonistes, comme on peut le voir déjà chez Jack Smith, Ron Rice ou Andy Warhol, pour ne citer que des Américains. Mais cette « perversion » a ceci de particulier qu’elle ouvre d’autres espaces, d’autres modes de penser et d’agir le cinéma et par conséquent bien souvent elle est enrichie par l’improvisation des participants autant que par celle du cinéaste.
“Dans O palhaço degolado (1976) [4http://www.youtube.com/watch?v=nvm1w-utZXM que je réalisais avec Carlos Cordeiro, le texte et le scénario du film, ce qu’il y avait à dire, les lignes du dialogue et le scénario, autant que l’élaboration de l’image se faisaient dans l’instant. [5]” Cette disponibilité à l’improvisation est certes la marque de l’époque, mais elle évoque autant le travail d’improvisation que Taylor Mead ou Jack Smith ont développé au cinéma, que celui de la performance beat quand à la récitation d’un texte, ainsi que les formes d’improvisations théatrâles utilisées par le Living Theater. L’improvisation permet une appropraition et une redistribution des rôles mais surtout elle inscrit le désir comme catalyseur de formes et de comportements, qui travaillent à mettre en relation, en rapport des cultures jusque là séparées.

Le super 8 semble tout permettre. Il fédère au Brésil, comme dans de nombreux pays, des attitudes, des conduites, et ce, plus encore, pour cette génération brésilienne qui ne se reconnaît pas dans la dictature et dans le Brésil qui lui est offert, et qui cependant est restée au pays. Ce sont avant tous les plasticiens brésiliens [6] ainsi que des poètes, des jeunes cinéastes qui s’emparent de cet outil peu onéreux. Ils produisent pendant une bonne décade des œuvres importantes qui se positionnent en porte-à-faux vis-à-vis du cinéma novo et qui pour certains se retrouveront dans ce qui fut désigné sous le nom de cinéma marginal.

Dans ce cas, le tournage devient un événement au même titre qu’un happening, il prolonge un état d’esprit, que se plait à défendre une certaine scène théâtrale de Recife et dans laquelle.est impliquée Jomard de Britto. La troupe Vivencial Diversiones [7] de Guilherme Coelho [8] avec laquelle il travaille, participe activement à plusieurs de ses films [9] tels que : Vivencial 1 (1974) http://www.youtube.com/watch?v=Dnp9Y3m-yichttp://www.youtube.com/watch?v=qvizBtQVdLMUma experiência didática (1974)O palhaço degolado (1976). Il ne pouvait s’agir pour Jomard, ni même pour Guilherme, d’un simple enregistrement d’une pièce dans la mesure où toute la spontanéité serait évincée au profit de l’enregistrement dans les lieux, il ne s’agit pas de faire du théâtre filmé. Afin de remédier à de tels inconvénients, il fut décidé de filmer en extérieur, dans la rue. Vivencial 1 est de fait la seule pièce qui a servi de base à un film. Le film devient le prétexte à un happening dont la trame est certes la pièce initiale, mais comme l’action se déroule en extérieur, sur une place devant une église à Olinda, elle est sujette aux impondérables qu’il soit du fait des acteurs ou des passants. Le spectacle est alors dans la rue, le film le déclenche autant qu’il l’enregistre. Le film procède alors de cet échange et participe ainsi de la catharsis déployée par les rôles qu’endossent les acteurs et qui tous jouent de l’ambiguïté sexuelle. Ainsi l’évêque qui bénit la foule sur le porche de l’église, ouvre les bacchanales à venir, qui sont signalés au moyen de différents plans détaillants, qui un sourire, qui d’autres parties de corps masculin. La fête peut commencer selon une chorégraphie qui s’accapare des murs en ruine, de terrasses qui deviennent les décors de danses proche de celle de Salomé espérant charmer Sébastien. Mises en scènes des corps qui affirment une liberté de mouvement dans la fluidité du désir. Désir polymorphe, désir qui inscrit toute forme de sexualité selon tous corps et indépendamment des races se jouant des clichés du sauvage, de l’esclave noir, du colonisateur, de l’homme et de la femme.
Confrontation entre ces corps désirables, libres de leurs mouvements avec ceux, policés, engoncés dans leurs rôles, dans leurs genres et dans leurs codes que défend la culture du Nordeste. Le numéro de danse dans le restaurant est à cet égard exemplaire de la division machiste des rôles.
Un texte, à la première personne, en voix-off évoquant le ridicule et la honte de tels comportements puis une autre voix-off, d’une femme déclarant la primauté et l’importance de la bisexualité en remontant jusqu’à Platon. Ce discours est délivré alors que les danseurs célèbrent un dieu sur une place. Quelques interactions avec le public sont captées, participations, regard interloqués…
Les vêtements des protagonistes affirment au travers d’un projet théâtral et ici cinématographique, une esthétique kitsch, proche en cela du camp qui joue avec les corps des protagonistes en détournant leur rôle. Il s’agit ici, comme ce fut le cas pour d’autres cinéastes de montrer des images auxquels ils n’avaient pas accès (c’est en ce sens que le cinéma, puis la vidéo ont été des instruments essentiels de cette autoproduction et célébration). Énoncer en image la nécessité de la liberté de disposer soi-même de son corps, thèse défendue par les féministes dans les années 70, se retrouve dans de nombreux films underground américains et plus particulièrement dans ceux de Barbara Hammer [10] en regard des lesbiennes, mais aussi dans ceux de William Moritz [11] pour les « bear ». La caméra n’est pas virevoltante, comme elle l’est chez les cinéastes du corps que l’on trouve en France à la fin des années 70 ; celui de Stéphane Marti, de Maria Klonaris et Katherina Thomadaki, de Téo Hernandez, Michel Nedjar ou Jakobois [12].
La production de telles images, la célébration de la jouissance des corps qui chez Jomard de Britto est suggérée, plus que montrée ; on ne voit pas d’actes sexuels explicites dans ses films, le poète cinéaste privilégiant le jeu avec l’image, les stéréotypes. Cette suprématie de l’image inscrit une résistance et affiche un clivage générationnel : l’influence de la circulation des images par et dans les médias. Produire ces images par le théâtre dans le cas du groupe Vivencial, par le cinéma avec Jomard de Britto, c’est favoriser leurs circulations et revendiquer l’importance d’une attitude. C’est dans ce film (Vivencial 1) de Jomard de Britto, plus que dans aucun autre, que ce manifeste une relation avec le type de sexualité qu’avait exploré Jack Smith dansFlaming Creatures (1963) [13], une sexualité ouverte, fluide, pas nécessairement phallique et performative. La grande différence toutefois est que la liberté d’invention visuelle de Jack Smith autant que dramaturgique est lié au fait qu’il est aussi « performeur » et qu’il inscrit son film en fonction d’une histoire du cinéma. De plus, ce n’est pas tant la libération qui préoccupe Jack Smith que la possibilité de montrer une sexualité perverse et polymorphe proche en cela de celles des enfants qui sauraient déjouer les attentes du social et qui se manifeste si bien à travers les personnages qu’il a incarné ou que ceux crées par Taylor Mead [14]. Ce qui est en jeu avec Jomard de Britto n’est pas tant l’histoire du cinéma que la production d’un acte de résistance vis-à-vis d’une société sous la dictature. Il s’agit de lutter contre les féodalismes culturels, il s’agit de promouvoir la mixité des cultures à la manière des revendications du Tropicalisme [15]. Il s’agit d’affirmer des espaces de liberté de l’intérieur, c’est à au Brésil. En 1974 la dictature militaire s’est renforcé favorisant une désertion massive des intellectuels et artistes brésiliens. La fin des années 60 avait vu surgir le Tropicalisme, mouvement musical et poétique qui visait, entre autres, à décloisonner ces pratiques.
On trouve par-delà les spécificités des lieux des similarités, partout où s’affirme une sexualité sans entrave dans ces années 70. C’est la figure de Wilhelm Reich plus que celle d’Herbert Marcuse qui prend le pas et ce au moment où on redécouvre ses théories [16].
La bénédiction épiscopale intronise le temps du plaisir. Cette irrévérence est salutaire tout comme l’était l’anticléricalisme d’Antonin Artaud pour La coquille et le clergyman(1927) ou celui de Luis Bunuel et Salvador Dali dans Un chien Andalou (1929), ou mêmeL’Âge d’or (1930). Cet anticléricalisme se retrouve autant dans le surréalisme belge et principalement dans le film L’imitation du cinéma (1960) de Marcel Marien, que chez Georges Bataille ou Pierre Klossowski [17].

Dès ce film, Jomard Muniz de Britto montre comment il ;entend se servir du cinéma. Il recourt à un caméraman, utilise le son et la voix-off afin de créer une friction entre les éléments visuels et sonores dont Inventário de um feodalismo cultural nordestino(1978) est l’un des meilleurs exemples. Il ne s’agit pas de discrépance comme chez les lettristes [18] car cette juxtaposition relève plus du collage tel que l’entendaient déjà les dadaïstes mais plus certainement les artistes du pop qui sont plus proches du poète. La plupart des films sont des dérives dans la ville ou dans la nature, ce qui n’empêche pas parfois d’autres propositions qui travaillent les tableaux vivant : Jogos Frugais Frutais (1979).
La confrontation des corps dans la ville, l’irruption de personnages incongrus dans la ville, que ce soit par le trouble de leur identité sexuelle, ou par leur comportement, vêtement qui les signalent comme marginaux (un clown dans O Palhaço Degolado, un vampire dans Aquarelas do Brasil III (2004) qui recourt à des séquences d’un film tourné dans les années 70, les égéries dansantes dans Vivencial 1). A chaque fois et ce, quel que soit le sujet du film c’est par la confrontation des corps dans un lieux puis leur appropriation de ces mêmes lieux que le film signale. Toques (1975) est exemplaire à cet égard, car il joint à la revendication de la liberté sexuelle un retour à la nature, et fait de la vague hyppie une symphonie nostalgique d’un temps lointain. Cette interprétation est soulignée par la chanson qu’interprète Caetano Veloso : Pelos Olhos, qu’il écrivait alors qu’exilé à Londres à cette époque de la dictature. Cette célébration se pare ainsi d’une dimension politique supplémentaire. Le cinéma super 8 se fait ici écho d’un mode de vie, il est alors une cinévie (Jomard dirait Cinevivendo) qu’il entend comme une esthétique et qui prend alors la forme du manifeste. Le cinéma est alors non seulement ce qui permet d’enregistrer un possible, une familiarité, une intimité, à partir duquel on liquide tous styles établis, au profit d’une anthropophagie stylistique. S’affirme ainsi à nouveau une « attitude anthropophage à partir des manifestes modernistes d’Oswald de Andrade [19]. Il s’agit dans ce cas d’une attitude d’appropriation partagée par les peintres et musiciens du Pop, autant que par le Tropicalisme. Récupération des outils autant que des formes et re-injections de ceux-ci dans un autre environnement, dans une autre culture. Ces appropriations sont décisives dans la mesure où elles conditionnent des formes de détournements et donc de redistributions selon des techniques de collages qui jouent plus ou moins des écarts entre les différents éléments réunis.

Dans Toques http://www.youtube.com/watch?v=JGaooahdba8 et dans Uma esperiênçia didática (1974), c’est l’exploration visuelle du corps qui est en jeu, ce qui la différentie grandement des expériences réalisées sur le toucher telle que Lygia Clark [20] l’a exploré dans quelques-unes de ses propositions, mais dans tous les cas c’est le geste qui est déterminant. Avec le cinéma, cette primauté du geste est évincée, en tout cas chez Jomard de Britto au profit de la découverte de partie de corps. Cette primauté du geste se retrouve en France à la même époque, dans plusieurs films de Téo Hernandez [21] qui conjuguent toucher et regard, la différence est que l’aspect incantatoire y est plus fortement prononcé. L’aspect rituel est absent chez Jomard, la dimension religieuse est écartée au profit d’une lecture politique de l’époque. On la retrouve principalement dans trois films. Dans O Palhaço Degolado, et dans Inventario de um feudalismo cultural(1978) http://www.youtube.com/watch?v=k5bwOU2K6sMc’est le dialogue entre images et textes sonores qui déploient ce contenu politique alors que dans Aquarelas do Brasil [22] (toutes versions confondues) c’est le poème même qui nous plonge dans cet abyme : le Brésil.

Palhaço Degolado met en scène un clown parcourant différents lieux de la maison de la culture qui fût la prison de Recife qui semble illustrer texte critique les poncifs de la culture brésilienne de ce miracle brésilien et de ces intellectuels de cette Armorial et qui promeut la lutte au moyen du super 8, qui est plus importante que nulle autre comme l’est la vie avec le film avec l’écriture.
Alors que le clown est arrêté, se font entendre les sirènes de la police qui interrompent une musique de cirque, quasi militaire dans son tempo. Le poète scande et hurle se demandant espérant pour ces matins de liberté, par-delà le populisme des classes moyennes, des intellectuels médiocres…il tourne en dérision le promoteur de l’Armorial [23] pour hurler sa haine de cette dictature en se demandant jusqu’à quand continuera-t-elle ?
La caméra suit le clown dans ces pérégrinations, rarement le précède. Nous sommes simultanément en présence d’un journal fictif, un pseudo documentaire de fiction en fait pour reprendre un terme du poète ce film est une œuvre de friction. Friction entre les composantes sonores et visuelles du film autant qu’entre les différents registres culturels dont se joue le poème déclamé. La friction c’est la fiction décollée dans le sens que lui attribuait Wolf Vostell dans ses TV décollage. Il s’agit d’une appropriation et d’un détournement d’informations télévisuelles mise en boucle en ce qui concerne l’artiste allemand, et qui en constitue une nouvelle œuvre. C’est le principe du collage disjonctif qui s’illustre ici, mais c’est aussi le montage comme l’a défini Eisenstein, juxtaposer, heurter des éléments séparés afin de constituer un nouveau sens. Mais c’est à partir de la bande-son qu’on voit ce qui est vraiment en jeu. Penons un exemple que nous traduisons :
« Maître Gilberto Freyre ! Senzala ! [24]
Maison principale de détention de la culture.
Très bien située sous les tropiques. Tristes tropiques … » [25].
Il faudrait pouvoir entrer dans le détail d’une explication de texte pour montrer comment il entre en friction avec l’image et concourt par sa dynamique même à produire cette « f(r)iction [26] » dans son déroulé même.
Gilberto Freyre est un écrivain qui a proposé une nouvelle approche de l’histoire du brésil au début du 20 ème siècle, en interrogeant le brassage des races. Casa grande [27]est le titre original de son grand œuvre. Tristes tropiques fait références au livre de Claude Levi-Strauss qui traite de sa découverte du Brésil et de son engouement pour l’ethnologie.
Jomard Muniz de Britto défend l’hybridation culturelle, enrichie de tous apports internationaux, c’est à la fois l’affirmation d’une pratique globale et locale. En ce sens son opposition au mouvement Armorial est au cœur du film O Palhaço Degolado. Le film signale l’existence d’autres attitudes culturelles, d’autres usages de la culture qui ne sont pas uniquement basés sur la redécouverte d’un patrimoine ; il milite en faveur d’une culture vivante [28]. La promotion de cette culture est risquée autant que la revendication d’une sexualité libérée, implicitement ces deux désirs attendent activement la chute de la dictature.
Dans ce film, par-delà la figure du clown, c’est la volonté de rencontre entre les cultures, officielle et souterraine, cette dernière, incarnée à la fois par le théâtre, la sexualité, la drogue autant que par le super 8. D’une certaine manière, ce qui est en jeu ici, c’est la revendication d’un statut de la culture privée et personnelle dont le super 8 et la sexualité sont manifestement les agents. Le recours au super 8 accompagne ici l’expression d’un mode de vie : Cinevivendo, autant qu’il est l’illustration pertinente de l’expression du désir dans toute son imprévisibilité. C’est la primauté du je sur la dictature de l’autorité et du bon goût. Comme le dit Jomard de Britto : « Désapprendre le bon goût des intentions symboliques, et des rites intellectuels, mêlant l’irréversible continuation et l’imprédictibilité du désir, suggérant plus que décrivant, argumentant moins que voyant/entendant… [29] »
Le super 8 est donc une école, un apprentissage de la vie, et dans ce sens, il est prolongement de celle-ci. Ce qui explique les films qui à la manière de certains travaux super 8 de Gianni Castagnoli : La Notte e il Giorno (1973-76), ou même Valentino Moon (1974-75), ou certains travaux de Téo Hernandez montre des pans de quotidiens, des rencontres amicales, amoureuses. En ce sens Jomard de Britto renoue avec le cinéma que défend Jonas Mekas [30] depuis les années 50/60 dans ses journaux filmés dans lequel la dimension politique était présente à travers les manifestations contre la guerre, les discriminations raciales…
Dans Inventário de um feudalismo cultural (1978), sous-titré : une friction historique existentielle, cette critique du culte historique est abordée de nouveau selon d’autres modalités qui associent au chant de Tonico Aguiar sur une des jetées de Recife, un parcours historique dans cette même ville et ses alentours : Olinda. Ce parcours, sur fond de discours déclamé par une figure historique, mène sur les routes une troupe de performeurs travestis. Les monuments et les lieux publics défilent à la suite des autres alors que surgit la voix du Poète se demandant : « et tout compte fait, à quoi sert le super 8 ? À sauver la conscience culturelle des journées de travail ? pour renier le miracle économique du cinéma brésilien ? en tant que devoir du populisme ou plaisir anarchiste ? [31] »
Aux monuments qui inscrivent une histoire de Recife on oppose les favelas. Alors qu’apparaît un plan de favelas, on entend la voix d’une femme disant : « Qui aime la misère (silence), intellectuelle. Le peuplemême veut que la lumière brille pendant le carnaval ». C’est ce type de relations entre des événements sonores et visuels qui sont source de frictions. Il en va de même de ces parodies de défilé religieux qui inscrivent à la fois la mémoire religieuse du brésil c’est-à-dire sa colonisation, avec ces processions que met en scène Glauber Rocha [32]dansDeus e o diabo na terra do sol (1963). Ces parodies sont proches alors des jeux de rôles de Taylor Mead ou Jack Smith, mais elles évoquent plus la « commedia del arte » que certaines scènes des films des frères Kuchar dans lesquels les acteurs amateurs tentent de prendre possession d’un rôle.
Une fois de plus l’actualité de la présence militaire, la dictature est manifeste dans le final qui voit chacun des protagonistes s’effondrer comme mitraillé alors que la caméra les passe en revue au moyen d’un travelling latéral.
Cette dimension politique n’est pas unique dans le cinéma brésilien de l’époque, on en trouve des traces chez Arthur Omar, en 35mm ainsi que chez d’autres cinéastes qui œuvrent en super 8 par exemple Paulo Bruscky, ou du 16mm tel Antonio Manuel.
Jogos Frutais Frugais http://www.youtube.com/watch?v=vGUd_m1gYz4 +http://www.youtube.com/watch?v=q_6HiCcQHvo nous propose une suite de portraits d’Ivonete Melo devant et en regard des tableaux Pop de Sérgio Lémas avec fruits et bouches. Le film est constitué d’un ensemble de compositions savantes entre la belle femme nue, odalisque qui se mêle, se pare ou joue avec les fruits qui l’entoure : banane, pastèque, cajous…Jeu d’opposition entre la langueur affichée du modèle et les bouches sensuelles dans les tableaux. Ivonete évoque une Viva [33] rousse, sans voix. Ces compositions aux fruits tropicaux semble provenir des diapositives de modes faites par Jack Smith, elle sont à la fois un hommage à la beauté mais aussi un jeu avec les codes et stéréotype de cette beauté, jusqu’à ce qu’un bataillon de mouches se déplace sur son corps, insufflant d’autres interprétations à ces tableaux vivants. Nous ne sommes plus dans le paysage de la fascination comme le déploie souverainement dans ses premiers films Werner Schroeter [34] mais dans celui de la déconstruction. La belle image s’effrite devant les réalités climatiques tropicales. Nous ne sommes plus en présence d’une icône européenne, mais plus certainement en présence d’une image en cours de façonnage. Ce portrait se distingue de celui que fait Hélio Oiticica à New York avec Mário Montez Agripina é Roma-Manhattan (1972), l’égérie de Jack Smith, dans la mesure ou la confrontation ne se situe pas tant entre le personnage et son rôle, qu’entre un personnage et des représentations de détails corporels ou des fruits. Dans les deux cas, rien ne nous renseigne sur le déroulement possible de l’action. L’action représentée autant que filmée est distincte et c’est cette distinction qui est source d’indétermination. Cette dernière nous conduit alors à envisager le cinéma que défend Jomard comme un cinéma de l’aléa, de l’impromptu, ou rien n’est totalement asservi aux règles d’une narration traditionnelle, mais dépend du souffle poétique autant que des qualités d’improvisation des performeurs. Dans ce sens, le cinéma de Jomard de Britto, comme sa poésie répondent à d’autres logiques discursives et ne travaillent pas selon ces mêmes régimes ; ils s’inscrivent comme des espaces de résistances contre la domination l’hégémonie de modèles culturels. Ils sont ainsi des outils qui tissent, orchestrent plusieurs voix. Ils signent l’écart, la différence. C’est en ce sens qu’il faut comprendre son intérêt pour la musique. N’a-t-il pas fait en 1997, un disque Pop Filosofia – O que E isto ? [35] qui propose un parcours à travers différents paysages sonores mais qui t est réminiscence des films des années 80.

Ce travail sonore est un travail collectif comme l’ont été et le sont les films et vidéos [36] , ils font appel à d’autres logiques, qui sont plus proches de celles du jeu de mot, du rébus, de l’allégorie dont nous avons tenté d’indiquer quelques voies. Les films fonctionnent alors comme des carrefours de possibles, ils admettent le multiple et peuvent par conséquent se démultiplier, c’est ce qui explique sans doute la diversité des travaux ainsi que le recours à des formes plus ouvertes de cinéma élargi, visuel et ou sonore.


[1] Marginalia 70, experimentalismo no super-8 Brasileiro, Itau Cultural Sao Paulo, 2001

[2] L’ouvrage d’Alexandre Figueirôa, O cinema super 8 em pernambuco : do lazer domestico a resistencia cultural Edicôes fundarpe, Recife 1994, est essentiel quant à l’analyse du mouvement superhuitiste du Pernambuco. On retrouve à Bahia une effervescence similaire dans l’état de Bahia et principalement à Salvador, voir Paolo Vieira : O cinema Super 8 na Bahia, Salvador 1984.

[3] Jomard de Britto parle souvent dans ses textes de l’esthétique du déchet, comme s’opposant à tout académisme

[4] Un clown décapité en serait la traduction française

[5] C’est nous qui traduisons : “Em O palhaço Degolado, que realizei com Carlos Cordeiro, o texto é o roteiro do filme, quer dizer, a linha do texto é o roteiro, enquanto a elaboraçao da imagem aconteicia na hora.”JMdB : Depoimento 02 01 89

[6] On se souvient que Lygia Pape déclarait en 1973 que « le super 8 est réellement un nouveau langage, et ce principalement quand on est en dehors d’un engagement commercial dans le système. C’est la seule forme de recherche, c’est aujourd’hui la pierre d’achoppement de l’invention. Lygia Pape in Expoprojeçao 73, de Aracy Amaral, Sao Paulo, ediçao do Centro de Artes Novo mundo, 1973

[7] Sur le Théatre du Pernambouco et sur Vivencial Diversiones, voir Memorias da Cena Pernambucana 01, ed Leidson Ferraz, Rodrigo Dourado et Wellington Junior, Funcultura Recife 2005

[8] Il fût le fondateur, directeur et acteur de Vivencial Diversiones

[9] de 1974 à 1982, Jomard de Britto réalisa 13 films avec la participation d’acteurs du groupe, voir : Memorias op. cit. p 98

[10] Renvoyer au site de Barbara Hammer http://barbarahammerfilms.com/.

[11] Sur Moritz, plus complexe, voir texte sur ses films de rites sur le site CVM

[12] Le cinéma du corps a été analysé par Dominique Noguez dans Eloge du cinéma expérimental re-édité par Paris expérimental et Raphaël Bassan dans différents articles

[13] Sur Jack Smith, on se reportera à Flaming Creature : The Life and Time of Jack Smith, Artist, Performer, Exotic Consultant by Edward Leffingwell, Serpentine Tails 1997

[14] Voir yann beauvais : Burlesque, in L’horreur comique, esthétique du slapstick, ed du Centre Pompidou, Paris 2004

[15] Rappelons que Jormard de Britto a été l’un des représentant de ce mouvement, il a écrit plusieurs manifestes dont : Inventaire de notre féodalisme culturel, que signeront parmi d’autres Caetano Veloso et Gilberto Gil. Sur le tropicalisme voir Caetano Veloso : Pop tropicale et Révolution, Le serpent à plumes, Paris 2003, Verdade Tropical, Companhia das lettras 1997

[16] On pense surtout à La fonction de l’orgasme, publié en France en 1952 par les éditions de L’arche

[17] Guilherme Coelho, Georges Bataille, Pierre Klossowski sont tous trois passés par le séminaire

[18] Sur le lettrisme Frédérique Devaux : Le cinéma Lettriste ed Paris expérimental, Paris 1992

[19] Le manifeste anthropophage écrit en 1928 et publié cette même année n’a été publié en français qu’en 1972 dans la Nouvelle Revue de Psychanalyse, n°6, Paris.

[20] Catalogue Ligya Clark, RNM Paris 1998, et Lygia Clark de l’oeuvre à l’événement : Nous sommes le moule, A vous de donner le souffle de Suely Ronik Musée des Beaux Arts de Nantes 2005

[21] Sur le cinéma de Téo Hernandez : Trois gouttes de mezcal dans une coupe de champagne, éditions du Centre Pompidou Mnam Paris 1998

[22] Il existe jusqu’à présent trois versions de ce poème. Il s’agit sans doute de trois variations sur le même poème, mais surtout trois interprétations qui convoquent des registres distincts. Une danse de Vava Paulino sur une digue de Recife pour le premier, une dérive diurne, entrecoupée avec de regards et d’extraits pornos, tandis que le troisième suit un vampire à travers la cité et reprend certaines séquences de la seconde version. Il semble que les images de ce film proviennent de Noturno em (Ré)cife Maior ou alors de Olho Neles. La figure du vampire est d’ailleurs fréquente à cette époque dans le cinéma expérimental brésilien : Nosferatu no Brasil (1971) d’Ivan Cardoso ou Wampirou (1974) de Lygia Pape. Pour une description de Noturno em (Ré)cife Maiorvoir Alexandre Figueirôa op cit p. 196

[23] Mouvement culturel qui a revitalisé les racines de la culture du Pernambuco, impulsé par Ariano Suassuna en Octobre 70, contre la massification de la culture. « Armorial est une tentative de créer un art érudit Brésilien, basé sur nos racines populaires de notre culture, c’en est l’essence » in Jornal de Poesia http://www.revista.agulha.nom.br/ecarvalho02c.html

[24] Lieux d’habitation des esclaves

[25] Un film de 1974 d’Arthur Omar empreinte à Levi-Strauss son titre, il s’agit d’une production 35mm qui critique le discours anthropologique

[26] C’est dans ses termes que Jomard de Britto qualifie ses films

[27] Traduction française : Maîtres et esclaves Gallimard Paris 1952, puis Tel 1997, le titre original est Casa Grande & Senzala

[28] Sur la querelle entre Jomard de Britto et Ariano Suassuna voir José Telles, Do frevo ao mangue beat Editora 34, 2000 et Ana-Mae Barbosa : Artes plásticas no Nordeste. Estud. av. [online]. 1997, vo Sur les rapports d’opposition l. 11, no. 29 [cited 2006-08-16], pp. 241-255. Rapellons que Suassuna fût le professeur de JdB <http://www.scielo.br/scielo.php?scr…> . ISSN 0103-4014. doi : 10.1590/S0103-40141997000100013

[29] JMB : Cinevivendo texto do programa recife Juillet 1974, in Alexandre Figueirôa, O cinema super 8 em pernambuco : do lazer domestico a resistencia cultural op cit

[30] Sur Jonas Mekas voir : David James ed, To Free The Cinema : Jonas Mekas and the New York Underground, Princeton, Princeton UP 1992

[31] C’est nous qui traduisons : A final de contas, para que serve o super 8 ? para salvar a consciência cultural das jornadas ? Para salvar a econômico do cinema brasileiro ? como dever do populismo ou parzer anarquismo ? voix off du film

[32] JdB et Gr se connaissait, à cet égard voir l’interview de JmB avec Carlos Adriano in Poesia, sous le titre : ô ultimodândy.http://pphp.uol.com.br/tropico/html/textos/2604,1.shl

[33] Viva a été un des superstars de Warhol, elle a joué entre autres dans Lonesome Cowboys (1967)…

[34] Parmi ceux-ci : Eika Katappa 1969, La mort de Maria Malibran 1971, Willow Springs 1972-73,

[35] Projeto Cultural JMB Recife 1997. Qu’est donc ceci. Ceci est cela, comme il le dit dans le livret du disque

[36] Jomard travaille en équipe, pour les images Carlos Cordeiro, Rucker Viera, pour le montage Lima.