Archives mensuelles : janvier 2015

Introduction Scratch Book (Fr)

Publié dans Scratch Book, ed yann beauvais et Jean-Damien Collin, Paris 1999

Cet ouvrage a pour objet de célébrer le cinéma expérimental dans sa diversité et de rendre hommage à l’une des structures qui l’a promu et défendu le plus activement en France, au cours des quinze dernières années. Il veut rendre compte de la spécificité de Scratch comme espace de projection en présentant les témoignages de critiques, de programmateurs, et en reprenant des entretiens de cinéastes (parfois inédits en français) publiés dans l’éphémère Scratch Revue et des travaux graphiques et plastiques qui nous proposent un état du cinéma expérimental.

Scratch marque l’engagement d’artistes – cinéastes et plasticiens – envers une pratique trop fréquemment minorée. Si la création de cette entité répondait au besoin de renouvellement des lieux de diffusion du cinéma expérimental à Paris, elle dénotait, ne fût-ce que par son nom, une volonté d’ouverture et de remise en cause. Loin d’être la chambre d’écho d’une avant-garde, Scratch se voulait avant tout différent, en marge, à côté : nous prenions nos distances vis-à-vis de l’histoire, nous inscrivions nos résistances et nos partis pris dans le choix des programmes. Scratch représentait donc – dans les premières années de son existence – une alternative à l’approche du cinéma expérimental en se singularisant par un éclectisme revendiqué que venait souligner la programmation.

Après toutes ces années de projection dans différents lieux, à un moment où le cinéma expérimental bénéficie d’un regain d’intérêt très marqué en France, il nous semble opportun de renvoyer, à travers l’histoire de Scratch, à l’histoire des cinéastes eux-mêmes et aux enjeux esthétiques dont leurs oeuvres sont porteuses. Il s’agit de démontrer en quoi des structures alternatives – quasiment des ateliers -, conçues et gérées par des artistes, au-delà de leur projet initial limité à un champ précis, peuvent s’étendre à d’autres domaines et se poser en modèles pour d’autres champs artistiques contemporains. Comme tout modèle, ces structures ne demandent qu’à être dépassées. Toutes sont très mobiles ; cela leur permet d’intervenir rapidement, au gré des opportunités et d’adapter leurs réactions aux circonstances, ce qui signifie diversité des projets et des lieux. Une mobilité et une souplesse comparables caractérisent aujourd’hui les laboratoires cinématographiques alternatifs comme les différents collectifs d’artistes, qui ne mettent pas en commun une esthétique mais des processus visant à produire des projets plastiques, aussi bien des « oeuvres » ou des « pièces » que des manifestations. Tel a été le rôle de Scratch dans le domaine du cinéma expérimental, oeuvrant dans un lieu déterminé, en relation avec d’autres villes, d’autres pays. Aujourd’hui les enjeux ont changé. Scratch a une histoire dont il doit se déprendre afin d’envisager d’autres modalités d’action vis-à-vis du cinéma dans le contexte contemporain.

L’actualité des arts plastiques et du cinéma expérimental est venue à point nommé pour renforcer l’idée d’une publication autour de Scratch, idée née au cours d’un dîner estival réunissant Jean-Damien Collin, Miles McKane et moi-même, où nous évoquions les problèmes rencontrés par la diffusion du cinéma. La publication devrait faire le point sur le chemin accompli, tout en conservant l’ouverture sur le contemporain, sans esprit de clan ou de mouvement. Montrer et défendre des démarches novatrices et des cinéastes inconnus ou méconnus. Sans nous en douter, nous étions sous l’influence d’illustres prédécesseurs qui avaient su manifester leur indépendance – des membres du collectif Close Up et des membres de Fluxus (si tant est que l’on puisse parler dans ce dernier cas de collectif). Notre liberté en face de l’histoire favorisait notre ouverture vers les nouvelles générations de cinéastes, attitude que partageaient les critiques et les programmateurs invités. Dans les années quatre-vingt, il s’agissait comme aujourd’hui de défricher le terrain de manière intense et de favoriser les rencontres entre les œuvres, les cinéastes, le public. Cela éclaire le choix des programmations – présence/absence de tel ou tel cinéaste – souvent conçues en fonction des autres lieux, mais aussi sans égard pour eux. De ces années, on peut évoquer les projections régulières du Centre Georges Pompidou, celles du ciné-club Saint-Charles, ou des manifestations ponctuelles comme le F.I.A.G., la programmation Man Ray, ou le festival de Rouen, entre autres… Scratch était donc libre de ses choix et n’avait pour ambition que de faire partager sa passion pour une cinématographie en constant devenir. Sa volonté d’indépendance apparaît donc essentielle dans la mesure où il sortait le cinéma de l’université, seul lieu permettant cette pratique cinématographique, puisque, à cette époque, les écoles des beaux-arts ne s’y intéressaient guère. Le choix de Scratch, fidèle à une tradition bien ancrée dans les arts plastiques, de se confronter à sa propre histoire, rendait aux cinéastes un espace de projection spécifique qui s’affirmait comme laboratoire ou atelier public. Espace par et pour les cinéastes, Scratch vous convie à « user » vos films sur ses projecteurs.. Le côté « atelier » se manifeste autant dans la permanence des projections multi-écrans que dans les expositions d’installations ; la première manifestation conçue par Scratch était à la fois une proposition de cinéma présentant des installations, et des projections. Scratch se pensait comme un dispositif d’échanges. L’important n’était pas d’être les premiers à montrer tel ou tel cinéaste, mais de permettre à des cinéastes de rencontrer d’autres cinéastes lors de projections, ou de renouer des dialogues entre des pratiques artistiques pour le moins séparées. Car l’un des paradoxes de la cinématographie expérimentale est qu’elle doit à la fois démontrer son actualité et affirmer constamment son passé, situation pour le moins inédite dans le domaine artistique, qui fait de chaque cinéaste comme de chaque structure, un vecteur et un support de l’histoire. Favoriser les échanges entre les cinéastes nous semblait de la plus haute importance afin de (re)créer des réseaux de diffusion.

Cette logique d’ouverture et de rencontre a présidé au choix des textes de cet ouvrage. Que nous ayons fait appel à des cinéastes, des critiques, des conservateurs ou des programmateurs, il nous a semblé important, plutôt que de nous auto-congratuler, de favoriser des démarches plurielles, qui font écho à la multiplicité du public touché par les projections Scratch. C’est ainsi qu’il faut comprendre les textes de Gilles Royannais, Nicolas Gautron, Marie-Pierre Ducoq célébrant des oeuvres autant que des possibilités que leur a offertes Scratch dans le choix des films. Il faut regarder sous le même angle les textes et les expériences réalisées au Brésil avec Gloria Ferreira, en Italie avec Andrea Lissoni et Daniele G, qui partant d’un constat similaire – l’absence de projection régulière de films expérimentaux dans leurs pays respectifs – ont souhaité travailler avec Scratch. Le projet avec Gloria s’est concrétisé, à Rio, dans un cycle sur le cinéma des plasticiens et expérimental des années soixante-dix et leur mise en perspective avec le cinéma brésilien. Le projet italien se veut un écho fidèle de la démarche de Scratch ancrant le contemporain dans l’historique et ce de manière transversale. Avec ces deux propositions s’affirme une caractéristique sous-jacente de Scratch qui consiste à envisager la programmation comme un moment dans le travail du cinéaste – voir des films, confronter, mettre des oeuvres en rapport les unes avec les autres – et aussi comme un espace d’agitation. Ces deux axes ont souvent servi, au fil des ans, de moteur de programmation et permis de créer des liens et des réseaux avec les cinéastes et les programmateurs.

Cette faculté, cette ouverture est au cœur du projet Scratch, elle alimente d’une certaine manière notre créativité à quelque niveau qu’on la situe. Elle consiste à donner à voir d’autres images – Helga Fanders, Anne-Marie Cornu, Marcelle Thirache -, faire entendre d’autres voix. Jürgen Reble, Abigail Child, Metamkine sont quelques exemples parmi ceux qui composent le Scratch Book. La découverte d’un cinéaste, d’un cinéma est toujours un moment privilégié, qu’il s’agisse de Mike Hoolboom, Vivian Ostrovsky ou Luther Price par exemple. Les formes de partage offertes par Scrtach et par le livre sont un moyen de susciter de telles rencontres, qu’il s’agisse d’un travail photographique d’une cinéaste ou d’une critique sur un artiste. Il s’agit de (se) donner des moyens de voir autrement. Il n’est pas question de clore une histoire mais d’affirmer le cinéma expérimental comme une pratique majeure de ce siècle qui se situe toujours entre les arts. C’est ce statut du cinéma expérimental qui interroge les structures qui le défendent et font de celles-ci des passeurs de lumière.

Nous souhaitons, avec cet ouvrage comme avec les projections, créer des envies irrésistibles de voir les films, de les programmer ailleurs et autrement et, qui sait, pourquoi pas d’en faire, encore.

À Taiwan (Fr)

Initialement écrit en 2010 à partir d’un texte de 2003, pour Scratch publée à Taipei en 2014 dans Stranger Than Cinema : A Study of Taiwanese Experimental Films organisé par Tony Chuin-Hui Wu

À Taipei, on trouve des cinéastes expérimentaux qui travaillent avec les moyens du bord. Jusqu’à la fin des années 90, l’intérêt pour le cinéma expérimental était très irrégulier, de plus, il était difficile pour la plupart des cinéastes et artistes, de retour, de continuer une telle pratique non seulement par manque de moyens mais manque d’accessibilité et visibilité à Taïwan.

Si la cinémathèque de Taipei a montré par le passé des films, elle n’accompagnait ni un mouvement, ni des cinéastes, quand bien même la production  cinématographique sporadique de certains plasticiens et les nombreuses traductions que la revue de la cinémathèque a entrepris depuis les années 901. Le festival de Taipei de 2005, avait été exemplaire à cet égard en incluant de nombreux films et vidéos expérimentales contemporaines.

Jusqu’il y a peu de temps, presque tous les futurs cinéastes découvraient le cinéma expérimental lors de leurs études à l’étranger : Hsiu–Ching Wu, au début des années 90, est à Chicago où elle réalise quelques films dont A Play in Water (1992), avant de s’orienter vers un cinéma plus documentaire, une fois réinstallée à Taipei. Rue Yi Hung et Wu Chun Hui étudient à San Francisco. Ce dernier poursuivit sa formation à Bard, tout en organisant des programmes à Taipei dans le cadre d’Image Mouvement. Il a été l’un des rares à continuer de faire sur place des films avec la plasticienne Mei-ling Hsiao, qui a étudié au Fresnoy vers la fin des années 90. D’autres encore, récemment émigrés, décident de rester dans leur pays d’accueil. Pour ceux qui revenaient, le retour signifiait en tout cas, jusqu’au début 2000 l’abandon d’une pratique face aux difficultés rencontrées face à la culture cinématographique taiwanaise. Comme le reconnaissait Wu Chun Hui, les cinéastes n’avaient pas grand choix à leur retour :“ Ils doivent avant tout survivre, les seules solutions qui leur sont offertes sont l’enseignement ou le cinéma commercial, ce qui a pour résultat qu’ils continuent rarement de travailler le cinéma expérimental. ” Pour Vincent Wang, lui-même cinéaste2 : “ Toute la question est de savoir si l’on peut continuer à faire des films lorsqu’on sait que le gouvernement taiwanais ne reconnaît le cinéma que sous deux formes : les long-métrages ou les documentaires. ” Depuis cet entretien, en 2002, la situation a changé car l’enseignement de cinéastes et théoriciens a modifié le paysage et entraîné  la production de films. Taiwan Video Club (1999) de Lana Lin illustrait cette dépendance entre la culture importée la production chinoise traditionnelle que l’on retrouve dans ces soaps et séries, consommées avec avidité par des générations de Chinois émigrés, comme l’illustre le documentaire.

Un grand nombre de cinéastes privilégient les formes courtes, s’exprimant à travers le documentaire, l’animation et parfois le cinéma expérimental, tandis que d’autres investissent le cinéma sous la forme de vidéos et d’installations, comme Mei-ling Hsiao, qui réalise parfois de courtes pièces : dans Lettre L’être (1996), le visage du peintre apparaît au fur et à mesure du transvasement de l’eau d’un récipient à l’autre. L’artiste Yin-Ju Chen fait appel à des formes courtes. Elle met en scène des micro-récits, quasiment des courtes performances, qu’elle filme de manière simple. Dans Untitled (2001), le visage d’une femme grimaçante, se tordant de douleur, fait écho au fait qu’elle donne naissance à un phallus : elle l’expulse de son corps. Des situations simples mais efficaces sont enregistrées sans commentaire, se suffisant à elles-mêmes : Escaping For a While nous montre une tentative de noyade dans un bol. L’artiste plonge son visage pour un long moment, puis relève la tête, reprend le bol et quitte le champ. Dans Recycle System (2002), elle nous propose une vision également absurde : elle passe l’aspirateur alors que le tuyau est connecté à sa bouche, faisant du corps féminin un aspirateur autonome. La position critique n’a pas à être soulignée, les images se suffisent.  Depuis plusieurs années le monde de l’art accueille les propositions de cinéastes aussi bien sous la forme d’installation et approche critique permettant ainsi à des plasticiens et à des cinéastes de croiser les pratiques en atteignant d’autres publics. Taiwan n’échappe pas à cette inclusion du medium film part et dans le monde de l’art. La biennale de Taipei, mais aussi les revues comme Artco Monthly3 jouent un rôle dans la propagation du cinéma à travers le monde de l’art.

Le cinéaste Machunfu, privilégie l’animation. Il partage avec nombre de ses contemporains une exploration de l’animation selon une pluralité de registres4; il fait le lien avec le monde de la publicité, des vidéos clips et le monde de l’art. Mélange des genres mais aussi imbrications des techniques qui redistribuent les icônes de comics et de manga selon des modalités inattendues : Unblessed Love (2008). C’est le graphisme qui dynamise le traitement et la dynamique des images, ainsi dans Murder A Face (2005), le processus de destruction de document, papier est mis à profit afin de mettre en pièces (en lamelles) un portrait d’enfant en noir et blanc.

Murder a face MachunfuLa maîtrise technique rappelle les manipulations de photos de Spacy (1981) de Takashi Ito. Dans Lost in Remembering (2005) c’est la soustraction du même personnage à différentes étapes de sa vie qui interroge le souvenir selon un registre qui fait de l’effacement la condition d’une maîtrise et qui sait, de la survie. Par ailleurs on remarque que le cinéaste joue avec les jeux vidéos et son esthétique en recourrant au machinéma dans la série kodomo ?

La découverte du cinéma expérimental au cours d’études à l’étranger est révélatrice d’une attitude spécifiquement occidentale vis-à-vis du cinéma. On constate son importance et son influence dans les premiers travaux de Lana Lin, RueYi Hun, Anita Chang, Wu Chun Hui, Chen HsinWei. Certains de leurs films font état de préoccupations relatives au développement artisanal (Untitled, 2001, RueYi Hung). D’autres utilisent des found footage (I Begin to Know You, Through The Door, Sphere and Circle Round, 1992, Lana Lin ; Intimacy , puis More Intimacy (1999, Wu Chun Hui), Pluto 2008, de Yang Kai Yen, où affirment une subjectivité au travers des journaux filmés (A Play in Water, 1992 ; Untitled, RueYi Hung, Far Side of the Snow 2007 de Zhen Niam Kuo). Chacun s’approprie les images à sa manière : Lana Lin choisit de représenter l’activité des femmes, alors que Tony Wu utilise des images pornographiques homo dans Intimacy et ses variantes successives, qui trouveront un prolongement troublant dans Making Maps (2001). Dans ce film Tony Wu mêle à des images de jeunes garçons se baignant à la mer, en vacances des images pornographiques. Chaque série d’images induit des relectures en regard de celles qui les précèdent ou les suivent ; comme David Wojnarowicz, le faisait avec Untitled (One day this kid…,1990), dans une forme plus activiste en associant à la photo d’un jeune garçon un texte dénonçant ce qu’il endurera socialement en tant que gay. Le montage dense de Making Maps privilégie les éruptions sporadiques de grappe de photogrammes aux longues séquences, afin de dresser une cartographie potentielle des désirs. Making Maps utilise le sang et le sperme afin de créer des textures sur les images pornographiques autant qu’ils sont objets de la représentation, et comme on le voit parfois chez Andres Serrano5.

Certains artistes s’écartent de cette approche, privilégiant de longs plans (Chen Chieh-jen) ou le plan-séquence, comme Shuo-wen Hsia dans Intrude Sanctuary (2000) qui offre au regard un moment dans le métro de Taipei, alors que les défilent les stations, que les gens entrent et quittent la rame au son des annonces trilingues. Un film sans prétention qui rend indirectement hommage à Ernie Gehr, filmant les passants dans une rue de Brooklyn ou le temps qui s’écoule dans une avenue de Manhattan. L’écoulement du temps appréhendé différemment dans l’espace clos d’une caserne est à l’œuvre dans 03 : 04 (2000) de Ting Fu Huang. L’aspect photographique du documentaire restitue la banalité de la vie des conscrits, la rendant presque attrayante par sa plasticité. Quelques visages, quelques attitudes sortent de l’anonymat, tranchent sur l’ennui inhérent à l’enfermement. Sans commentaire, utilisant différentes vitesses d’enregistrement, le film dresse un portrait accablant d’une jeunesse confinée, réduite à un champ d’activités restreint, dans un lieu pour le moins désolé, une des îles dans le détroit de la Mer de Chine. Ici, comme dans She Wants to Talk to You (2001) d’Anita Chang (émigrée de la seconde génération, née aux Etats-Unis), où des Népalaises racontent leur expérience de l’émigration, c’est l’aspect expérimental du documentaire qui, au-delà des sujets, retient l’attention.

Anita Chang She wants to talk to you Dans 30 : 04, l’utilisation de l’accéléré permettait de condenser l’expérience routinière des soldats, dans le film d’Anita Chang, le refilmage de documents et le développement manuel confère au film des textures, un grain, des taches et des rayures, qui deviennent la marque d’une subjectivité. Subjectivité de ces femmes qui commencent à faire l’expérience d’une certaine liberté. La personne déplacée est également au cœur du film de Lana Lin, Taiwan Video Club, comme de la courte fiction And Now Happiness (2001) de Tung Wang, qui oppose désir et religion dans la vie d’un garçon à New York.

Beaucoup de cinéastes d’origine taiwanaise travaillent sur la mémoire selon des modalités propres à chacun.  Le journal filmé et l’évocation d’un temps plus ou moins distant sont à l’œuvre dans Grandma (2008) de Sumigyen et dans les films de Zhen Niam Kuo. Ces retours vers un ailleurs sont explorés plus systématiquement dans les films de Ming-yu Lee. Depuis That Day (2005) en passant par Going Home (2008)6 et jusqu’à Home Not Yet Arrived (2010) le cinéaste recourt prioritairement au super 8 où au téléphone portable pour réaliser ses films qui se focalisent sur de micro événements du quotidien, ou s’absorbent dans les regards et les gestes anodins, presque sans qualité et qui pourtant permettent de saisir une atmosphère, des émotions, des sentiments. 

Home not Yet Arrived Mingyu LeeHome Not Yet Arrived revêt la forme d’une lettre adressée au père décédé, l’informant de la vie familiale actuelle, et ce alors que le souvenir du père s’estompe et qu’on finit par y penser moins fréquemment. Les films sont développés par le cinéaste et souvent refilmés selon des stratégies évoquant les matérialités des laboratoires alternatifs d’Europe ou d’Asie. Sont privilégiés les liens que Ming-yu Lee entretient avec les groupes de super 8 et, avec le mouvement des laboratoires dont l’esthétique affirme  similairement la matérialité et les spécificités du support argentique. La plasticité du portable est affirmée par de nombreux cinéastes contemporains et, qui à l’instar de Lionel Soukaz pensent que: « L’image est moins bonne que celle des caméras DV, mais elle est plus chaude, plus proche de l’image du super 8.7 ». De plus, comme le remarque justement Yung Hao Liu8, ce n’est pas tant l’authenticité qui est privilégie, bien que ce soit celle ci qui fasse écran au film, qui est recherché par le cinéaste que l’affirmation d’un style à travers le flou, le baclé, etc. Il partage cette volonté de ne pas se plier à une esthétique policée dominante que l’on retrouve chez quelques cinéastes et artistes contemporains.

Deux artistes plus anciens se distinguent : Wu Chun Hui et Chieh-Jen Chen. L’un venant du théâtre et du cinéma, l’autre des arts plastiques et plus particulièrement de la photographie.

Pour Wu Chun Hui, la rencontre avec le cinéma se réalise en priorité à travers le found footage. Travaillant à partir d’objets déjà filmés, on peut manipuler à son gré, surtout si l’on développe soi-même les images trafiquées à la tireuse optique. Dans le cas d’Intimacy puis de More Intimacy, une séquence de film porno homo, retravaillée, permet de montrer le rapport entre le grain de la peau et celui du film, et met en jeu notre capacité à trier les informations dans une image complexe. Que voit-on vraiment, qu’appréhende-t-on ? Ce qui est enregistré où ce que l’on aurait aimé voir enregistré ? En manipulant cette séquence, et grâce au jeu des surimpressions, le cinéaste crée des relations qui n’ont pas d’autre existence en dehors de la pellicule. Il induit des rencontres inédites, mais moins fortuites qu’elles ne paraissent de prime abord. Tony Wu propose de nombreuses versions de ses films: Cemetery  en compte 7, sur différents supports : super 8 et 16mm, ou plus récemment la série d’installation et film Resurrection, qui en compte 5.

Dans Pycho Shower (2001), comme dans Intimacy ou Cemetery, le bleu domine.

tumblr_mbqiqdW5J31ql18tio1_500L’écran en est saturé.  Hommage au film d’Hitchock, Psycho avec la scène de la douche,dans laquelle l’irruption du meurtre joue un rôle capital.  Le refilmage de cette scène centrale procède par saccades. Les saccades, les délais, les retards étirent la scène initiale et la métamorphosent. Un univers s’ouvre alors. En ralentissant la scène, en la décadrant, le cinéaste convoque un passé cinématographique qui inclus non seulement le cinéma des années 60, comme la Jeanne d’Arc de Dreyer. La scène initiale s’étire (mais à la manière de Douglas Gordon), elle se replie afin de mieux se déployer selon des modalités qui rappellent les procédés utilisés par Raphaël Ortiz et Martin Arnold. Il ne s’agit pas de la citation d’un processus : le cinéaste propose une médiation sur le regard, sur la distance et la mémoire du cinéma, à travers le cinéma. Déconstruction de la scène image par image et remontage, un remixage qui ne respecte pas nécessaire la continuité initiale.  Cette douche devient la mémoire d’un cinéma à venir. Tony Wu structure ses trois films grâce au travail chorégraphique qu’il accomplit avec les différents éléments mis en jeu.  L’arrangement des mouvements, leurs reprises, les variations et permutations du cadre, d’un geste, les répétitions d’une action, d’un plan deviennent ainsi des moments dans l’acquisition d’un savoir, qui travaillent notre capacité à gérer l’information déjà vue. Il convoque nos souvenirs comme il le fera plus directement encore en introduisant dans Making Maps (2002) des séquences de home movies, montrant des enfants qui se baignent.  Un futur éventuel est envisagé pour un enfant asiatique qui vit dans le monde des Blancs : écho lointain de la situation du cinéaste dans un monde dominé par le cinéma expérimental occidental.

De la même manière, nos souvenirs sont envahis d’images qui ne nous appartiennent pas directement, mais que nous incorporons, que nous faisons nôtres : images de conflits, images pornographiques, clichés cinématographiques. Tout concours à faire de notre mémoire un paysage traversé d’images dont nous n’avons été que spectateurs. Les images font surgir les possibilités masquées qu’elles contiennent (le travail de Martin Arnold irait dans ce sens), ou bien elles sont le miroir9 de nos pensées les plus secrètes, images sur lesquelles on revient sans cesse. Le travail sur le retour des images irradie la pratique filmique de Tony Wu. Des images de Making Maps déclencheront Maps Dreaming (2001). Incarnation (Boy) donnera naissance à Re : Incarnation (Boy) (2003). On pourrait multiplier les exemples qui font du recyclage, de la recombinaison et du retraitement des outils de prédilection du cinéaste, qui prolonge un travail en jouant avec les variations.

On en trouve une récente manifestation dans la série : Resurrection ( 2006 à 2008)10. Cette série travaille la relation que les émulsions entretiennent à la photographie, à la vitesse et au cinéma. Le défilement et la granularité des émulsions, 16mm, Super 8 et 8mm accumulés au fil des ans lors de voyages en Europe s’opposent aux images gelées majoritairement en négatif dans Europe Ressurection (2006). Dans ce projet somme, Tony Wu, explore les seuils de perception et de reconnaissance des images qu’il avait entrepris avec exTaipeit (2005) qui associe quatre couches de flux d’images: travellings latéraux de plan des fenêtres de métros de différentes villes du monde et transcriptions rapides de textes, à quatre sources audio selon une construction qui induit conflagration et télescopage d’informations et questionne nos seuils de perception. L’impression de collage en flux domine dans ce film, alors qu’avec la série de Resurrection, l fait face à une mosaïque de mouvement et de textures produisant par couches de fragment concassé, une topographie de ville, dans Europe Resurrection et une ville : Paris plus précisément dans les trois opus de 2008: Last Night I Had a Dream, About My Mother, But I Could Not See Her Face et Paris Ressurection. Ce dernier se distingue par le traitement des photos, qui syncopé et parfois en surimpression sont trouées, déchirées, en lambeaux laissant apparaître la lumière et permettent ainsi la production d’images composite proche du vitrail. En ce sens l’esthétique déployée se rapproche de celles qui sont développées par Carolyn Avery ou Cécile Fontaine selon des techniques de décollages (liftings) des couches émulsives.

Cette série se singularise par la production d’image composite, images non-inscrites sur le ruban, mais que la pulsation cinématographique rend possible. La série se déploie selon des champs qui vont du personnel et de l’intime dans son usage de bandes de films dont on distingue de un à quatre photogrammes pour le premier opus de la série (Europe Resurrection), quittant progressivement le champ cinématographique pour affirmer par degré une dimension graphique et composite qui font entrer le travail dans un champ plus contemporain et proche d’une esthétique numérique, alors que les moyens utilisés ne le sont pas. Cette interrogation sur les vestiges d’un passé lointain ou proche, Chieh-Jen Chen, la met admirablement en scène dans ses photos et dans ses films : “ Je ne peux m’empêcher de regarder à ces images d’anonymes torturés, exécutés. Il semble qu’on peut voir par-delà ces images, d’autres couches d’images et de mots, latents, non dits. …/… Dans cette compulsion à regarder ces photographies, souvent je me voyais être la victime, ou le bourreau, ou un collaborateur de ces photos. ”11

Depuis quelques années, cet artiste a travaillé à partir de photos de supplices, de massacres ou de torture. Le supplice s’est toujours montré, a toujours été pensé sous forme de spectacle : on se souvient de la description étonnante de Michel Foucault qui ouvre Surveiller et punir.

Une des photos de la série Genealogy of Self est réalisée à partir d’une photo du supplice du Lingchi, prise en 1905 par Georges Dumas. La photo historique, agrandie et transformée, est à l’origine du projet cinématographique de Chen.  

Il recrée, grâce au pinceau numérique, le supplice du Lingchi consistant à découper une victime en petits morceaux tout en évitant qu’elle ne meure trop rapidement. Comment ménager la victime et le spectacle ? À quoi pense la victime alors qu’agonisante, elle subit de nouvelles interventions, quel regard porte t-elle sur nous qui regardons ?  Ces questions sont centrales pour comprendre le travail de la photo et du film. La scène du film a été tournée en 16mm, puis manipulée image par image. Lingchi – Echoes of a Historical Photograph (2002) existe en deux versions: en simple écran ou comme installation en triple écran – forme sous laquelle il a été montré lors d’une Biennale de Taipei (2002). Dans sa forme en installation, la dimension mystique du travail est soulignée par le choix du triptyque.

3. Lingchi 2

Suite de lents travellings latéraux et de plans rapprochés de la victime, le film est pour la plus grande part teintée en sépia. Il montre les instruments et la préparation du supplice, puis son exécution. On est immédiatement saisi par la qualité de l’image, qualité que l’on retrouve dans tous ses films. Les compositions minutieuses, les mouvements fluides et lents d’appareils plongent les scènes filmées dans un temps suspendu, qui permettra de constituer une mémoire d’un évènement, d’un lieu, par le changement de point de vue. Cette composition est comparable à celles dont la religion et l’art ont fait grand cas à savoir la représentation  de corps souffrants ou hystériques. L’image est traitée comme le supplice : on n’est jamais directement confronté à la représentation du supplice, ce n’est ni “ gore ” ni même “ trash ”, et à la différence du Blow Job (1963) d’Andy Warhol, le hors champ n’est pas le moteur de  représentation12. Avec ce film, Chen Chieh-jen (se) demande si l’on peut accéder à ce que pensent le bourreau, la victime lors de l’accomplissement d’un tel rite? Et que dire, des transformations provoqués par le spectacle d’un tel supplice, dans la psyché des spectateurs ?   Seul un léger flou souligne la distance entre l’objet de notre regard – le supplicié – et le sujet qu’est le rite du supplice des huit couteaux. Par cet écart, nous pouvons continuer à voir encore et encore. Parfois, comme dans le Salo de Pasolini, la distance et le sentiment de voyeurisme sont accentués par l’irruption d’un photographe fabriquant un cliché stéréoscopique du supplice et de ses instruments. Il ne s’agit pas de body-art ou même de sa représentation13, tels que les promurent les actionnistes viennois ou les artistes chinois contemporains, mais plutôt d’une re lecture de l’histoire, à travers une reconstitution du supplice de la mort languissante. Tenus à distances, mais parfois nous passons de l’autre côté à l’intérieur du supplice, notre regard occupant la place des plaies. Nous sommes en présence d’une œuvre singulière qui interroge les techniques d’enregistrement d’un châtiment en faisant appel à l’histoire de ses représentations et à ses mésinterprétations culturelles. La souffrance du supplicié est muette, déréalisante elle finit par abolir les sens, d’où l’extrême malaise lorsque se fait entendre la présence ponctuellement un son sourd, transfert d’ondes électromagnétiques de la peau de l’artiste.

Le film interroge notre ambivalence vis-à-vis de la représentation de la violence, de sa mise en scène entre fiction et réalité, autant que les usages que nous en avons, que nous en faisons et ce d’autant que la photo du supplice et le film renvoient à l’économie du colonialisme et de son exploitation de l’exotisme qui évince l’autre confisquant toute parole singulière en dehors des siennes.

On retrouve le silence des exclus, des chômeurs, des déclassés dans d’autres films de Chen Chieh-jen, les ouvrières d’une usine de textiles dans Factory (2003), des étudiants, chômeurs, et sans abris dans Military Court and Prison (2007-08). 

factory À chaque fois, il est question de revenir sur un lieu, de revisiter des usines fermées pour cause de transfert de production vers d’autres pays, ou bien d’immeubles abandonnés, tours ou institutions judiciaires comme le tribunal militaire et sa prison afin d’inscrire une continuité malgré l’arrêt, l’abandon. Le film fait archive, il permet de constituer dans les lieux, la mémoire des outils de productions ou d’exclusions… Le film garde la trace, et permet d’écrire une histoire, de se réapproprier un évènement qui aurait pu avoir lieu; ainsi ce piquet de grève dans The Route (2006)14 des dockers de Kaohsiung, qui en 1997 avaient déchargé un cargo auquel les dockers du monde entier s’étaient refusés jusqu’alors face à la privatisation des docks dans le monde. Alors qu’ Empire ‘s Borders 1 (2008-09) met en jeu la disqualification d personnes désirant se rendre à l’étranger, par exemple aux Etats-Unis, ou à Taiwan. Les services administratifs refusant d’écouter les requêtes des voyageurs, des immigrants. Cette disqualification des personnes est devenue à ce jour l’une des techniques les plus utilisées par les démocraties du monde qui s’arroge le droit de laisser circuler les marchandises, mais pas les humains. Privés de parole et par conséquents de droits, les Chinois mariés à des taïwanais désirant se rendre à Taiwan, se retrouvent dans la même situation.

Tout le travail de Chen se focalise sur la possibilité de renouer avec des histoires, avec une histoire avec son histoire qu’il s’agisse de celle d’une personne autant que d’un pays; la dimension politique est centrale: « Taiwan est devenue une société de consommation avec une grande facilité d’oubli qui a abandonné son droit de se conter et cela m’a incité à m’opposer à cette tendance. Ainsi chaque film que je réalise incarne une modalité de résistance, on doit voir chaque film que j’ai comme un acte de connexion, qui lie l’histoire des gens exclus du discours dominant, les situations de vie réelle de sphères ignorées ou isolés. Je m’oppose, ainsi à l’état d’amnésie dans la société de consommation. » Avec Empire’ Border II, Western Entreprises Inc (2010), Chen Chieh-jen continue son investigation sur les lieux de mémoire et leur effacement. Cependant bien que les architectures et les lieux de travail déliquescents sont voués à s’effacer, les corps conservent encore la trace de l’aliénation. L’espace du travail a marqué les corps qui êtres fantomatiques errent dans les anciens lieux de travail délocalisés ou bien inutilisés, car obsolètes. Dans ce film l’irruption de l’histoire du père en préambule, il fit partie en effet de la NSA (National Salvation Army). Cette unité était une organisation militaire mise en place par la CIA pour combattre la Chine communiste. Ce préambule modifie le rapport que nous avons aux lieux l’immeuble de la Western Entreprises Inc et aux ouvriers, soldats (mais le sont-ils qui hantent cette fabrique désaffectée qui était en fait l’immeuble de couverture de la CIA à Taiwan). L’étirement des plans fait surgir le Stalker d’Andrei Tarkovski, alors que leur plastique s’apparente à celle que travaillait Serguei Loznitsa dans ses documentaires ou films de compilations. La présence d’un son lourd en rotation constante s’interrompt brièvement pour faire entendre quelques échanges laconiques entre différents personnages se souvenant ou essayant de comprendre. Tout participe dans ce film d’une tentative qui vise à écrire, ré écrire une histoire qui a été effacée, évincée. Comment faire face à cette absence, comment un peuple, des hommes peuvent-ils élaborer leur histoire si celle-ci est marquée par ses hiatus, ses trous noirs. Tout le travail de Chin Chieh-jen se polarise sur cette question de la constitution d’une mémoire qui n’existe pas car elle a été délibérément annihilée. C’est ainsi qu’il faudrait alors comprendre l’importance du noir et blanc dans la majeure partie des travaux de Chen. Dans Empire’ Border II, Western Entreprises Inc ont fini par ce demandé si il s’agit vraiment de noir et blanc ; la plastique et le soin apporté au traitement des teintes, confèrent à ses films une dimension picturale indéniable.

La pluralité et la diversité des œuvres retenues remettent en question notre regard autant que notre aptitude à  comprendre des cultures étrangères et dont nous n’avons en tout cas, en ce qui me concerne, qu’une connaissance limitée15. Pour reprendre les termes de son analyse, on pourrait dire que toute la difficulté réside précisément dans le fait que, nous nous attendons à voir ce que nous projetions d’y trouver. Et, si jamais cette attente n’est pas satisfaite, alors, notre jugement peut devenir négatif ; ce qui est dommage dans la mesure où la confrontation avec les cultures est justement ce qui permet d’envisager un dialogue c’est-à-dire ce qui permet de transformer notre regard. Mais dialoguer c’est envisager et confronter les points de vue, multiplier les interprétations.

yann beauvais

1 Yung hao Liu et Pai Zhang Wang ont traduit pour Film Appréciation Journal, le catalogue Le Je filmé (Centre Pompidou, ed scratch sous la direction de yb) n° 82, Taiwan Jui/Aug 96, de même celui sur Audio in Vision Out Mars avril 1999  à cet égard, exemplaire.les numéros  106 Jan Fev  et 107 Mars Avril  sur le super 8, coordonné par Wu Chun Hui en 2001, depuis de nombreux autres numéros ont été consacré où ont abordé le cinéma expérimental de manière plus régulière.

2 Cofondateur avec Pai-Zhang Wang d’Image Movement Cinematheque. Il a réalisé un film expérimental à San Francisco et travaille depuis 2002 sur un documentaire.

3 Sylvie Lin a écrit plusieurs articles sur différents cinéastes, vidéastes dans le cadre de cette revue.

4 Pour une mise en perspective des enjeux de l’animation contemporaine voir Dominique Willoughby : Le cinéma graphique; Editions Textuel, Paris 2009

5 Par exemple Untitled 8 (ejaculate in trajectory), 1989, ou  Semen Blood 3, 1990

6 Dans ce film, plusieurs formats sont utilisés: super 8 et 16mm et Hi-8.

7 Le Monde 19/06/10.

8 Donner un peu de couleur au ciel, in Paysages du contresens, Lee Ming-yu, Commabooks, Taipei 2010

9 Sur les rapports entre mémoire et miroir, voir Lin Chi-ming, “ Mémoire, histoire, généalogie ”, in Asiatica II, Paris / Galerie du Jeu de Paume, 2001.

10 Cinq opus à ce jour.

11 Chieh Jen Chen : About the Form of my Works, http://www.asa.de

12 Roy Grundmann a consacré à ce film de Warhol une étude passionnante, Andy Warhol’s Blow Job, Philadephie, Temple University Press, 2003. Cette étude s’attach principalement à la représentation et au hors-champ.

13 Voir Kurt Kren et Otto Mühl ont filmé de nombreuses performances des actionnistes viennois tout en y participant.

14 Le film prend le pretexte des grèves ayant fait suite au chargement dans le port de Liverpool du Neptune Jade : http://www.iww.org/unions/iu510/jade/

15 Fei Davei à très bien analysé les limites de la compréhension d’œuvres par un regard étranger in Another Long March  in Chinese Conceptual and Installation  Art in the Nineties, Chris Driesen et Heidi Van Mierls, Fundamental Foundation, Breda 1997

Autoportrait dans le cinéma (Fr)

Zeuxis n°14, Paris 2004

Si, comme le revendique de nombreux cinéastes, le cinéma expérimental est avant tout un cinéma à la première personne, un cinéma qui exprime et affirme une subjectivité, dresse le portrait d’une individualité à travers ses visions, alors on peut comprendre l’intérêt qu’ont porté les cinéastes pour l’autoportrait et qu’il soit une forme caractéristique dans le cinéma expérimental.

Il faudrait différencier l’autoportrait dans le cinéma expérimental du projet du journal filmé. Ces portraits filmés, autoportraits sont parties prenantes du projet autobiographique pour quelques cinéastes dont le propos cinématographique s’inscrit dans la perspective d’un récit filmé à la première personne.

La dimension temporelle inhérente au support cinématographique, entraîne nécessairement des altérations vis-à-vis de l’autoportrait qui, en peinture, en photographie restitue un moment donné quand bien même celui-ci soit le résultat d’une synthèse en proposant la condensation de plusieurs moments distincts ou attitudes.

L’autoportrait cinématographique ne se contente pas du seul plan fixe, il excède l’arrêt sur image. De son côté, la photographie peut s’envisager comme prélèvement, ou plus exactement comme ce moment de restitution d’un arrêt sur image d’un film dont on n’aurait pas trouvé toutes les images. On peut envisager alors l’autoportrait au cinéma comme la fusion possible de ces images virtuelles.

Plusieurs stratégies sont à l’œuvre des lors qu’il s’agit de (se) tirer le portrait. L’une consiste à mimer la prise photographique en demandant au sujet de se tenir face à la caméra pendant un temps donné (qui peut être la durée de la bobine 16mm ou super8). Le sujet est alors libre de ses mimiques autant que de ses postures, il peut décider de se mettre en scène dans ce cadre et s’incarne pendant la durée de la prise à la manière des personnes filmées par Andy Warhol pensaient contrôler leurs images dans les Screen Tests, ou dans les cinématons de Gérard Courant, alors que Gregory Markopoulos ne laissait pas autant de latitude aux personnes qu’il filmait dans les différentes séries de portraits qu’il s’agissent de Galaxie (1966) ou de Political Portraits (1969).

Dans l’autoportrait, la question du visage est prédominante. Comment aller par-delà du stade du miroir ? comment se perdre dans un visage ? La production du portrait permet de scruter les transformations du visage, peut-on parler de vieillissement (?), autant que la manifestation d’une expression. Le recours à l’extrême accéléré qui fige l’expression d’un sourire dans un continuum qui évacue le différent comme c’est le cas dans certains fluxfilm tel que Disapperaing Music for Face (1966 de Mieko Shiom). Il en est de même de Two Virgins (1968) de John Lennon et Yoko Ono. Ces films semblent abolir l’action au profit d’un présent et qui par son s’étirement, s’altère, à force de différer il induit le différent. Chez Andy Warhol, le différé est obtenu par la projection à 16 images seconde, qui transforme les paysvisages des protagonistes de Haircut, Eat, Blow-job. Ce ralentissement de la cadence confère au noir et blanc un aspect argenté, quasiment un velouté de l’image. On peut recourir à des artifices photographiques afin de gommer, effacer tout ou partie du visage, le recours à un éclairage très contrasté souligne la difficulté, le mal d’être, dont on a un exemple parlant dans Aus der ferne Memo Book (1989)de Matthias Mueller.

Le visage comme paysage, un véritable champ de bataille, est particulièrement bien illustré chez Olivier Fouchard qui dans ses différents Autoportraits, travaille les textures, le grain de l’émulsion en fonction de diverses manipulations photo chimiques. Les yeux aspirent, oxident les couleurs, deviennent des trous noirs. La variation ici n’est pas obtenue par un dispositif qui transforme lors du tournage le portrait comme c’est le cas chez Christian Lebrat (Autoportrait au dispositif 1981), Unglee (Forget Me Not 1979)et d’une autre manière chez Dominique Willoughby dans Bal (1981). Ces deux derniers cinéastes travaillant image par image en procédant par accumulation, comme le faisait à sa manière George Griffin des 1975 avec Head.

Faire son autoportrait ne signifie pas pour autant se filmer. Hollis Frampton en fait magistralement la preuve dans Nostalgia (1971). Un portrait réalisé à partir de photographies qu’il commente soi disant, alors que c’est la voix de Michael Snow que l’on entend sur la bande son, tandis que sont décrites les photos. Cette voix qui n’appartient pas à ce qu’elle dit, permet d’éviter l’épanchement du journal, de la confession, elle confère une altérité, elle est la voix de l’ego fictif, en l’occurrence celle d’Hollis Frampton. On retrouve des stratégies proches chez Su Friedrich dans Sink or Swimm (1990) et Michael Wallin dans Decodings (1988). C’est la fiction du sujet, le façonnage d’un individu selon son genre, sa classe qui sont analysées dans ces deux films.

Aujourd’hui, l’autoportrait déploie allègrement l’épanchement narcissique se répand d’autant plus facilement que les lieux pour accueillir les images en mouvement sous la forme d’installation se sont multipliés. La parole intime prend le pouvoir et occupe l’espace d’exposition, en fait son lieu de fiction ; pas un espace d’exposition sans projection, ou sans moniteur.

La production d’autoportrait dans le cinéma et la vidéo est aujourd’hui plus importante. Elle semble dominante au Japon, ou à l’instar de Horoyuki Oki et Yuri Obitani, nombreux sont les cinéastes qui travaillent à la lisière de l’autoportrait et du journal filmé. En cela ces cinéastes partagent ce goût du jour pour les autofictions à la manière de ce qui se fait en littérature (Christine Angot, Banana Yoshimoto) et dans les arts plastiques (Valérie Mrejen, Nelson Hendricks…)

Auparavant, dans les années 70, les portraits étaient plus souvent le travail du double portraits tels ceux de Maria Klonaris et Katherina Thomadaki, ou ceux du group Métro Barbes Rochechouart ou encore ceux de Yoko Ono et John Lennon.

L’intérêt pour les récits du quotidien, le travail sur la représentation de soi en fonction des critères de modes a envahi progressivement le film et la vidéo à la faveur du super 8 dans un premier temps et des mini dv. L’épanchement narcissique que manifeste l’outil vidéo s’est décuplé grâce à sa plus grande accessibilité. Il n’est plus question dans ces travaux d’une présentation dé subjectivé comme elle peut l’être dans certaines œuvres minimalistes. Ce n’est pas tant le sujet que l’action réalisée ou les processus déployés qui importent comme c’est le cas dans quelques vidéos de Vito Acconci, films de Dan Graham ou Valie Export.

Cette manifestation de soi selon de petites fictions du quotidien se déploie dans la plupart des premières vidéos de Sadie Benning, comme It was not Love (1995), transforme l’espace de son quotidien comme celui de la fiction se retrouve chez Helena Villovitch dans Je tricote (1997), et d’une manière plus performative Anja Czioska dans One Pussy Show (1998),lorsqu’elle se filme mettant tous ses vêtement.

Le sujet est ici donné, tout ce qu’il fait peut devenir l’objet d’un film. Les activités quotidiennes : s’éveiller (Pierrick Sorin), se laver (Anja Czioska), baiser (Frédéric Charpentier, Kerstin Cmelka), dormir (Sophie Calle)… sont les sujets des films. Parce que ces actes sont répétés, parce qu’ils sont quotidiens, ils sont enregistrés. La répétition entraîne la performance, et par la même l’enregistrement. Le super 8 a joué un rôle essentiel dans ces filmages car à la maniabilité de l’outil, il privilégie un parti pris anesthétique, dans la mesure ou ce format est considéré comme celui de l’amateur, anticipant par la même le foisonnement de la production impliquée par l’usage des mini dv.

yann beauvais

mostrar o que não se vê — Su Friedrich & o cinema (Pt)

Publicado em Francês em Gruppen n°6 Hiver 2013 Mont de Marsan

À sombra tutelar dos cineastas americanos, trabalhou na área do “documentário subjetivo”; Wharol, Mekas, ou seja artistas que documentaram micro-mundos, ambientes nos quais eles se identificavam, o cinema de Su Friedrich se desenvolveu privilegiando a fala, a escrita de um “eu”, se distanciando da celebração apenas em benefício de um posicionamento em relação ao mundo. Segundo Catherine Russel, mesmo se Warhol transforma seus amigos-atores em produtos, enquanto Mekas torna seus amigos cineastas em poetas de um novo mundo; aquilo que os motivava não era documentar os mundos, mas renovar as formas das representações cinematográficas, colocando em primeiro plano a experimentação formal e a expressão pessoal.
Essas duas abordagens serão criticadas pelos cineastas que se afirmaram nos anos oitenta, entre os quais Trinh-Minh-há, Peggy Ahwesh, Su Friedrich, Abigail Child, Leslie Thornton, Pratibha Parmar, Isaac Julien, Marlon Riggs, Richard Fung, são as figuras mais importantes.

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A primeira vez que eu assisti um filme de Su Friedrich, em Londres, foi Gently Down the Stream de 1981. Esse filme curto me surpreendeu, ele parecia muito distante de tudo que então acontecia na França. Ele associava diferentes técnicas e conteúdos, usados com pouca frequência (poucos usitados) no cinema experimental da época, apesar do fato do cinema do corpo ser um cinema subjetivo, o filme focava mais na performance que na intimidade. Gently Down the Streamcoloca a dimensão pessoal como prática política que torna do sonho um instrumento de análise de si mesmo e do social. A política dos corpos e dos gêneros, assim se manifestava através de uma série de sonhos gravada sobre a emulsão. Trata-se de uma seleção do seu diário de sonho. As imagens, acompanhando esses sonhos, não necessariamente ilustravam o conteúdo do sonho, a relação era menos sutil, menos tênue. Como escreve a cineasta, em um livro de artista que ela dedica a esse filme: “Quando a gente assiste ao filme, se leem os treze sonhos”. Os textos espalhados ritmam o filme, dando-lhe um aspecto tátil; eles ritmam e dão forma à imagem composta do filme, palavra por palavra, letra por letra, assinando, legendando, taxando as imagens fotográficas cujo elemento dominante é a água, imagem em movimento constituindo o segundo elemento da proposta. Os sonhos expõem os conflitos pessoais entre a política e a sociedade, frente à sexualidade, religião e feminismo. Esses temas são trabalhados ao longo da obra da cineasta.

Quando Su Friedrich se lança, embarca, no cinema experimental, este está amplamente dominado pela produção masculina. Ela constitui o corpus majoritário do panteão da Antologia Film Archive nomeado The Essential Cinema, apesar da importância das obras de artistas norte americanas como as de Maya Deren, Shirley Clarke, Marie Menken, Chick Strand, Joyce Wieland ou Carolee Schneemann. Os efeitos de questionamento da dominação masculina no cinema experimental e o vídeo demoraram a se atualizar no campo institucional – durante os estudos feministas, depois do artigo de Laura Mulvey Visual Pleasures and Narrative cinema – desenvolvendo-se a partir de meados de 1975. Para Laura Mulvey, um cinema feminista só podia ser um cinema de vanguarda opusendo-se ao cinema hollywoodiano, devendo “libertar o olhar da câmera, na sua materialidade temporal e espacial, e o do público no seu distanciamento apaixonado e dialético.” Essa libertação do olhar foi realizada por várias cineastas tanto na Europa quanto nos Estados Unidos, desde o final dos anos setenta, e de maneira mais forte nos anos oitenta com a emergência de uma nova geração que, como Su Friedrich, redefiniram as práticas do vídeo e do cinema, sem se impedir de trabalhar narrativa e prazer visual, como acontece em Damned If You Don´t (1987) provando literalmente o pressuposto quanto às boas e más freiras de Black Narcissus (1947), de Powel e Pressburger.

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Para essas mulheres cineastas, as questões da diferença, da alteridade, do gênero e da raça são essenciais para que dessem forma, querendo ou não, tanto às nossas representações, quanto as dos outros. A inquietação, a instabilidade, que essas questões trazem à tona, aparecem nas montagens estouradas, fragmentadas, em Abigail Child, mas também nos estratos narrativos polifônicos de Yvonne Rainer, ou ainda, entrelaçando a ficção à realidade, num jogo que Su Friedrich coloca na maioria dos seus filmes. O reconhecimento da especificidade da sexualidade lésbica é importante para a cineasta, na medida em que ela foi, no cinema, no mínimo marginalizada ou sempre colocada como perversa. É com o movimento feminista e os movimentos gay e lésbico, que surgem representações positivas de lésbicas nos filmes de Jan Oxenberg e Barbara Hammer, nos anos setenta.

Como construir filmes a partir de sua experiência pessoal sem se deixar levar à complacência do narcisismo, é basicamente a questão que resolve a cineasta. Cada filme é elaborado a partir de um evento, de um questionamento, de um conflito. A resolução do conflito não é o objeto cinematográfico, a questão não é fazer uma terapia através do filme, mas sim usar o conflito como pretexto para colocar em andamento os processos criativos que, expondo o conflito, o ultrapassam, a fim de colocar em comum uma experiência. É no compartilhar dessa experiência, e portanto no distanciamento da cineasta em relação á “sua” história, que o filme se enraíza, a obra em si. A dificuldade está na faculdade de estabelecer a distância certa entre o afetivo e a efusão. Se as histórias que nós temos para contar estão próximas demais umas das outras, então não arriscamos sobrecarregá-las afetivamente, sem conseguir cortar o excesso de proximidade. A questão não é de se livrar do íntimo, mas achar os meios de falar de uma experiência singular sem se amarrar, ancorar, definitivamente a um sujeito. O trabalho do filme consiste na produção de um sujeito flutuando (objeto do filme), que é compartilhável, embora o que seja dito seja perturbador. O problema não está na perturbação, mas no fato que ela não esconde o projeto. Para isso, a cineasta desenvolve estratégias a fim de articular os aspectos formais ao pessoal, no curto texto publicado em 2003, reconhecendo a importância da percepção dos outros na elaboração dos projetos: “Esse grupo generoso de amigos flutuantes, que coletivamente passou centenas de horas ao longo dos anos, lendo textos e assistindo a projeções nas salas de montagem, me dizendo o que eles escutavam e viam.”

Em Sink or Swim (1990), o recurso a um alfabeto invertido impõe o número de partes do filme, vinte e seis histórias, seguidas de uma coda. Essas histórias contadas pela voz de uma menina se acoplam sobre imagens de fontes diversas. A relação entre esse texto (ouvido) e as imagens é flutuante, como se nós estivéssemos na presença de dois estados de um sujeito, que às vezes convergem, divergem, ou se casam brevemente, criando movimentos e velocidades de consciência distintas durante a percepção. O filme se propõe a tornar visível, e audível, simultaneamente, a voz da menina; a experiência da criança, como também tornar visível a ausência do pai. É pelo intermédio da voz que esses dois invisíveis se tornam acessíveis. O ponto de convergência das duas pistas, se realiza quando a cineasta datilografa uma carta ao pai que ela gostaria de ter lhe enviado. Convergência dos tempos pela produção de uma escrita em ação. Não é mais a lembrança, mas a produção em si de uma mancha, de um processo análogo a este que consiste em fazer um filme. Tornar visível, dar a ouvir são invariáveis dentro do movimento feminista que tentou, entre outras coisas, afirmar a existência de um gênero tomando posse e produzindo suas próprias representações. Porém, como o diz a cineasta: “Eu não quero amenizar o que as feministas fizeram, mas a maior parte do discurso da época se concentrava nas mães, nas filhas e nas mulheres em relação aos homens. Se falava dos homens, mas não de maneira direta. Ele sempre era invisível. Isso, é o outro aspeto da invisibilidade, tem, de um lado, os oprimidos que se sentem invisíveis, e do outro lado, o opressor cujo papel é invisível. Eles estão presentes, quero dizer os pais estão presentes, os líderes políticos tem uma presença pública, mas o que eles realmente são não é visível. O que se vê, é o papel público deles, o que eles são de verdade não é visto. Uma das razões de fazer Sink or Swim é de dizer que eu quero tornar visível esse pai pelo que ele realmente é.” A incorporação de trechos de programas de TV americana (Father Knows Best) apresentando uma célula familiar típica revela de maneira caricatural os clichês que as mídias de massa carregavam nos anos cinquenta.

SOSQuando se pensa emSink or Swim e no dispositivo que ele desdobra, a gente fica surpreso pela diferença existente na exposição e a articulação do pessoal e sua divulgação pública, comparado ao cinema pessoal, até então em voga. De fato, a questão não é para a artista criar um mito através de diversas reminiscências poéticas, ainda menos constituir uma lenda, também não se inscreve na produção de um discurso, chamando ou convocando a História das ideias e do mundo. À diferença de Hollis Frampton, a qual se faz frequente referência, e sobretudo o filme Zorns Lemma, quando se fala de Sink or Swim, a cineasta não participa dessa produção modernista, que é a grande narrativa e em particular da narrativa especulativa. De maneira mais simples, ela conta histórias, não uma história, ela convoca uma dimensão afetiva sem com isso esquecer da dimensão coletiva. O filme não se inscreve num universalismo do conhecimento, mas divide a partir da narrativa de uma experiência, um território comum, ele se inscreve assim numa fenomenologia da percepção em ação e nesse sentido se distancia consideravelmente das “grandes questões”.
Se Sink or Swim trabalha a figura do pai, entre outras coisas, The Ties That Bind (1984), questiona a história do relacionamento da cineasta com a sua mãe, perguntando para esta sobre seu passado na Alemanha, sobre o que ela fez durante a Segunda Guerra Mundial, sobre o seu deslocamento, sua mudança, ao acabar da guerra, por causa do seu casamento com um americano que a deixa em 1965, com três filhos, inclusive a cineasta. As perguntas ou comentários da cineasta são riscados na emulsão preta, enquanto se ouve e se vê o rosto da mãe dela, ou tomando banho num lago, mas as imagens desta nunca são sincronizadas com a voz. Esse empreendimento se cristaliza em volta da permanência do antissemitismo, e da oposição à guerra. A troca entre a mãe e a filha está ritmada por imagens do arquivo da Alemanha Hitleriana, por plantas contemporâneas da casa da infância da mãe, do campo de Dachau, e também por vários planos mostrando a atualidade da luta pacifista, contra as veleidades guerreiras de Reagan e de suas fantasias de guerra nas estrelas. O filme cria uma ligação entre as gerações através da permanência das lutas e oposição à guerra, à ocupação. A história da ocupação da casa familiar pelas forças armadas americanas e a devastação que ocorrem, em ressonância às violações e comportamentos das mesmas forças armadas de ocupação, no Iraque ou no Afeganistão. Os comportamentos são muito parecidos e produzem um ódio comum, em qualquer lugar ou época que for. Porém, como o filme explica bem, não se pode colocar no mesmo plano a luta do grupo White Rose, de resistentes alemães que pagaram com a vida a militância, e a das manifestantes americanas contra um pequeno grupo pró-nazista americano.
A cineasta se pergunta por que a sua mãe não fez nada para se opor diretamente ao nazismo, fora a recusa de se submeter ao regime, essa pergunta antecipa a que Barbara Strenberg faz no seu filme Beating (1995), em relação ao nazismo. Nas duas cineastas, o questionamento leva ao se perguntar o que é que elas mesmas teriam feito naquelas circunstâncias.

HS Close Up Three Kids Wire 5x3FCL MAIN-waist viewSe nos primeiros filmes, a escrita na película era um elemento essencial à manifestação da cineasta, em Hide and Seek (1996) agora só tem uma, importantíssima, pois ela está associada ao querer a constatação, marcando de maneira simultânea o desejo e o proibido, a lei a seu enunciado: “eu nunca me casarei”. A declamação inscreve a recusa da aceitação do casamento para os gays e lésbicas. Hide and Seek evoca as tormentas de uma adolescente frente à descoberta de seus desejos, essa ficção é entrelaçada a uma série de entrevistas de lésbicas que contam sobre suas adolescências e a descoberta de suas diferenças. Esse filme retoma a constatação que First Come Love (1991) tinha posto em evidência em relação ao casamento, que opunha planos de saída de recém-casados de igrejas e nomes dos países, proibindo o casamento de pessoas do mesmo sexo. Em 1991, apenas a Dinamarca tinha legalizado as uniões para casais do mesmo sexo. A fala da cineasta torna-se uma fala comum, ou mais especificamente, a de uma comunidade, que a partir de uma singularidade enuncia o coletivo. Esse deslocamento já tinha sido operado comThe Lesbians Advengers Eat Fire, Too (1993), no qual a cineasta aparece falando da mesma maneira que outras mulheres da sua experiência e da militância lésbica, como difundida em 1991/92, pelo Lesbians Advengers. EmHide and Seek, ela faz o papel de uma professora que interrompe a conversa entre duas meninas durante a projeção de um filme de educação sexual. Nota-se que o filme trabalha dois registros: o da ficção e o do documentário, os unindo através da produção de uma experiência compartilhada, a da invisibilidade, do afastar do diferente. A cineasta dá a ouvir e ver, mais uma vez, o que a célula familiar e a sociedade não quer ouvir, nem ver, e isso do ponto de vista de uma menina. A questão não é de contar a história pessoal como emSink or Swim, mas de compartilhar uma experiência coletiva, embora específica para cada uma. A superação do sujeito (da sua única experiência) numa narrativa inventada, cria uma distância suficiente para que a experiência se transforme, permitindo a elaboração de um coletivo, a partir do qual lutas individuais e coletivas possam ser pensadas, ditas e efetuadas. É articulando as duas esferas, o público e o privado, fazendo de um o momento do outro, que a cineasta volta ao particular em direção ao coletivo, e estabelece ligações entre as diferentes manifestações de resistência e de afirmação feministas, e com o movimento para o reconhecimento dos direitos das lésbicas e dos gays. A escolha da manifestação de si não se expressa para todas as lutas, mas se torna exemplo dessas lutas, nesse sentido a superação de si se faz dentro da sua dissolução, através da polifonia dos testemunhos, para a constituição de um sensível compartilhado, dessa maneira, a experiência do outro pode se dar a ouvir ou se misturar à da cineasta; lembre-se que em Sink or Swim a autobiografia domina, mas ao mesmo tempo coexiste a cineasta perfeita dos retratos das famílias americanas e das suas disfunções nos anos cinquenta e sessenta. Que seja a biografia da cineasta em Sink or Swim, ou a adolescência das meninas em Hide and Seek, ou mesmo na experiência da doença emOdds of Recoveries (2002). “Enquanto minha história elabora o filme, ela é menos importante que a experiência do espetador, que está livre para lembrar-se das suas próprias histórias, condenar, dialogar, ou se identificar com minha experiência.” No seu último filme, Seeing Red (2006), encontra-se de novo essa maneira de compartilhar uma experiência pessoal a um público maior que ultrapasse o ambiente íntimo.

O trabalho cinematográfico de Su Friedrich é anterior ao reality show e não participa da compulsão narcísica que a internet e os blogues acentuaram através da apropriação dos meios de televigilância, aplicados a si como se via, e podia se pressentir em No Sex Last Night(1995) de Sophie Calle e Gregory Shepard, e sobretudo nos milhares de vídeos pessoais colocados na internet a cada dia no You tube e Daily Motion. Porém, o trabalho compartilha com essas práticas o fato de privilegiar um cinema na primeira pessoa, um cinema trabalhado a partir das crises, dos nós emocionais que a cineasta enfrenta. Não se pode falar em um cinema da reificação, nós não estamos em f rente a uma busca desesperada pelo reconhecimento de si no mundo, como realiza Anne Charlotte Robertson, nós estamos mais perto do que se chama, na literatura, de autoficção. Segundo Sérgio Doubrovky, que criou a noção “autoficção é uma narrativa cujas características correspondem às da autobiografia, mas que proclama sua identidade com o romance admitindo integrar fatos da realidade com elementos fictícios, que seja na edição clássica ou na internet.” Com o advento, a chegada, do personal cinema(o cinema na primeira pessoa), pode-se dizer que a autoficção se tornou um gênero próprio, que torna possível a transcendência do diário filmado para o benefício do ensaio e isso a partir de dados biográficos mais sutis, mas trabalhados segundo modalidades que não necessariamente respeitam a linearidade esperada pela narrativa biográfica. A livre associação pode então se tornar o motor da ficção (existe uma palavra em inglês que mistura ficção aos fatos : faction). Vários filmes de tevê (biopic), narrativas que trabalham esse registro, põem em imagem a vida de um personagem público qualquer. A cineasta não se inscreve nesse universo da biopic, quando ela se aventura de maneira mais explícita, se colocando diretamente em cena, como ela fez em The Odds of RecoveryODDS Su Doctors Office Hand 4.8x3 e emSeeing Red, para manter uma continuidade que participe do diário filmado. Diário dos problemas de saúde ou diário de uma convalescência, de volta a ela mesma a partir de um olhar crítico sobre suas (nossas) atividades domésticas; por exemplo, cozinhar. As reflexões ou críticas auto endereçadas de Su Friedrich, nos leva a pensar em nossas próprias vidas e raramente é confortável, porque nós estamos entre a surpresa e o mal-estar de assistir a tais enunciados de um(a) outro(a) que refletem as nossas próprias experiências. Assim que a cineasta o nota: “Eu acho o diário filmado enquanto gênero, muito constrangedor e problemático; mais enquanto eu fazia esse vídeo; eu descobri que os problemas eram mais interessantes que frustrantes, e que eu queria e estava pronta para me constranger sem fim, então me senti obrigada a continuar a filmar, e depois a mostrar no intuito de aprender alguma coisa em relação ao tema desse gênero confuso e perturbador (turvo e turvador).” É nessa confusão, essa ambivalência na posição da autora ao mesmo tempo sujeito e objeto, mostrado e escondido simultaneamente que reside a força do diário, tal como realizado pela cineasta.

As formas cinematográficas que  a artista desenvolve, compartilham com os escritores da autoficção a habilidade ao despertar o interesse, a confusão, a rejeição e adesão simultaneamente, como o fazem vários cineastas que expuseram as crises e problemas existenciais. Porém, no final dos anos oitenta, os filmes que falam de doença e da AIDS transformam a busca e a exposição de si e dos outros. Matthias Muller, em Aus Der Ferne, realiza um filme pessoal, o diário de um luto e  a redescoberta de si, ele se coloca em cena, mas não fala, sua imagem basta, as tormentas se leem nas texturas, ele testemunha,  faz, a partir da morte de um amigo, um filme sobre sua recuperação. Ele não tem um diário da doença, como fez Hervé Guibert e vários outros. Ele mantem a distância. Su Friedrich decide se confrontar a se mantendo a distância. Com Odds of Recoveries e Seeing Red, a cineasta fala diretamente e se expõe em primeiro plano, enquanto nunca se vê o rosto dela no segundo, mas a gente ouve ela reclamar, questionar, provocar (invectivar). Essa recusa de se mostrar exibe o momento da ficção, favorece as digressões visuais. A voz deixa progressivamente o lugar para música das imagens, tanto quanto as dos sons em Seeing Red, onde Glenn Gould com o papel de Bach, apenas destaca a dimensão obsessiva do mal estar. Embora em First Comes Love, a cineasta acompanhava as diferentes cerimonias nupciais, de músicas populares de rythm and blues, nos cercando em um ambiente de bem estar. A sua presença não se encarna num rosto, mas em sua voz. E é esta voz ,e não a expressão do seu rosto, que nos informa do poder afetivo dos enunciados. Esse desvio inscreve o ponto de separação que nos leva do diário filmado à autoficção.

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Para mais informação sobre a artista: http://www.sufriedrich.com/

Tradução: B³ / Claire Laribe

«It’s all the same you, you’re queer anyhow!» Os Filmes de Mark Morrisroe (Pt)

publicado em francês em Gruppen n°4, Hiver 2012, Mont de Marsan

e dado como palestra no cclo o tempo das imagens # 5, B3, Recife

Minha vida Infância + Judy Garland Escola + impopularidade Vizinhança prejudicial Mudança traumatizante Puberdade + revista de putaria Sair de casa Prostituição + celebridade Levado um tiro Trauma do lar Libertação pela escola de arte Garçom Maturidade Prostituição provocadora E promiscuidade Amor É tão bom Sucesso França Trabalho na restauração Drogas + depressão Nova Iorque Mais depressão AIDS Alguém se incomodaria se eu me travestisse?[1]

O trabalho fotográfico de Mark Morrisroe, exemplar em mais de um aspecto, divide com seus contemporâneos dos anos 80 uma dimensão poética particular, através das marcas coloridas das anotações esboçadas nas margens das fotografias, que lembram os graffiti murais, bem como as palavras pintadas de Jean-Michel Basquiat, Futura 2000, sem chegar em Cy Twombly, se bem que… Essas inscrições desajeitadas afirmam uma subjetividade, assim como elas se colocam ao oposto da imagem civilizada da fotografia. São comentários que me lembram a presença da voz nos diários filmados de Jonas Merkas ou à irrupção da caixa de papelão interrompendo o fluxo de uma sequência, apontando outros universos, outros tempos.

Na riqueza dos tratamentos da imagem em Mark Morrisroe, acha-se uma proximidade com a atitude adotada por vários cineastas experimentais, que se opuseram e defenderam uma estética da matéria, trabalhando, triturando os diferentes estratos do suporte argêntico; suporte cujo futuro iminente era pensado como ultrapassado, obsoleto. O recurso a esse “materialismo” se generalizou no início dos anos 80 na Europa e nos Estados Unidos, principalmente em Boston, em torno das figuras de Saul Levine e Carolyne Avery. Essas marcas manifestam uma apropriação suplementar, elas inscrevem-se, sobretudo no campo da fotografia; uma revisão do uso da fotografia que, se distanciando do seu aspecto puramente mecânico, reafirma através de tais rastros uma dimensão artesanal, manual da fotografia, e reivindica por ela mesma, seu aspecto pictorialista[2], fazendo-a cair no campo do desenho. Uma dimensão que se inscreve em conflito, com o tornar-se máquina celebrado por Warhol alguns anos mais cedo. Essa grafia é tão mais pertinente na medida em que ela estratifica o âmbito pessoal das fotografias de Mark Morrisroe, fornecendo outras temporalidades e se abrindo a outros espaços afetivos. Mark Morrisroe desenvolve, como os outros membros da escola de Boston, uma perspectiva autobiográfica em suas fotos como nunca foi feito até então. A fotografia como arte menor (aquela que não tem realmente o estatuto de arte), quer dizer a do nosso cotidiano, torna-se o tema predileto de cada membro da escola de Boston. Não é tanto o entorno de relações que é retratado, mas a manifestação de um narcisismo no autorretrato que, para Mark Morrisroe, torna-se um gênero em si. Em suas fotos, ele convoca histórias (íntimas) das quais nós somos testemunhas, mais ou menos implicadas, mas ele faz isso ridicularizando simultaneamente as épocas antigas da fotografia, que ele altera tanto pelos temas que pelos tratamentos deles… Como o nota inteligentemente Norman Bryson, Mark Morrisroe em algumas fotos, convoca vários estratos da história da representação de Courbet a Paul Morissey[3]. Acontece o mesmo com os filmes Super 8, que retomam um amplo corpus do cinema underground, mas que não se reduzem a isso, nem o repetem, pois esses filmes participam da estética punk do momento, cujas palavras “no future” eram o lema (e não somente musical): movimento criado na Europa e na América do Norte a partir do final dos anos 70 e início dos anos 80. Lembremo-nos que os três filmes de Mark Morrisroe foram filmados entre 82 e 84 , mas nunca foram realmente incorporados no espaço do cinema experimental da época, nem ulteriormente (anteriormente)[4]. Eles sempre foram à margem do cinema experimental, embora esses três filmes tenham em comum com o Cinema of Transgression e o No Wave Cinema [5] dos anos 80 a mesma dinâmica da provocação, mas sempre incluso durante suas exibições pessoais. A produção desses filmes testemunha uma similaridade de gestos tanto no uso do formato super 8, como nos conteúdos, pois eles retratam um mundo marginal, o da prostituição, do travestismo, da confusão dos gêneros e das drogas e prolongam assim, renovando a iconografia gay dos anos 60 e 70. Ligações existem entre os mundos de Mark Morrisroe e os de Andy Warhol e Paul Morissey[6].  Da mesma maneira, o uso do trash, do cheap, estéticas apreciadas por Jack Smith e os irmãos Kuchar, e que se encontram implementadas nos primeiros filmes de John Waters, são centrais no universo de Morrisroe e isso não apenas no campo artístico, acredita-se em diferentes testemunhos[7]. Os filmes e as fotos de Mark Morrisroe são o eco de uma vida, através da captura de instantâneos retrabalhados, anotados. Eles são as marcas tangíveis das performances na vida de um personagem que se molda através dos diferentes papéis desempenhados, que sejam grotescos, burlescos ou patéticos. Os papéis, as fotos e os filmes permitem mexer diferentes personagens, eles são a escrita efêmera de um personagem que se cria e recria, recorrendo a ficções múltiplas para as necessidades da causa. É assim que se entende o recurso das fotos de filmes. Não são as fotos de localizações, ou de filmagens, mas de fotos de sets de filmagem, assistidas a partir de fotoprograma do super 8, assinado duplamente por Mark Morrisroe.    Ver a ilustração: Hello from Bertha (1983); para Nymph-O-Maniac (1983),Nymph-o maniac a foto do set está legendada como produção do Spectacular Studios!, datada de 1984. Em algumas fotos, Mark Morrisroe dá um título ao polaróide, mas acrescenta entre parêntesis indicação tal: Ode à Diane Arbus. Todas as marcas parecem criar uma distância, aparentemente, elas traduzem uma apropriação suplementar, a marca de uma subjetividade que se manifesta na produção de um universo fantasmagórico pessoal, a partir da retirada do real, pelo menos (tecnicamente) assistido, quer dizer manipulado. É preciso entender essa manipulação ao pé da letra. A manipulação se exerce duplamente, uma vez no nível do conteúdo, que se trate de retratos ou autorretratos, ou que ela se revele nas formas e técnicas usadas. Enquanto à fotografia, as marcas esboçadas funcionam como mais-valia, elas são os rastros de uma troca epistolar potencial, elas parecem dirigir-se a um destinatário particular (The Boy Next Door, Summer 1983, p 193). Do lado delas, as impressões digitais[8], os arranhões, dobras e manchas insistem sobre o caráter artesanal da produção das fotos, as quais são criadas integralmente por um corpo: o de Mark Morrisroe. (In the Garden of the Water Babies 1983, p 245).  Estes rastros bem particulares se veem em vários cineastas que, nos anos 80, decidem controlar todas as etapas e fabricação dos seus filmes, isso quer dizer que eles revelam os filmes eles mesmos, sem recorrer aos laboratórios. Dentre eles, pode-se citar Carolyne Avery, Phil Solomon, Mathias Müller, Jurden Reble. A produção, autonomizando-se, se desenvolve segundo uma estética mais crua, em relação com a cena Punk e Gótica, privilegiando a projeção nos espaços alternativos: clubes, bares. Esses rastros parasitas não são a  marca de um know-how, eles respondem a outros critérios que incorporam diferencialmente as modas de produção da imagem. Ela parece confiscar o materialismo dos cineastas estruturais[9], a matéria filme se expande contra um modo de representação burguês, que se acompanha de um conjunto de regras de produção e de apresentação da obra. À imagem lisa e civilizada do cinema narrativo industrial, os cineastas estruturalistas materialistas opõem a brutalidade de suas apropriações e desvios, que colocam em primeiro plano a materialidade do suporte em si, sem concessão nem reinvindicação pessoal. A questão é resistir a um modo dominante, enquanto os cineastas dos anos 80, que se apropriam dessa materialidade, o fazem numa ótica diferente, pois eles se empregam na irrigação subjetiva, nessa matéria fotográfica e cinematográfica. Estamos na presença de uma reterritorialização da matéria cinematográfica, que é reinvestida e se opõe à representação dominante própria, insípida, sem pathos, asseptizada, normatizada.

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A anormalidade, o diferente não são reinvindicados, mas explorados, e se dão como alternativas às produções anteriores que desenvolviam seus processos sobre a forma de resistência a uma ideologia da representação. Aqui a matéria é sobrecarregada, mostrada em todo seu esplendor, em todos os seus estados. O filme, as fotos, se estragam nas texturas, nas espessuras dos estratos argênticos constituindo a emulsão colorida. Os sujeitos se dissolvem na matéria, eles formam corpo com a matéria. O filme, a foto estão em gestação, temas por vir. Não é por acaso que nessa época, o corpo, o sexo e o gênero se impõem como temas dominantes no cinema e no vídeo; eles se inscrevem  num movimento que manifesta o seu interesse pelo pessoal, o íntimo, o singular, no qual a marca de um tema é predominante[10]. Essas marcas se inscrevem  no tratamento da matéria fotográfica que, no caso de Mark Morrisroe, privilegia a utilização de procedimentos específicos durante a revelação das fotos (sanduiche de um negativo preto e branco a um positivo colorido a fim de produzir uma revelação punica) ou manipulando o polaróide durante a sua revelação. Em todos os casos, o tratamento assinala um corpo engajado no moldar da imagem. O corpo de Mark Morrisroe se torna o seu tema predileto. A manifestação desse interesse ultrapassa a contemplação narcísica no sentido que o corpo é encenado de várias maneiras provocadoras, às vezes incomodantes.  Esse corpo de moço  também é o corpo de um jovem prostituto, que se chafurda no mundo da arte. Mark Morrisroe, como David Wojnarowicz, não penduraram no cabide da arte as suas atividades de antigos prostitutos, eles fazem disso o tema de fotos, filmes, textos. (Ver Sweet 16, Little Me as a Child Prostitute, [1984], p 143), a série Arthur Rimbaud in New York [1978/79], de Wojnarowicz). O recurso do campo é então essencial, na medida em que ele torna possível fazer das mascaradas (paródias) uma arma de decisão e de afirmação. O campo se define por um conjunto de gestos, comportamentos, atitudes, que modificam códigos sociais e fazem de um sujeito – um personagem, uma diva, uma doida – uma criatura flamejante  ou horrível, segundo as necessidades. Nos anos sessenta, antes que Susan Sontag o transforme em objeto de um famoso artigo[11], e que isso se torne um tema das queer-studies; o campo era mal visto: “a palavra campo  utilizada pela imprensa dominante geralmente é pejorativa, significando homossexual ou insincero, zoando de tudo que for feito. A maioria do tempo, nós nos divertíamos do nosso jeito e acreditávamos sinceramente no que fazíamos. A gente sempre estava exposta[12]” Retomando um argumento de Richard Dyer em relação a Jack Smith[13], pode-se dizer que Mark Morrisroe se inscreve nessa tradição do campo, que não faz mais o retrato íntimo do autor (sua personalidade), mas desenvolve as facetas do performer. Em dois de seus filmes, Mark Morrisoe de drag queen, faz dos seus alter-egos personagens, jogam com os códigos do seu universo ao benefício de uma teatralização que faz  do canhesto, da repetição, do inacabado, motores  de ficção. Já era o caso em algumas comédias de Andy Warhol dos anos 60, Harlot (1964)Harlot, Lupe (1965), The Life of Juanita Castro (1965), Camp (1965), The Chelsea Girls (1966), Lonesome Cowboys (1967). Jack Smith e Taylor Mead fizeram desses fracassos aparentes ferramentas muito eficientes de escárnio e de paródia que arruínam nossas expectativas, mergulhando a gente em um universo onde tudo (re)torna-se possível, onde nada é excluído. O personagem de drag nunca pode ser confundido com uma mulher, o que é afirmado é o travestismo. As palavras e os comportamentos dos “atores” parecem espontâneos, embora os filmes tenham sido escritos. Hello from Bertha (1981) é baseado na pequena peça de Tenessee Williams, embora Nymph-O-Maniac (1984) tenha seu roteiro feito a partir de conversas telefónicas sexuais e diálogos de filmes pornôs[14].  Nos filmes de Mark Morrisroe, as repetições sublinham o lado atuado da performance, embora pudéssemos acreditar que é uma gravação direta, tal como Shirley Clarke em Portrait of Jason (1967).

Lembra-se que Ronald Tavel recorria a estratégias hábeis para que os atores entregassem os seus textos, isso contra as intervenções de Warhol e da sua equipe que se opunham de todo jeito, induzindo suspensões na continuidade linear da ação. É possível encontrar tais suspensões nos filmes de Mark Morrisroe, por exemplo na ocasião da repetição de um discurso (tirado) de Jack Pierson à pedido do operador de câmera,  enquanto ele fala para Mark de drag : How come you’re dress like a women? (“Porquê você está vestido de mulher?”)  e depois : Are you one of those transexual? (“Você é um daqueles transexuais?”).  Ruptura na continuidade da ficção ao benefício de uma encenação. Inversão das prioridades; o surgimento da heterogeneidade é importante porque ela assina o artifício: o jogo como pluralidade de variações, de “possíveis”. A incorporação da repetição evoca os preparativos sem fim de uma performance de Jack Smith, a performance se constituindo de fato, através desse deslocamento de objeto, no qual ela acontece. Existe uma vontade feroz de mostrar cenas que vão chocar, ferir o bom gosto, nesse sentido Mark Morrisroe segue a linha maravilhosamente explorada por Jack Smith e John Waters em um registro, mas também vários artistas que trabalharam em minar o bom gosto “bem assentado”. Como Mike Kelley, Tony Oursler, Tony Conrad, Joe Gibbons, etc, Mark Morrisroe trabalha a partir disto, e brinca com os clichês, tais como da decência e do bom gosto. A questão do travestismo, da prostituição, da violência das relações é central; cada filme nos mostra alguns momentos na vida de criaturas que lutam para sobreviver. Nós não estamos no mundo de Tenesse Williams ou de John Cassavattes, mas num mundo mais amargo, mais cru, menos psicológico, e isso, mesmo se Hello from BerthaHello from Bertha é bem uma adaptação.  As relações entre os protagonistas, se limitam a trocas que vão da conivência à repudiação, transitando por várias formas de violência verbal, desconcerto e violência física. Esse mundo é mais sombrio que o de Jonh Waters, talvez porque a trama narrativa sempre está à mercê de um erro do performer. A provocação, o excesso são os motores, sempre mais na decrepitude, na decadência, mas não pode se ver um julgamento moral qualquer, é mais uma escolha estética que se quer trabalhar a partir do que é próximo a si, do que nos motiva, daquilo que nos habita. Assim, vestir-se de mulher, ter um papel fora de si, desviar os  códigos dos gêneros sexuais e os ridicularizar por excesso de mímicas, de piscar de olho ou por desconcerto, permite afirmar – além da auto ironia, dos estados de subjetividades, dos brilhos – fragmentos de sujeitos que  a “boa educação” desqualifica. Nesse trabalho não é tanto a provocação que importa, como as ofensas sobre os códigos da masculinidade e da feminidade, que são progressivamente laminados. A atribuição dos papeis do gênero é virado de cabeça para baixo, ou pelo menos perturbada[1].

Em The Laziest Girl in Town,The laziest girl in town 1The laziest girl in town 2Mark fala da diferença entre um transexual e um travesti: “um transsexual quer ser fisicamente mulher, embora um travesti gosta de vestir roupas  femininas, e é o que eu gosto de fazer”. Essa confusão no gênero agrada os protagonistas, fazendo-os atuar com o maior cuidado, mesmo que suas performances não correspondam às expectativas e à performatividade profissional pela qual o ator mergulha no papel que interpreta. Aqui, como em toda atitude campo, é o jogo entre o personagem e o atuante que nos interessa, é a oscilação entre os dois sujeitos que força o nosso interesse. A instabilidade do papel e do sujeito atravessa o filme, a performance manifesta assim possibilidades de subverter os papéis sociais e suas atribuições, segundo as atitudes e comportamentos campo. Como diria Taylor Mead em um dos seus aforismos dos homens apegados aos seus papéis do gênero: “Os homens lindos que não sabem onde os seus talentos residem; escolham a arte, a heterossexualidade, tudo a fim de evitar o que vem naturalmente, ou o que eles teriam obtido de uma cabeça aberta”[2] Uma outra dimensão que aproxima os filmes de Mark Morrisroe a os de Jack Smith e Taylor Mead, John Waters, mas também os de seus contemporâneos David Wojnarowicz e Nick Zedd, é a necessidade deles. As urgências deles testemunham suas energias. Cada filme propõe um espaço fechado, dentro do qual seres se usam e se abusam? Há de se notar que o ambiente de Mark Morrisroe domina: as fotos adornam as paredes, na frente mexendo-se uma fauna que mesmo reduzida, revela um mundo que oscila entre drag e droga. As drags fofocam, falam dos seus desejos, “Eu realmente preciso de uma boa trepada” Esse desejo é mimicado em uma cena onde ele pratica masturbação anal com um pepino, depois em uma cena Jack estupra Mark de drag. Assim, a intimidade é revelada e recomposta segundo as necessidades do filme, a partir do entorno de relações próximas, amantes, amigos… O filme não revela auto retrato como o fazem as fotos, mas propõe incursões nos mundos de Mark Morrisroe. Cada filme desenvolve momentos de subjetividades que questionam a sociedade através da homofobia e da definição dos papéis (It’s all te same you’re queer anyhow!). Nesse sentido, eles prolongam “a celebração de John Waters quanto à natura abjeta da ‘doidice’, comparativamente à sociedade americana”. Para retomar uma análise de Mike Kelley.[3] Os filmes de Mark Morrisroe se dão como sintomas culturais, eles assinam ao mesmo tempo a adesão à uma cultura dada, como ele a denuncia paradoxalmente. Os filmes de Mark Morrisroe frequentemente são apreendidos como “amadores”; eles respondem à mesma dinâmica que as fotografias, assumem o lado supostamente amador, mostrando ao mesmo tempo que o cinema não é um território reservado somente a pessoas patenteadas; nesse sentido eles dividem esse entusiasmo e essa democratização cinematográfica dos movimentos super 8 dos anos 80, antes que ela se amplie com o vídeo; assim como o trabalho dos ativistas da AIDS. Tomar posse do cinema, fazer cinema ou mais especificamente tornar seu o cinema, é conseguir ao mesmo tempo fazer e mostrar as imagens de uma geração, sem  mediação externa. É falar em seu nome, não ser dito por outrem. É afirmar sua liberdade sem se satisfazer com aquela que seria proposta para nós.  Todo trabalho de Mark Morrisroe participa deste processo de afirmação; mesmo que use a derrisão, a violência ou a destruição, não muda nada. A questão sempre é de afirmar estados, movimentos, pulsões, que não são necessariamente rosas, limpas, ou ronronantes. As pulsões não são civilizadas, elas são cruas e consequentemente mostradas sem artifícios (embora…). A abertura de Nymph-O-Maniac (1984)  homenageia John Waters, colocando em cena uma criatura generosa que sem ser brilhante, liga para clientes potenciais, descrevendo suas características físicas e o que ela poderia fazer. Encontramo-nos num mundo ilegal, fraudulento, constituído de prostitutas e lésbicas que moram em um apartamento, cujas paredes estão cobertas de fotos de revistas gays e de capas de LP. A câmera viravolta um pouco à maneira das sex comedies de Morrissey e Warhol; os cortes são bem aparentes quase strobes cut[4], os finais de bobinas super 8 às vezes interrompem a narrativa para melhor relançá-la por meio de um inter título: Later, ou Later than evening… Em um dos planos, no banheiro, percebe-se brevemente no espelho Mark Morrisroe filmando esse dia na vida de uma ninfomaníaca, que recebe à noite dois homens que a empurram antes de amará-la em uma cadeira e a estupram com um cabide metálico, fazendo-a abortar, e depois cortam sua mão direita. O filme acaba com a mulher xingando os dois agressores de bastardos. A violência nas cenas mostradas, principalmente a da mão cortada, antecipa o braço arrancado de David Wojnarowicz em uma das suas narrações[5] de Manhattan Love Suicide (1985) de Richard Ken; filme, porém, mais sanguenolento, pois elas ecoam a violência posta em cena pelo cinema da transgressão. O ambiente geral do filme de Morrisroe evoca mais o clima e o humor negro dos filmes de Jonh Waters; pelo seu lado sórdido e trash, mas ao contrário desse último, a ação se limita a um dia na vida de uma nin. Esse limite temporal não corresponde ao tempo da filmagem como foi o caso com Shirley Clark em Portrait of Jason. Mark Morrisroe não faz nem direct cinema, nem cinema verdade. Ele cria paraísos artificiais, mais ou menos feéricos ou

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sórdidos, que incorporam vários gêneros cinematográficos. Eles antecipam um estado do cinema contemporâneo que descompartimenta e privilegia formas híbridas. O cinema permite a Mark Morrisroe trabalhar, ao mesmo tempo, a confusão dos gêneros e suas representações, a violência doméstica cotidiana e dar a ouvir diálogos excessivos que lembram os textos

do seu Dirt Magazine (1975/76). Os filmes não documentam um evento como se fosse o caso com o snuff, filme perdido da occisão de um gato[6], mas eles testemunham de um modo de vida, de situações geralmente pouco mostradas e vistas ainda menos. Morrisroe cria realidades, não faz remakes, a paródia não é o objeto primeiro do filme; nesse sentido ele se diferencia de várias produções contemporâneas que fazem da paródia e do pastiche, seu objeto a partir de séries de tevê, como o faz com um humor ácido Leona[7], favelada de Belém, numa paródia das novelas da TV Globo.

[1] Mark Morrisroe, ed Klaus Ottmann, pg 22 Twin Palm Publishers, Santa Fé, 1999

[2] Le pictorialisme veut inscrire l’interprétation de l’individu dans l’espace de la photographie au moyen de’effets d’atmosphères, textures etc qui induisent une distane vis-à-vis du réeel photographié. Il s’agit d’introduire une dimension picturale, quasiment tactile dans la photographie.

[3] Boston School, Norman Bryson in catalogue du même nom, ICA Boston, Primal Media, Alston, 1995

[4] Rappelons que la grande exposition Big as Life (An American Histoy of 8mm) consacré au 8mm et super 8 organisé par la San Francisco Cinemathèque et le MOMA NY, n’incluait beaucoup de films « No Wave », et encore moins de films d’artistes. L’exposition s’est tenue en 1998-99, à un moment ou les séparations entre ces différents milieux semblaient caduques…

[5] Le Cinema of Transgression surgit au milieu des années 80 à New York ses représentants les plus connus sont Nick Zedd, Richard Kern, Manuel de Landa, Bradley Eros ;  ce mouvement a été nourri par le No Wave Cinemaapparu quelques années plus tôt, dans le Lower East Side. Parmi ses membres : Eric Mitchell, Scott and Beth B, John Lurie, Lizzie Borden, Vivan Dick, Bette Gordon et Michael McLard dont on retrouve la trace dans Ballad of Sexual Dependency, de Nan Goldin.

[6] Dans lesquels on devrait inclure quelques séquences de Chelsea Girls, mais aussi Trash ou Heat, et les vidéosVivian Girls et Fight.

[7] Jack Pierson : Sometimes I think I’d Rather Be a Movie Star than an Artist – Mark Morrisroe; Most Days I Think I’d Rather Be a Photograph than a Human Being- Jack Pierson in  Artforum January, 1994

[8] Doit-on y lire un clin d’œil malicieux au film de Duchamp Anémic Cinéma (1924-26) qui à la signature de Rose Selavy juxtapose son empreinte digitale

[9] Peter Gidal, Malcolm LeGrice, Birgit et Willem Hein auquel on peut ajouter Ryszard Wasko, Joseph Robakowski.  Voir Stuctural Film Anthology de Peter Gidal, BFI Londres 1976 et Abstarct Film and Beyond de Malcolm Legrice Studio Vista Londres

[10] Remarquons qu’il s’agit d’une époque qui face à l’irrution du Sida répond au moralisme et à la dénégation des représentations des pratiques homsexuelles par un activisme qui met en avnt des corps sensibles dans tous leurs états. Le champ de la photographie, du cinéma et de la vidéo sont alors des outils privilégiés dans ces éclosions subjectives

[11] Notes on Camp, Partisan Review 1964

[12] Réponse inédite de Taylor Mead à une question de Catia Riccaboni, en avril 90

[13] Richard Dyer : Now you see it  Studies on Lesbian and Gay Film, p. 103-04 Routlege, Londres 1990 Alors que « Flaming Creatures porte la marque de la la personnalité de Jack Smith, il n’est pas une exploration de sa psyché, et ne révèle pas non plus le moi intérieur des performers drag-queen qui sont là pour le spectacle. Il y a un glissement de la personnalité du cinéaste au profit de la personnalité du performer qui est aussi un déplacement de l’exploration de personnalité comme réalité intérieure à l’observation d’une surface externe. »

[14] D’après Stuart Comer in Lipstick Traces: The Films of Mark Morrisroe in Mark Morrisroe, Catalogue exposion FotoMuseum Winterthur JRP Ringier, Zurich 2007

[15] Sur ce trouble des genres voir Jean-Yves le Talec: Folles de France éditions la découverte, Paris 2008

[16] Taylor Mead : On Amphetamine and in Europe, Exerpts from the Anonymous Diary of A New York Youth Vol 3, p 131, Boss Books New York 1968

[17] Cross-Gender / Cross-Genre, in Mike Kelley Foul Perfection p 104-105 MIT Press 2003

[18] Les strobe cut ont été utilisés par Anthony Balch et W.S. Burroughs dans The cup-ups (1966) mais surtout ar Warhol dans Bufferin (1966). Un strobe cut est un plan précedé d’un photogramme blanc qui induit ainsi un flash illuminant le plan.

[19] Il s’agit de Stray Dogs, dans laquelle David Wojnarowicz, joue le rôle d’un jeune gay qui n’arrive à capter l’attention d’un peintre que lorsqu’il s’est arraché un bras.

[20] Ramsey McPhillips raconte l’histoire de ce film et de sa diffusion sur une chaine locale de Boston dans le Pat Hearn Show in : Who Turned Out the Limelight? The Tragi-Comedy of Mark Morrisroe, in Loss Within Loss, p 99 edited by Edmund White, University of Wisconsin Press, Madison 2001

[21] Voir sur you tube la série Leona a Assassina Vingativa, e Meu nome e Leona

yann beauvais

Tradução: B³ / Claire Laribe

A gente saía de manhã sem ter idéia (sobre José Agrippino de Paula) (Pt)

in Lugar Comun n° 28, Estudos de mídia, cultura e democracia, Rio de Janeiro, 2009

Há quase seis anos, morria José Agrippino de Paula, importante artista da contra-cultura brasileira que deixa uma obra singular composta de romances, de uma peça de teatro e de alguns filmes.

Obra chave da literatura brasileira, PanAmérica1compartilhava grande número de aspirações da juventude brasileira da épocaos anos 60, apropriando-se de boa parte da cultura americana. Neste romance e na peçaUnited Nations, José Agrippino de Paula desmontava, por meio do excesso, as mitologias cotidianas produzidas pela indústria cultural.

José Agrippino de Paula nasceu em São Paulo em 1937. Após estudos de arquitetura, ele passa a residir no Rio de Janeiro onde estuda até 1964.

É nesta cidade que ele vai escrever seu primeiro romance: Lugar Público2 . Trata-se de um verdadeiro romance de formação no qual o choque entre as culturas é patente. Ao formidável desenvolvimento das cidades da América do Sul corresponde uma expectativa da juventude que busca outros modelos no cinema e na música americana. O confronto entre uma ordem vacilante e o retrato de uma nova geração que sobrevive em uma cidade que supomos ser o Rio de Janeiro e que sofre diretamente o golpe de Estado de 64; A descrição de uma manifestação de operários, reprimida pelo Exército; A irrupção de tanques na cidade desertada e o anúncio do golpe de Estado no rádio são incorporados no romance. São aspectos relevantes do texto, mas não tão recorrentes como o tema da morte do pai ou como a questão da homossexualidade e da prostituição. O romance multiplica as descrições de zonas urbanas desoladas ou em pleno desenvolvimento, e é atravessado pelas derivas de um grupo proteiforme de amigos que tem enormes dificuldades para garantir sua sobrevivência. O interesse pela paisagem urbana e pela mitologia cotidiana é compartilhado com outros autores brasileiros dos anos 60 mas, no caso de Agrippino, esse interesse manifesta potencialmente uma cenografia que irá se desdobrar nos happenings realizados com Maria Esther Stockler e no seu filme Hitler 3o Mundo. Ele reconhece que “sua formação

em arquitetura tem tudo a ver com cenografia”  3 .  Desde 1961, tirando proveito do teatro Arena da universidade, ele monta uma adaptação de Crime e Castigo.

De volta a São Paulo, ele freqüenta os ateliês de Roberto Aguilar e de Maria Esther Stockler, onde ela ensaia um solo. José Agrippino e Maria Esther vivem juntos por breve tempo e trabalham separadamente em um primeiro momento: ela monta dois espetáculos no seio do

grupo Móbile 4  e ele escreve seus dois primeiros romances. Por ocasião de um festival produzido e financiado pelo Sesc SP, eles trabalharão juntos na peça Tarzan do 3o Mundo. O espetáculo, apresentado durante quinze dias, é o resultado de uma experimentação em laboratório por eles realizado na ocasião. Cada cena recorre a um artista plástico. Para além das diferenças, Maria Esther percebe a existência de uma linha que, embora não diretiva, assinala uma estética: a do collage. A justaposição ou simultaneidade das situações apresentadas moldavam um estilo singular. Se trata de uma colagem «as autoridades falando sempre coisas que (…) não tem interesse (…) nem muita sinceridade,

(…) as pessoas nem ouvem(…)» como o observa Maria Esther Stockler 5. Trata-se de uma escrita que justapõe blocos autônomos seja mais ou menos autobiográficos (referência à morte do pai, vida estudantil,…), seja exploradores de uma imagem cuja amplificação chama sempre outras. A potência fabuladora das imagens participam do sonho e da alucinação. Provenientes da linguagem cinematográfica, ela afirma as rupturas e permite justaposições de blocos temporais distintos que não devem seguir um desenvolvimento causal bem definido. A sucessão de eventos em blocos distintos se efetuam segundo uma lógica interna própria. As justaposições desencadeiam novas perspectivas e favorecem a multiplicidade das ligações afirmando suas próprias virtualidades. É pelo fato de proliferarem e fugirem que as imagens conduzem a nós de virtualidade que a narrativa, o filme ou o happening resolvem cada qual a sua maneira. A proliferação das imagens corresponde mais a um “pop-fantástico” do que a uma nova manifestação latina de um surrealismo fantástico. Podemos encontrar este “pop-fantástico” nas colagens de Erró dos mesmos anos, assim como em Science Friction(1959) ou Breathdeath (1964) de Stan VanDerBeek em que um mosaico, um tecido de relações rompe com a linearidade ou simetria da trama. Em José Agrippino de Paula, este fenômeno é reforçado pela presença de um “Eu” que não pertence a si mesmo, de um Eu anônimo e deslocado que cria uma pluralidade de vozes sem que nenhuma domine. Estamos constantemente na oscilação entre um Eu e um Outro, em um tempo diferido, por vir ou que já veio. O tempo privilegiado é aquele que vê a confrontação e a proliferação das imagens se suceder ao acaso das associações conforme ritmos e velocidades que manejam furos e suspensões ao longo da ação ou do evento. Os blocos são freqüentemente serializados emThe United Nations e PanAmérica; suas ocorrências não sistematizadas acenam para o aleatório. Zé Agrippino de Paula se apodera do cinema à maneira de um artista pop quando recicla os ícones do cinema hollywoodiano – Marilyn ou Liz. Mas utiliza todo o dispositivo cinematográfico produtor de irrealidade como faria o poeta. “Ao citar Marilyn Monroe, eu procurava fazer

como Warhol: criticar os mitos quotidianos criados pela indústria cultural.” 6 Os atores dos filmes, quase íntimos nossos graças à mídia, são por sua vez incorporados nas ficções. Esse trabalho lembra o de Warhol na medida em que se apropria de imagens de estrelas e de desastres, apaga detalhes da imagem em proveito dos planos e, desse modo, produz ícones que ele recoloca em circulação. Em Zé Agrippino, os atores se tornam protagonistas de um cinema pessoal: eles são colocados em cena como um sonho, uma alucinação, um delírio. Di Maggio, Marilyn Monroe são imagens sem espessura, são soldados de chumbo que passeiam por cenários que mudam constantemente. Eles não ocupam o espaço: eles estão na superfície da imagem, prontos para se deslizar para dentro de alguma aspereza da narrativa, do cenário. Em Warhol, Marilyn se desmagnetiza na proliferação cromática. Em de Paula, posta em cena sexualmente, Marilyn se torna uma imagem com a qual podemos gozar. Não se trata do mesmo desvio do sentido, embora ambos se inscrevam no Pop. A abertura de PanAmérica traz a produção delirante de uma filmagem que evoca a versão de Cecil de Mille. José Agrippino de Paula amplifica o mito da realização do filme transformando-o em uma epopéia a serviço do delírio de um tirano, encenada por um autor que não podemos verdadeiramente determinar. O cinema que interessa e aprecia José Agrippino de Paula é o cinema hollywoodiano; gosto que ele compartilha com alguns cineastas underground americanos (Kenneth Anger, George et Mike Kuchar et Jack Smith, por exemplo) que vêem em Hollywood uma fonte inesgotável de inspiração. A descrição das cenas de filmagem multiplica os pontos de vista de acordo com velocidades variáveis e de modo semelhante a uma edição paralela que permite a existência quase simultânea de várias cenas. Essa simultaneidade lembra o funcionamento do circo Barnum que, com suas três pistas, certamente influenciou a produção de happenings durante os quais diversos eventos ocorrem ao mesmo tempo em lugares distintos.

A descrição das filmagens, a polifonia e a proliferação dos pontos de vista nos colocam no seio do cinema. Não somos mais meros espectadores: nós agimos e produzimos nosso cinema. Hollywood já não é mais longe, mas se torna um prolongamento do nosso imaginário a partir do qual fabricamos novas imagens. Esta apropriação do cinema comercial permite a emancipação das regras e do bom gosto: passamos da referência a irreverência, com a maior candura. Modalidades particulares, nas quais a dilatação temporal e o percurso vertiginoso das novas imagens produzidas desempenham um papel preponderante, estão operando. Em The United Nations, os protagonistas de um jogo de xadrez gigante se misturam aos atores na filmagem de uma ficção, com Charles Boyer como Napoléon. Nos romances, as interrupções funcionam como parênteses autônomos e são produtoras de novas narrativas. As manifestações que precedem ou seguem o golpe de Estado são dispersadas ao longo de Lugar Público. Elas literalmente se encaixam com os personagens, e os mergulham e desencaminham para outros espaços mentais. Personagens recorrentes habitarão as narrativas, seja das peças de teatro seja dos longas-metragens: Hitler, o papa, Che Guevara (em PanAmérica eThe United Nations)… A escrita cinematográfica deHitler 3o Mundo, assim como aquela que norteia os diferentes happenings, contesta nossos hábitos de assistir a um filme, ver um espetáculo ou ler um livro.

Mais do que um caos, trata-se da produção de um chaosmos 7 que se impõe através dos artifícios romanescos e teatrais. Somos mergulhados em uma situação onde o desconforto, o imponderável, o intempestivo, o grotesco, o obsceno e o contestatório são os vetores da dramaturgia assim como da forma sob a qual ela se enuncia.

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Em PanAmérica, o realismo descritivo das cenas da gravação do filme convoca um delírio que não teria renegado o Jack Smith de Normal Love (1963-64) e de Yellow Sequence (1963). Nessa narrativa, José Agrippino de Paula ridiculariza e zomba das estrelas hollywoodianas. Elas não são mais nada além de caricaturas, de papéis travestidos. Sua apropriação pela linguagem e dentro da linguagem do artista prefigura aquelas de Hitler 3o Mundo ou aquelas deTarzan 3o Mundo e de Rito do Amor Selvagem. As reivindicações manifestadas se inscrevem no contexto particular da ditadura que se instala no Brasil em 1964. O consumo e seus mitos são tratados de modo mais ou menos crítico de acordo com o lado do Atlântico. Mais do que Lugar Comum, PanAmérica descreve o evento da sociedade do espetáculo na América do Sul, confrontando a epopéia de um guerrilheiro neste continente à realização de um filme épico. A introdução da Guerra Fria no seio do romance tanto ecoa os acontecimentos do Brasil de então quanto manifesta o desejo de quebrar certa hierarquização que põe a arte popular e a contemporaneidade bem ao pé da escada, longe da grande arte. Como outros artistas de seu tempo, José Agrippino de Paula afirma a necessidade de se responsabilizar pelas aspirações e os comportamentos de sua geração afirmando a não-separação entre a arte e a vida.

É preciso compreender sua fixação pelo cinema hollywoodiano e à música pop anglo-saxã neste sentido. De repente estamos na contemporaneidade, os jovens deLugar Comum saciam seus desejos sexuais ao som de diversas músicas e em locais propícios aos encontros, sejam eles lícitos ou não

“era um livro influenciado pela literatura francesa e pela nouvelle vague 8”. Enquanto em PanAmérica ela é menos fortemente afirmada, neste primeiro romance a homossexualidade vai ocupar um lugar importante. Encontraremos em Hitler 3o Mundo e nas peças de teatro, diferentes personagens homossexuais provocadores que se afirmam na transgressão. Essa transgressão das regras e dos comportamentos permite denunciar a hipocrisia de uma sociedade que não aceita a sexualidade de sua juventude. A provocação é uma arma a qual recorre o escritor-cineasta: um ditador homossexual um tanto ridículo aparece em Hitler 3o Mundo; em The United Nations, body-builders dourados interrompem o desenvolvimento da peça arranhando rostos e torsos ao alcance de suas unhas; em PanAmérica, dançarinos homossexuais põem suas bundas em evidência; Cassius Clay torna-se homossexual, por não conseguir parar de peidar…

 O fato do protagonista principal do início dePanAmérica ser um cineasta não inaugura devir algum do autor. Os filmes que ele vai fazer não assinalam a estética do cinema que ele descreve. O cinema que ele descreve é um cinema de grande espetáculo que recorre a meios consideráveis, que não poupa seus efeitos. Todavia, ele o desmistifica através da descrição delirante de seus mecanismos de produção. A crítica se manifesta pelo superfaturamento espetacular, como se o espetáculo só pudesse ser abolido pelo e dentro de seu próprio excesso. O excesso é constante em sua obra: deThe United Nations, PanAmérica, Tarzan 3o Mundo, passando por Planetas dos Mutantes ou Rito do Amor Selvagem. Sua crítica denuncia o imperialismo cultural expresso pelo cinema hollywoodiano e o poder econômico e militar exercido pelos Estados Unidos sobre o mundo nos anos 60. Enquanto em Lugar Público ele critica o cinema da Nouvelle Vague, em PanAmérica ele trabalha o excesso produzindo um simulacro de filme hollywoodiano. Aliás, a questão do simulacro é essencial para compreender o que é tramado na obra de José Agrippino de Paula. Ela motiva a polifonia das ações.

 Esta polifonia faz da colagem o momento constitutivo do processo de produção e de recepção da obra. Uma outra manifestação pode ser encontrada no trabalho sonoro. Aqui a publicaçao de algunas musicas de Zé agrippino é importante informandos nos sobre a importancia da improvização. Lembramos que, para José Agrippino de Paula, o collage é compreendido a partir de um conceito cinematográfico: a mixagem. No texto de apresentação de Rito do Amor Selvagem, ele se refere a este uso da mixagem como elemento dinâmico e específico da criação do grupo Sonda. A mixagem se trona o princípio da própria montagem. Ambas as técnicas de montagem e de mixagem operam em seu longa metragem.

Hiter 3o Mundo foi realizado em 1969 com a maioria dos membros do grupo Sonda. Ele foi feito enquanto Jorge Bodansky e José Agrippino de Paula filmavam a peça O Balcão em adaptação de Victor Garcia.

Quando Zé Agrippino se joga na realização deste primeiro filme, ele precisa encontrar alguém que possa filmar para ele que nunca utilizou uma câmera. O desejo de produzir imagens que são antes de mais nada imagens mentais como é o caso nos romances, ou então imagens que resultam de um processo de criação coletiva emhappenings, vai trazer a necessidade de um modo de colaboração distinto daquele que foi experimentado até o momento. O princípio da mixagem será aplicado a todas as fases da produção desse filme que permanecerá como experiência singular e formadora não apenas na carreira de Zé Agrippino, mas também naquela de alguns de seus participantes, entre os quais Jorge Bodansky principalmente. Este filme, situado fora do cinema marginal embora a ele ligado, é objeto único na paisagem cinematográfica brasileira, Uma outra particularidade de Hiter 3o Mundo está no fato de ter sido descoberto no Brasil apenas muitos anos após a sua realização, tendo sido projetado pela primeira vez em 1984, o que explica o fato de ter escapado da fúria da censura, contrariamente a outros filmes.

Muitos filmes do cinema marginal não mostram a miséria diretamente, distanciando-se da realidade e utilizando a parodia e o escárnio ; nesses filmes abundam citações e reciclagem de imagens ; o humor e a sexualidadesão ai importantes. Em contrapartida, o cinema novo mostra a miséria e a revolta, e contradiz as imagens e os discursos de propaganda do governo e da burguesia, como o fez Glauber Rocha em Barravento(1961), quando não apresenta as imagens esperadas pelos observadores europeus.

O filme de José Agripino de Paula é um objeto estranho no domínio do cinema marginal. O poeta concretizou a ideia de fazer um filme durante a produção de Rito do Amor Selvagem. Nessa época Jorge Bodansky filmava O Balcão na adaptação de Victor Garcia; e pôs-se à disposição de Zé, que « não sabia explicar exatamente o que queria, nem compreendia inteiramente as condições técnicas indispensáveis à realização de um filme (9) ». Precisando-lhe ao mesmo tempo, que teria necessidade para filmar de três coisas: “uma câmara disponível; ruinas de películas virgens vindas de outras filmagens e uma unidade de locomoção que era em geral uma Kombi VW emprestada »

A filmagem, na clandestinidade, durou um ano, em função do dinheiro e a disponibilidade dos protagonistas e do operador de câmara. A improvisação dominava. “Todas as manhãs saíamos sem saber a que se chegaria até à noite ». Encontramos neste filme varios participantes do Tarzan III Mundo – O mustang Hibernado e extratos de cenas são incorporados ao script de Rito do Amor Selvagem, como por exemplo a cena do bacanal e a do casamento.

Quando José Agrippino de Paula começa, não tem ideia da forma que tomará o filme; só o desejo de fazer um filme o motiva. O filme justapõe acontecimentos onde personagens são confrontados à multidão anônima de um espaço publico. cenas de interiores que asfixiam, planos que servem de interrupções ou de inserções, nas quais o espaço urbano do São Paulo dos anos 60 emerge com mais ou menos força. Trata-se de um espaço urbano caótico no qual os terrenos baldios deixam aparecer panos de fundo de uma cidade em construção, blocos de predios, edificios altos, vias de circulação. A cidade em desenvolvimento vê aumentar na sua periferia ou nos seus interstícios favelas ou zonas baldias: não se trata exatamente do campo, mas de outra coisa (percebe-se também esse traço em Glauber Rocha e Ivan Cardoso.) Trata-se da representação do espaço urbano de um país emergente, um país em desenvolvimento no qual o tecido urbano não está organizado mas parece responder a uma disseminação mais próxima da polinização que da planificação, que faz estar lado a lado, por exemplo, um edifício moderno e um rio seco que se tornou esgoto.

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Não seguimos a deambulação de um personagem através de uma cidade como se faz em Pestilent City (1965) de Peter Goldman, The Flower Thief ou The Queen of Sheeba Meets The Atom Man (1963) de Ron Rice. Blocos de cenas opõem-se ou enfrentam-se com uma dinâmica que reforça a trilha sonora. Esta última é um elemento ativo da desmontagem cinematográfica; a sua riqueza evoca as numerosas pessoas que trabalharam. Em um piscar de olho malicioso, Zé Agrippino, credita no genérico José Mauricio Nunes (10) como autor da trilha sonora. A trilha sonora reflete uma grande diversidade de abordagem e usos da matéria sonora. Passa-se do cochicho à manipulações sonoras (como por exemplo a inversão do desenrolar da fita) ou placagens de músicas POP da época, como Jimmy Hendrix. Todos quiseram apropriar-se da trilha sonora mas na última instância, como o confirma Jorge Bodansky, foi de José Agrippino a última palavra. Na sequência do não pagamento do negativos a um laboratório, os técnicos montaram o som ao contrário. Ele fez seu este imprevisto guardando algumas destas passagens.

Às vezes, os comentários de Hitler Terceiro Mundo em voz off, evocam as modulações da voz de Jack Kerouac em todos os papéis de Pull My Daisy (1959), às vezes, a voz convoca a poesia concreta. A dinâmica da performance falada assinala a presença do corpo, de outra maneira. A narração polissincronizada não se liga ao acontecimento filmado, são comentários sobre a imagem e em redor dela, como os que realiza Jack Smith (Blonde Cobra, 1963, de Ken Jacobs). O comentário desrealiza o presente filmado em aproveitamento de uma outra temporalidade heterogénea, que se inscreve de froma desequilibrada em relação aquela da captação. Por este desvio, o corpo do locutor adquire uma outra presença e rivaliza com a da tela . Este diálogo retomado induz distanciamento da ação representada. A aderência, se tanto for que nunca existiu, é abolida em aproveitamento de uma justaposição desarmônica. O processo não é ocultado mas também não é afirmado. O comentário atualiza o que não está na imagem, jogando com o estatuto da voz em off. Desloca mais que substitui e permite olhar a imagem, de outra maneira. Uma pluralidade temporal afirma-se então na imagem, que não mima a realidade, mas dá forma à uma realidade cinematográfica específica.A riqueza sonora em Hitler Terceiro Mundo é resultante do trabalho realizado nos espetáculos precedentes, nos quais encontrava-se uma grande variedade de sons: sons eletrónicos live até as músicas gravadas, colagem de discursos e diatribes políticas que evocam os cut-ups de William Burroughs. A integração meticulosa do som aos outros componentes dos espectáculos : danças, luzes, teatros, circo, visa a produzir uma Arte-soma, para retomar os termos de José Agrippino de Paula e Maria Esther Stockler. Esta prática é reatualizada em Hitler Terceiro Mundo.

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O filme é composto de uma suite de sequências que exploram diferentes efeitos do poder. Após uma curta introdução numa cozinha que mostra um homem em terno e gravata, o filme se desenvolve com uma sequência na qual uma situação absurda evoca o cinema de vanguarda americano do fim dos anos 40 e 50. Um homem e uma mulher num fusca parado figem rolar, saltando sobre os seus assentos como se tivessem arrebentados e soltos. A partir do momento em que eles se encontram no garagista para trocar o pneu, o filme abandona qualquer realismo para evoluir num campo específico, o POP fantástico próprio a José Agrippino de Paula. As cenas se sucedem fora de qualquer lógica, privilegiando rupturas e acidentes. O caráter político fortemente marcado foi frequentemente minimizado em favor de uma leitura que privilegia a originalidade da proposta cinematográfica, de acordo com a definição que dá Jairo Ferreira :“Cinema de invenção se apóia na arte como tradição/tradução/transluciferação. Utiliza-se de todos os recursos existentes e os transfigura transfigura em novos signos em alta rotação estética: é um cinema interessado em novas formas para novas idéias, novos processos narrativos para novas percepções, que conduzam ao inesperado, explorando novas áreas da consciência,

revelando novos horizontes do (im)provável. 9»

Os filmes, pelo menos para os dois projetos do ano 69,Hitler Terceiro Mundo e Rito de Amor Selvagem prolongam os caminhos inovadores das peças, seja a nível da produção bem como da performance. No filme varias cenas utilizam clichés sobre a tortura, ou parodiam o fausto da encenação numa ditadura de estado, ou a ridiculizam. Pode-se citar a cena de assinatura do decreto de execução, ou aquela na qual a mãe do condenado vem reclamar o seu levantamento em Hitler. Ela surge quando Hitler e o seu amante lavam-se numa minúscula sala de banho. A improbabilidade de tal encontro aumenta tanto da proposta poética que de uma abordagem na qual a política é inseparável do quotidiano. José Agrippino de Paula, questiona neste filme, o encerramento das pessoas nas instituiçœes psiquiátricas, policiais e militares. Ele Ausculta a sociedade brasileira após anos de ditadura descrevendo comportamentos extraordinários para com os transeuntes em lugares públicos: favela, estação, e outro edifício de São Paulo. Um enorme samurai distribui legumes às crianças de uma favela, como se estes fossem ordinários animais de jardim zoológico, antes de amontoá-los numa Kombi para atravessar a cidade; ele improvisa em galerias comerciais uma dança com uma espada, na frente de um público enfeitiçado; polícias capturam “A Coisa” no bairro do mercado municipal perto de São

Bento. Como diz o autor em 2000 ou 2003 : «Hitler, Terceiro Mundoé um filme, antes de mais nada, político.   10»

Recorrer à policia no momento em que muitos brasileiros a evitavam, é pelo menos irônico, mas reflete também esta característica do desvio. A capacidade de um personagem em contornar, a sua esperteza em driblar a lei, as proibições, ilustra-se pela incorporação da polícia na ação do filme que denuncia as derivações de um regime autoritário. A sua capacidade a manipular o imprevisto permite-lhe apoderar-se de qualquer acidente os quais reencontraremos em seus filmes super 8 realizados na África.

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Os modos de apropriação que utiliza José Agrippino de Paula, evocam inicialmente o conceito de antropofagia de Oswald de Andrade, e parece relativamente afastado da compreensão que tem Hélio Oiticica exceto no que diz respeito à « dilatação », ou o Penetrável que é «projeto ambiental …/… uma espécie de campo experimental com as imagens.» Tal projeto «contribuir fortemente para essa objectivação de umaimagem brasileira total, para a derrubada do mito universalista da cultura brasileira, toda calcada na Europa

e na América do Norte, num arianismo inadmisível: na verdade, quis eu com aTropicáliacriar o mito da miscigenação.11»

Em Tropicália, é a experiência que fazem os espectadores do ambiente que está jogo. Esta experiência preconiza a participação e induz uma dilatação das capacidades sensoriais habituais dos espectadores. A dilatação da experiência reflecte uma transformação dos processos perceptivos devido às drogas. O fluxo de imagens em Zé Agrippino ilustra esta absorção que digere as referências, dilata as consciências, explode a temporalidade. Se Agrippino de Paula se apodera da imagem e joga com algumas referências POP, o faz de acordo com a afirmação «é a proposição da liberdade máxima individual como meio único capaz de vencer

essa estrutura de domínio e consumo cultural alienado.12»  Assim as imagens deslizam, os usos se desdobram anexando a especificidade brasileira a uma radicalidade das propostas. Pensemos em uma das últimas sequências de Hitler Terceiro Mundo, quem vê o Samurai tentar excluir as imagens difundidas na televisão, e que não conseguindo, faz-se harakiri. Em Zé Agrippino as coisas ajustam-se mais do que são atribuídas, designadas; estão sempre no fluxo e neste sentido provocam uma transformação constante da percepção, ou mais ainda manifestam esta transformação como processo do fluxo. José Agrippino Paula trabalha de acordo com o registro da metamorfose como define por Michel Foucault “A metamorfose cujo ponto de vista, sempre, foi fazer triunfar a vida juntando-se os seres ou de enganar a morte passando de uma figura à outra.” Esta prática de José Agrippino de Paula, prefigura o uso contemporâneo do morphing, no qual os constituintes de uma imagem transformam-se a fim de configurar novas. Estas mutações de imagens são uma resposta tanto que uma resistência ao imperialismo cultural: não se submeter mais as imagens, mas fazer-las suas. Há efetivamente globalização, mas é alterada; a inscrição na circulação dos ícones se efetua de acordo com registos que não dependem mais dos poderes de comunicação, mas da imaginação e de uma percepção flutuante. Hitler Terceiro Mundo adiciona tanto quanto divide as ações e os personagens.

Restam apenas quatro super 8 de José Agrippino Paula. Três foram realizados na África durante uma estada de dois anos com a sua companheira antes de ir para Nova Iorque em 1973 e estão incluídos no filme de dança. Dois são capturas de ritos de possessão do Candomblé ao Benim e o Togo. Enquanto que o terceiro Maria Esther: Danças na Africa (1972) propõe diferentes coreografias de Maria Esther em ambientes diários: um quarto que dá sobre uma praia, os telhados de uma casa da África do Norte.

O trabalho de super 8 se dissocia dos filmes precedentes na medida em que a sua abordagem é mais documental. O poeta filma ritos e danças de possessão. A sua abordagem pode aparentar-se as Maya Deren que filma no Haiti. Se José Agrippino de Paula captura ritos, ele não faz filme-ritual. Recordemos que para Maya Deren o rito inscreve uma desapossessão de si, que a cineasta traduzirá através de uma captura coreográfica.

Se as footages de Deren em redor do vodu foram encarados como parte de um conjunto mais amplo de um filme colagem, não é o caso dos filmes super 8 de José Agrippino de Paula. Nos filmes de Candomblé, nos de Maya Deren sobre o Haiti e em alguns filmes sobre transe de Jean Rouch, o papel da câmara é preponderante. Ela participa da dinâmica do transe enquanto que captura o conjunto do fenômeno coletivo. Em Jean Rouch, o projeto etnográfico funda a filmagem enquanto que a posição do cineasta altera a neutralidade desejada. O controle dos instrumentos condiciona a flexibilidade da captura. É através desta experiência de livre captura, de pertinência na captura, de controle da improvisação que se inscrevem os filmes super 8 de José Agrippino de Paula. Se o conhecimento do assunto filmado, por exemplo um rito, pudesse constituir para Maya Deren ou Jean Rouch uma condição necessária para a filmagem, isse não é o caso de José Agrippino Paula que compartilha com Chick Strand esta faculdade de “ir para que há de melhor”, “atento ao que é importante, por uma noção do que será importante. ” Encontramos em alguns filmes de Zé a afirmação da improvisação, que favorece tournés montés, ou as rápidos varreduras de uma cena que mostra a pessoa em transe e os membros da comunidade que a cercam, acompanham-a. A improvisação encontra se na suas musicas que foram registradas recentemente no CDEngruzilhadas Exu 7.que perecia ais uma anti misica. A câmara está constantemente em movimento, passando do grande plano de uma mulher que dança à multidão em retirada, na frente de casebres, para retornar para esta mesma mulher posicionando-a em frente aos músicos. Os planos sucedem-se, alternando planos aproximados dos participantes e planos mais largos, como as primeiras sequências de Candomblé no Dahomey (1972). A câmara levada à extremidade do braço oscila entre contreplongées dos dançarinos e a tomadas da altura de um homen. José Agrippino de Paula capta o que pode no momento que aquilo se desenrola. Não organiza o material a fim de nos fazer compreender o rito, não faz obra etnográfica. Filma simplesmente o que se passa, ai onde está. A sua abordagem do assunto é táctil tanto quanto coreográfica. Brinca com a manuseabilidade do super 8, que lhe permite estar mais perto do que se filma sem parecer intrusivo.

As varreduras nos dois filmes Candomblé no Dahomey etCandomblé no Togo (1972) valem-se das exposições e da claridade. A granulosidade da película se pronuncia mais ou menos de acordo com a exposição e os movimentos de câmera. A trilha sonora não sincrônica parece ter sido acrescentada posteriormente, ainda que certas percussões tenha sido registadas no momento da filmagem.

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Os dois outros filmes evocam o personal cinema, e mais particularmente o cinema de Stan Brakhage. Um cinema à primeira pessoa, um cinema que abre os olhos ao mundo e faz do mundo um campo de experiência visual. Um cinema visionário, que nos faz descobrir por seus enquadramentos, pelos seus ritmos, pela beleza de uma paisagem, pela subtileza de um movimento, pela fenda de um reflexo de um corpo na água como em Céu sobre Água.Depois de sua volta da África José Agrippino de Paula muda a sua maneira de filmar; ele privilegia o que chama de “ takes impresionistas”, esperando horas a fim de captar uma luz adequada, uma nuvem… O cinema torna-se então o instrumento de uma procura, um álibi para uma deambulação mental.

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1Publicado em 1967 em São Paulo; em francês nas Éditions Leo Scheer Paris 2008.

2 Publicado em 1965, reeditado em 2004, Editora Papagaio.

3Julio Bresanne e Joca Reiners Terron, 2002

4 Com Helena Vilar e Iolanda Amadei.

5 Maria Esther Stockler , entrevista concedida a Maria Theresa Vargas, Arquivo Multimeios, CCSP.

6 Revista Veja, n° 1702 de 30 de maio 2000, p 142.

7Ver esse conceito em Deleuze, Gilles. Logique du sens. Paris : Les éditions de minuit, 1969.

8Jorge Mautner falando de JAP no livrerino do disco Exu 7 Encruzilhadas Secs-Sp, 2011.

9 Cinema de invenção p 23, de Jairo Ferreira, editora Limiar, São Paulo, 2000.

10 In Miriam Chnaiderman : Panaméricas de Utópicos Embus – acolhendo enigmas  in Rivera, T. e Safatale, V.  Sobre arte e psicanálise, SP, Escuta.(101-112)

11Tropicália 4 mars 1968, Hélio Oiticica, in Catalogue du Jeu de Paume, Paris 1992, p 125

12Tropicália Idem p. 126

Hart of London de Jack Chambers (Fr)

in le Je filmé,  ed yann beauvais et Jean-Michel Bouhours, Centre Georges Pompidou Paris 1995

Jack Chambers fût plus connu pour son travail de peintre que pour ses films. Son œuvre cinématographique appartient au « personnal cinéma », elle a été célébrée comme essentielle par Stan Brakhage.

Jack Chambers n’a terminé que six films dont deux appartiennent à la catégorie des journaux filmés. Il s’agit de Circle (1968-69) et de Hart of London (1968-70). La réalisation de ses deux derniers films fait échos à la revendication et à l’affirmation du « Réalisme perceptuel »1 et qui veut que plus on est familier avec les expériences qu’apportent la perception, plus on devient conscient de la douceur de l’inter-communion de soi vis à vis des choses. La qualité de la réception est une communion qui influence le monde extérieur. Cet article est un véritable manifeste sur la vision .

Ses deux derniers films travaillent la perception et la manière dont on s’ouvre à ses mécanismes. En quoi ces derniers modifient notre rapport au monde, et à la nature. Si l’objet de Circle se réduit à un plan de l’arrière cour de son jardin filmé chaque jour pendant un an, le traitement photographique de cet espace est conditionné par les variations de lumières qui en transforment notre perception et inscrivent l’écoulement du temps cyclique dans les couleurs autant que dans la profondeur de champ.

De son côté Hart of London est constitué majoritairement de bandes d’actualité sur la petite ville de London dans l’Ontario, entrecoupé de séquences tournés par le cinéaste. Ce film est une médiation sur la vie et sur la mort et s’interroge sur le destin. En effet le film s’ouvre sur la capture d’un cerf qui s’est égaré dans la ville de London. Cette capture se terminant par l’abattage du cerf. Un écho de cette scène d’ouverture se retrouve à la fin du film lorsque les enfants de Chambers donne à manger à un cerf dans un zoo, au début la crainte maintient les enfants à distance de l’animal, petit à petit la confiance s’instaure, l’animal leur léchant les mains après s’être nourrit.Le cinéaste pouvant alors quitter ce lieu pour diriger son regard vers le ciel en une suite de rotations passant du ciel à la terre et de la terre au ciel.

Hart of London est proche du journal filmé autant que du reportage. L’univers est fragmenté: suite de plans de sa femme et de ses enfants, construction dans une usine, mariage, des chevaux dans des champs. On passe d’images blanchies, presque abstraites car difficilement discernables à des images plus lisibles, reconnaissables qui nous préparent à voir enfin. Et en effet on voit la simultanéité de la naissance et du trépas proposé dans deux séquences alternées. La première nous montre l’abattage et le dépeçage de moutons dans un abattoirs en Espagne (tourné par Chambers) avec la naissance au moyen de forceps d’un garçon. Dans les deux cas le sang est omniprésent qui inscrit la vie par delà la mort et inscrit la perpétuation des races, on voit dans le sacrifice des moutons le tribus offert à une nouvelle vie. Transformation, prolifération la vie se perpétue dans un flux continus d’images. La section centrale du film est suivit d’évènements qui dépeignent le quotidien, un garçon allant se baigner en plein hiver dans la Tamise, des passants, des travailleurs etc. La majeur partie du film est en noir et blanc, sauf en ce qui concerne la section centrale et les séquences finales qui s’apparente à des homes movies avec leurs couleurs acides. Hart of London convoquent un grand nombres de techniques pour inscrire la vision du cinéaste: les retours, les reprises, les surimpressions, les flous, l’usage des sons ambiants, ou son absence soudaine nous permettent ainsi d’appréhender la diversité de la vie. Vision inséparable d’un projet autobiographique qui veut que le cinéaste s’attache à faire le portrait de son environnement et de ce qui le relie à ces évènements autant qu’a ces lieux. expérience partageable par delà les particularismes de son histoires et des lieux qu’il a dépeind.

1 L’article de Jack Chambers intitulé Perceptual Realism à été publié par Artscanada 5 Octobre 1969.

Sur l’ensemble de l’oeuvre de Jack Chambers voir le numéro spécial The Capilano Review Jack Chambers Films Numéro 33, Victoria 1984 Et Bruce Elder From Painting into Cinema A Study of jack Chambers ‘ Circle revue d’études canadiennes Vol 16, N°1, 1981

Notation (musique film) (Fr)

in Musique  Film  conception yann beauvais catalogue sous la direction de Deke Dusinberre et yann beauvais, Scratch / Cinemathèque française Paris 1986,  corrigé en 1998

Utiliser une musique, une bande-son pour un film, c’est transformer l’espace de la représentation cinématographique par l’adjonction d’une dimension sensorielle supplémentaire. La musique confère au visuel une autre qualité (voir les études de marketing). De la même manière, le choix du silence et par-là même, l’intrusion des bruits de la salle est la marque d’un privilège accordé au visuel par le cinéaste. Le visuel requérant le silence indique qu’il doit être appréhendé pour lui-même, ou comme support méditatif et dans ce cas il peut s’apparenter à l’environnement lumino-sonore de La Monte Young, qui travaille l’étirement des sons et la transformation progressive de couleurs projetées dans un espace (The Magenta Lights, a continuous electronic sound and light environment). Le silence est un choix. L’affirmer comme tel c’est s’éloigner des prétextes économiques qui empêcheraient, paraît-il, les cinéastes de travailler (avec) le son.

Privilégier le silence est un choix musical. Mais c’est avant tout, privilégier ce qui hante le cinéma narratif dans son usage de la fiction et dans ses représentations : la chute de tension, le trou noir. Le silence suspend le visuel à ses seuls atouts. On n’est plus porté, transporté par une extériorité le cautionnant, le justifiant presque. Trop souvent la musique dans le cinéma expérimental (mais pas seulement) tient lieu de garde-fou. Elle fait office de régulateur évitant ainsi des échappées incontrôlées (des lignes de fuite) dans lequel le visuel s’embarquerait sans crier garde, mais surtout la musique permet de faire passer la sauce. Le recours au musical est souvent signe d’une création frileuse. Que de films inintéressants, que d’interludes (télé)visuels, ne sont regardables que parce qu’une musique nous les rend supportables, nous permettant de nous abîmer dans de subtiles rêveries intérieures. Il s’agit d’une vision par défaut. On ne voit pas tout à fait un film.

Privilégier le silence c’est peut-être aussi vouloir inscrire un rapport compositionnel pouvant exister entre cinéma et musique, au moyen d’un concept privilégié : le rythme.

Hypothèse 1 : et si le cinéma n’avait rien à voir avec le rythme ? Alors la justification du rapport serait pour le moins caduque. Dans ce cas on s’apercevrait que la terminologie musicale appliquée au film ne l’est que par défaut, on y recourt car le cinéma n’a pas su encore façonner de concepts adéquats pour se dire.1

Dans le cinéma expérimental, on remarque que bien souvent un même type de musique accompagne la bande-image pendant toute la durée de la projection. Celle-ci est parfois en accord avec le traitement des images, mais devient redondante avec celle-la dans la mesure où les similarités de traitement sont trop équivalentes. Ainsi se gênent-elles mutuellement, et la musique fait office de plaquage. Coller une musique sur un film n’aide pas forcément au visionnement du film, bien au contraire. Cela s’apparente au mythe qui veut que la musique de film ne soit pas faite pour être entendue. Alors dans ce cas, direz-vous, pourquoi y faire appel ? Nous ne sommes pas les premiers à nous le demander.

Le plaquage d’une musique sur une bande-image montre de toute évidence que l’on confond certainement la musique et le flot sonore continu. Cette continuité du flot sonore s’octroie la position de la narration pour d’autres cinématographies. La musique devient alors l’agent de liaison qui permet au film de se tenir. Dans la plupart des cas, alors que le traitement de l’image est relativement élaboré, il s’étiole en regard de la musique, il s’agit déjà d’une esthétique de vidéo-clip.

Cependant on trouvera quelques exceptions notables comme par exemple le travail de Kenneth Anger dans Scorpio Rising (1963) où le recours à des chansons pop des années 60 donne un supplément de sens, en agençant le narratif à une imagerie des rapports sado-maso des bike-boys américains. La juxtaposition des scènes d’habillage avec les chansons (jeune homme mettant un blouson de cuir, au son de “She wears blue velvet”) est humoristique, mais en même temps favorise la fascination. On retrouve un travail similaire dans Ixe (1980) de Lionel Soukaz, lorsqu’une chanson religieuse est manipulée (“Dominique, nique, pique nique…”) tandis que deux garçons se shootent : la chanson comme plus-value.

Ce travail de Kenneth Anger évoque une pratique artistique : le collage, développé par les dadaïstes à partir des années dix puis utilisé en musique à partir des années soixante afin de sortir de l’impasse dans laquelle le post-sérialisme l’avait enfermé. Mais chez Kenneth Anger le collage musical est un collage propre, on ne mélange pas des musiques de styles différents. En ce sens on ne peut parler d’un usage pop de la musique, dans la mesure où le Pop Art utilisait les objets du quotidien. On trouvera, par contre, un usage pop de la musique entre autre chez Bruce Conner, Malcolm LeGrice, Lionel Soukaz ou Vivian Ostrovsky.

On connaît l’histoire Bruce Conner alors qu’il travaillait sur A Movie (1958), essayait différentes musiques et programmes de radio ; un jour, il tomba sur “Les Pins de Rome” de Respighi, qu’il se décida finalement à utiliser en montant le film en fonction de cette musique.2 Et ce sans tenir compte du synchronisme ou désynchronisme pouvant exister entre les deux bandes. On fait face à deux mondes parallèles qui se rencontrent parfois ou qui s’ignorent royalement, à tel point que pour beaucoup A Movie est constitué dans leur souvenir d’une collection de sons différents. Cette disjonction entre les deux éléments constituant le son relève de la pratique du collage appliqué dans le champ cinématographique et diffère radicalement des musiques que d’autres cinéastes plaqueraient sur un film pour masquer le silence. Cette disjonction est au centre de ces collages cinématographiques. Dans Castle 1 (1966) de Malcolm LeGrice, la répétition des éléments sonores et visuels n’est pas sans rappeler, malgré les brouillages évidents, les musiques répétitives qui travaillent à partir d’éléments peu nombreux.

Un travail plus abouti en ce qui concerne le collage dans le domaine musical est effectué par Vivian Ostrovsky dans la plupart de ses films.3 Ici la musique n’est pas cette chose sacro-sainte, mais un matériau à partir duquel on puise afin de donner une signification précise aux images. Jouer avec le son, en mêlant tous les sons sans en privilégier un par rapport à un autre, et les composer en fonction de l’image. Ce même travail se retrouve dansIxe de Lionel Soukaze (voir l’utilisation de la “Marche funèbre drôlatique” de la première symphonie de Mahler). Extraire de la masse musicale ambiante certaines musiques et les rabattre ailleurs, afin de leur donner une autre portée, les conjuguer de manière disjonctive, tels seraient les signes du film collage. Il va sans dire que ces films sont des films ludiques, quand bien même le contenu est grave comme dans Ixe. L’usage de la citation musicale telle qu’on la trouve dans bon nombre de films “post-modernistes” n’a rien à voir avec ce type de travail, le son y est utilisé pour donner une plus-value spectaculaire. On est loin du détournement mais près de la parodie, du clin d’œil culturel, du cliché et du leitmotiv.

Le cinéma est hanté par plusieurs événements sonores : le silence et l’opéra. Avant de nous intéresser au silence voyons ce qu’il en est de l’usage de l’opéra. Art total en ce sens, il serait ce vers quoi le cinéma aurait le moins de chance d’aller, et pourtant c’est vers lui que se sont dirigés de nombreux cinéastes : accomplir un art total et par-là même conférer au cinéma une portée qu’initialement il n’aurait pas : d’aucuns ont pensé pallier au défaut par la multiplication d’écrans, par l’adjonction d’actants, en sortant le cinéma de son cadre classique. L’élargissement était la garantie d’un accès à l’au-delà.

D’autres ont eut recourt à la musique d’opéra pour transporter le spectateur dans un autre monde, dans le royaume du mythe ; voir les premiers films de Werner Schrœter, Maria Callas Portrait (1968), La mort de Maria Malibran (1971), Flocons d’Or (1976). Le pouvoir de fascination qu’exerce l’opéra chez les cinéastes est tel qu’il nous propose parfois des lectures de “La Bohème” dans Thriller (1979) de Sally Potter ou de “Tosca” dans le film homonyme de Dominique Noguez (1978). Ici il s’agit avant tout de proposer une lecture (une relecture), une mise en scène de l’œuvre ou d’une scène de l’œuvre dans laquelle la musique est incorporée puisqu’elle est l’objet premier du film.

Par ailleurs, la fascination de l’opéra est telle qu’elle influe sur un film de sorte que celui-ci, sans recourir à la musique, peut esquisser dans ses plans des images opératiques : ainsi, par exemple dans Illiac Passion (1964-1967) de Markopoulos. A côté de cela, nombreux sont les cinéastes qui ont tenté de produire l’analogie entre cinéma et opéra, pensant qu’en adjoignant une musique ils accéderaient à cet art total que souhaitait Wagner. Clichés, leitmotiv; on en appelle à cette totalité afin de conférer aux images cinématographiques une dimension qu’elles ne sauraient avoir, dans le domaine de l’artifice, de la convention et du simulacre. On peut penser que le cinéma-opéra n’a pas encore connu sa querelle des bouffons et que pour le moment, l’hésitation est patente quant à la détermination de (ce) qui dirige le film : les images, la musique, le mythe? Jusqu’à présent c’est la musique qui le plus souvent opère la liaison entre les différents clichés, représentations et trame, en organisant le discours du cinéaste. Cependant, l’accumulation n’est pas la panacée : ce n’est pas en rajoutant des musiques les unes à la suite des autres que l’on produit cet art total, et c’est peut-être ce que n’ont pas encore compris la Nouvelle Vague new-yorkaise Super 8 et certains Nouveaux Romantiques anglais.

Cette accumulation de morceaux de musique nous rapelle qu’on a déjà entendu ce même morceau, ailleurs, dans un autre film. A croire que le cinéma expérimental dans le choix de ses musiques est aussi sclérosé que le cinéma commercial.

On trouve, chez Derek Jarman une autre utilisation de la musique. Certaines œuvres sont utilisées d’un film à l’autre. Ainsi le “Concerto pour piano en sol” de Ravel, que l’on retrouve au moins dans deux films : Home Movies 1 (1970) et Dream Machine (1984), (tout au moins dans la première partie de ce film collectif dont il n’a réalisé que celle-ci). Cette musique est la marque du cinéaste, (sa signature?). Quel que soit le traitement des images dans Home Movies 1, le recours de l’image par image produisant un accéléré ralenti au refilmage avec des surimpressions, alors que dans Dream Machine on fait face à des plans tournés en vitesse normale ou en léger ralenti — la musique est la même, indépendamment de ce qui se déroule à l’écran. Musique présente, oui ; mais qui à la limite s’absente, ou qui le souhaite. En fait, on peut se demander si la musique, dans ce cas, ne participe pas d’une reprise d’un motif affectif qui la lierait au cinéaste et dont le spectateur, à la limite, serait exclu ; presqu’un signe de reconnaissance, proche en cela, mais de manière différente, des musiques de Nino Rota pour Fellini. Cette musique qui prend en charge l’affectif fonctionne comme signe de reconnaissance qui, en l’occurrence ici, s’énonce en fonction d’une attirance sexuelle pour les garçons. Alors que l’usage de la musique par Maria Klonaris dans Selva (1981-82) ne relève pas de la même intériorité : le musical, ici, renforce une vision intériorisée.

Une autre hypothèse qualifierait cette musique de musique de fond, musique d’ambiance, lui donnant le pouvoir de “teinter l’environnement (en l’occurrence ici la représentation cinématographique d’un lieu et des événements qui s’y déploient) afin qu’il l’absorbe au lieu d’en annuler et d’en masquer les traits saillants”, comme le fait, depuis 1975, Brian Eno au moyen de ses bandes : “Ambiant music”.4 Ce travail semble plus abouti dans les installations qui font appel à des paysages urbains et se démarquant ainsi des films de Jarman qui se préocuppent avant tout des individus, des corps.

Cette musique d’ambiance est très différente d’autres musiques qui réinscrivent une dimension que l’image ne peut à elle seule donner. Ainsi les films du groupe MétroBarbesRochechou Art, et plus particulièrement 4 à 4 (1980–1982), ou Capitale Paysage (1982-1983) de Michel Nedjar, ou bien encore Nuestra Senora de Paris (1982) de Téo Hernandez. Dans ce dernier, le travail de composition musicale de Jakobois permet à l’image de s’élever à d’autres dimensions, quasi-mystiques en accord avec le sujet du film : Notre-Dame de Paris. Ces sons (marteaux-piqueurs), ces musiques (chants religieux) se déploient dans une temporalité différente de celle des images. En effet, la musique ou le son s’incrivent dans la continuité, alors que l’image procède par fragments successifs, tissant en ce qui concerne Capitale Paysage des réseaux de visionnement de la ville, d’un quartier, d’un espace urbain : le métro. Dans Nuestra Senora de Paris, la reprise des motifs musicaux permet de perpétuer le sentiment religieux que les images ne pouvaient à elles seules exprimer (voir à ce propos les séquences avec la rosace de la cathédrale). Toutes ces musiques sont travaillées après coup, une fois les images réalisées. Elles font office de supplément. Cette marque est significative dans la mesure où c’est en cela qu’elle s’oppose aux travaux dont la synesthésie est l’objet et pour lesquels, bien souvent, la musique précède l’image.

De tous temps (depuis 1650) cette bonne vieille synesthésie a été l’un des bateaux de la création artistique. Nous nous intéresserons ici à ses illustrations les plus contemporaines.

Hypothèse 2 : et si la synesthésie n’était qu’un alibi pour une production de nouvelles technologies audio-visuelles (John Whitney pour les cinéastes contemporains). C’est ainsi que s’expliquerait le passage pour nombre de cinéastes aux vidéo–clips et à la fascination de la console électronique.

Afin de faire voir ce que l’on entend, plusieurs cinéastes, créent de toutes pièces des systèmes qui leur permettent de visualiser les sons. Ainsi Norman McLaren dans Synchromy (1971) nous montre ce que l’on entend et inversement. Il a transcrit la bande sonore et l’a imprimée optiquement sur la bande image5. Le seul arbitraire étant ici le choix des couleurs dans la mesure où la bande optique était au départ en noir et blanc. Les images de Synchromy sont abstraites et le son l’est tout autant, puisqu’il est synthétique, mais il reprend un Boogie-woogie, ce qui accentue l’aspect pédagogique de la proposition. Le film fut donc conçu à partir d’une musique (concrète) originale elle-même conçue comme un film.

Lorsqu’on parle de McLaren, on ne peut pas ne pas penser à Fischinger qui lui aussi a réalisé des bandes-sons à partir de dessins selon différentes techniques6, lesquelles ne sont pas sans anticiper celles utilisées par Barry Spinello dans Soundtrack (1970). En effet, ce film est dessiné au moyen d’encres particulières pour la bande-image et la bande-son. A partir de 1967, il créa un type de film qui mélait habilement un son synthétique et une imagerie abstraite. En ce sens, comme Pierre Rovère avec Black and Light (1974) et Lis Rhodes avecLight Reading (1977), la musique est le produit d’une création ne faisant pas appel à la production classique du son mais à sa trace, à son graphisme. C’est d’ailleurs ce retour à la représentation graphique d’un son qui permet de justifier le voir par l’entendre. Une constatation s’impose qui fait que ces films s’apparentent plus à des objets conceptuels qu’à l’établissement de nouvelles relations liant son et image. Musical Stairs (1977) de Guy Sherwin, bien qu’extraordinairent bien travaillé, n’échappe pas à ce travers.

Un second problème surgit avec les films qui travaillent la synesthésie : c’est celui de l’interprétation liée à la composition musicale classique. Ce problème qui se laissait entrevoir chez Norman McLaren se trouve accentué chez John Whitney. Ce dernier souhaite créer un nouvel art audio-visuel. Ce souhait est tout à fait recevable, cependant là ou il devient questionnable c’est lorsque Whitney, après avoir réalisé cette composition visuelle fonctionnant comme un morceau de musique, rajoute ensuite une bande sonore qui n’a rien à voir avec les images, comme dans Permutations II (1968). Pour obtenir cette architecture visuelle, qui doit être lisible (ressentie) par l’oeil comme peuvent l’être les mouvements et les agencements de formes à l’intérieur de ceux-ci comme thèmes différents les constituants, Whitney a développé un outil technologique très sophistiqué. Le paradoxe vient du fait qu’on ne comprend pas pourquoi Whitney fit appel à de la musique pour accompagner ces images. La musique, choisie après coup, est plaquée sur la bande-image.

Cette approche globalisante, où la synesthésie créée se veut comme la production d’équivalence visuelle du son ou de la musique peut être assimilée à la recherche d’un nouveau langage universel. A l’inverse, sans prétendre atteindre à l’universalité, d’autres pratiques se sont développées privilégiant le caractère subjectif des correspondances ou similarités — tout dépend du degré de justification théorique — pouvant exister entre musique et image.

Ainsi, David Wharry avec El Cafetal (1981), nous propose-t-il une comédie musicale sans figurant, sans image figurative, mais dans laquelle les plans colorés correspondent à un personnage ou à un thème véhiculé par la bande son.7 Film imaginaire presque, car la musique et les plans de couleurspermettent aux spectateurs d’apposer leurs imageries personnelles. Le film devient le réceptacle d’une imagerie externe, une parfaite synesthésie privée produite par le public. Différente est la synesthésie que propose Kenneth Anger dans Eaux d’Artifice (1953) : un lieu (le jardin de Tivoli), un personnage ambigu et une musique. Les trois éléments participent d’une esthétique baroque soulignée par la présence des “Quatre Saisons” de Vivaldi et par la couleur du film : tourné en noir et blanc, il a été teinté en bleu sombre. Il n’y a pas à proprement parler de transcription visuelle d’une musique, car on peut supposer que la musique a été mise après coup, mais un travail qui s’apparente à la synesthésie dans la mesure où à la musique baroque correspond un traitement des arabesques produites par les fontaines renforçant la similitude d’organisation de ces deux éléments. L’indétermination du personnage n’est pas sans évoquer l’usage des castrats dans la musique baroque.

Ce film de Kenneth Anger nous montre bien que la séparation, qui pour diverses raisons discursives est pratiquée, n’est pas, dans les faits, aussi tranchée qu’elle pouvait initialement le paraître, car nombreux sont les films qui vont d’une utilisation de musique à l’autre, mélangeant les applications. Ainsi, dans N:O:T:H:I:N:G: (1968), Paul Sharits évoque Beethoven en ce qui concerne la production d’articulation visuelle, alors que, par ailleurs, il insiste sur la nécessité du dépassement de la référence musicale comme instrument inadéquat pour décrire le travail du film.

échos.

Qu’en est-il des films musicaux silencieux ? A première vue, le recours au silence laisserait présager une priorité du visuel. Cette attitude correspondrait à une position esthétique. On peut penser que les cinéastes ne souhaitent pas parasiter les images par l’adjonction d’un son qu’ils n’ont pu, su ou voulu produire et que les images se suffisent à elles-mêmes. Dans ce cas, on s’aperçoit que ce n’est pas l’augmentation des coûts de production d’un film qui les ont amenés à privilégier le silence. Le silence n’est pas vécu comme une absence. Il n’y a pas de négativité dans ce choix. Ce silence n’est pas un défaut, un manque, mais, bien au contraire, une plénitude : les images “expriment” ce qu’elles ont à exprimer quand bien même cette expressivité n’aurait rien à voir avec la signification.

Et pourtant, une musicalité peut s’appréhender dans certains films silencieux. Cette musicalité n’est pas l’objet de ces film (dans la mesure où il ne s’agit pas de transcription) mais il se trouve qu’ils ont une qualité musicale, soit que l’inspiration du film ait été musicale — voir les sonates de Domenico Scarlatti en ce qui concerne le film de Stan Brakhage, The Horseman, the Woman and the Moth (1968) ou bien Mozart pour T:O:U:C:H:I:N:G: (1968) de Paul Sharits, etc. —, soit que d’une manière plus explicite encore, la musique et les processus de composition qu’elle engendre se retrouvent appliqués en partie ou en totalité dans le champ cinématographique. Cette utilisation des processus musicaux diffère de la transcription dans la mesure où il s’agit de comprendre et d’appliquer un certain type d’intervention et de fonctionnement au sein de la composition musicale. Ainsi, pourrait-on voir entre Anton Webern et Peter Kubelka de nombreux rapports qui seront explicites dans Arnulf Rainer (1958-1960). qui, au moyen de 2 fois 6 photogrammes — noir, blanc, son blanc ou noir —, les sérialise. Cependant, la mise en série ne fonctionne pas vraiment, à cause des éléments visuels trop minimaux. Ici l’on fait face à des principes compositionnels adéquats employés correctement sur des objets inadéquats. En effet, il n’y a pas de lisibilité possible de la série photogrammique dans la durée ; n’est travaillé que le rapport photogrammique et non pas la série8 ; pour l’envisager comme série il faut passer par la partition ou par l’exposition du film en Frozen Film Frames.

Une critique similaire pourrait être adressée à TV (1967) et à Mauern Pos. Neg. Weg (1961), de Kurt Kren, dans la mesure où c’est la métrique qui est privilégiée dans ces deux films. Cependant, ces critiques ne sont recevables que dans la mesure où d’autres cinématographies ont proposé depuis d’autres solutions, dont nous parlerons plus loin. Remarquons néanmoins, qu’en ce qui concerne ces deux cinéastes autrichiens, le recours à l’écriture du film sous forme de partition s’impose, et ce n’est sans doute pas un hasard, dans la mesure où il s’agit de jouer l’arrangement des photogrammes. La musicalité dans les films cités de Kurt Kren est moindre dans la mesure où on fait face à une image dont la définition n’est pas assez tranchée (surabondance de gris) alors que, dans Arnulf Rainer, la musicalité est renforcée par la franchise de l’opposition noir/blanc.

Nombre de films travaillèrent les rythmes photogrammiques selon des systèmes métriques plus ou moins définis, rigides ou non. Cette appréhension d’une rythmique assigne d’une certaine manière une équivalence entre la note et le photogramme, comme on on peut le voir avec Jüm Jüm (1967) de Werner Nekes et Dore O. Ce film utilise des techniques d’association dont on retrouve des équivalents musicaux : l’inversion, le renversement, l’inversion rétrograde, etc. Ce recours a d’autant plus d’impact que l’image représentée est une femme sur une balançoire dont le mouvement de va-et-vient du balancement est déstructuré. La symbolique est renforcée par le dessin d’un phallus comme fond devant lequel la femme s’agite. On retrouve chez Tony Conrad dans The Flicker (1965) ou Straight and Narrow (1970) cette “assimilation” entre note et image. Le recours à la note envisagée comme photogramme peut permettre des systèmes de correspondances plus subtiles encore lorsqu’il s’agit de faire des accords, alors on utilisera des surimpressions comme chez Klaus Wyborny ou H.H.K. Schönherr.

Ce détour par l’assimilation du photogramme à la note présuppose une détermination de l’organisation des parties dans l’ensemble, d’où le recours à une partition comme système d’écriture pré-filmique9. Cette notation est ce qui lie le plus le cinéma et la musique, via le graphisme. Le film est ainsi écrit, pensé, organisé avant sa réalisation. Sa réalisation ne se conformant pas toujours à la partition initiale, car des écarts se produisent presque systématiquement entre celle-ci et l’objet fini.

Cette écriture convoque le référent musical dans la mesure ou le film se dégage de la tutelle littéraire telle qu’on la trouve généralement dans le cinéma traditionnel. Il va sans dire qu’il ne s’agit que d’un substitut : au littéraire est substitué le musical, avec ceci en plus du musical. Le musical comme paradigme cinématographique. Il l’est de plusieurs manières.

D’une part comme modèle d’organisation des éléments constitutifs du film ; pour les Américains cela signifie le photogramme : comment agencer des photogrammes les uns après les autres ? Mais il l’est aussi dans la mesure où le musical serait ce vers quoi le cinéma tendrait sans pouvoir y accéder de par la nature même du médium utilisé. En effet, comment visualiser, orchestrer plusieurs voix comme c’est souvent le cas dans la musique ? Soit en recourant au graphisme mais dans ce cas là, bien fréquemment, la problématique s’épuise dans la résolution de problèmes picturaux, soit en utilisant plusieurs écrans afin de spatialiser les développements d’un thème passant d’un écran à l’autre de manière fuguée, graduelle ou non. Un cinéma qui fait automatiquement appel à des notations précises afin de pouvoir articuler correctement, ou synchroniser deux ou plusieurs écrans — on peut ainsi appréhender un grand nombre de travaux de Paul Sharits comme Synchronousoundtracks (1973-1974), par exemple. Ainsi le paradigme musical est opératoire dans la mesure où il permet au cinéaste de réprendre des solutions utilisées dans l’agencement rythmique par les musiciens, allant jusqu’à interroger des composantes plus fines que l’artillerie lourde que serait la pseudo-unité minimale du cinéma, à savoir le photogramme. Ces composantes plus subtiles s’appréhendent à partir du moment où l’on tient compte du fait que le cinéma utilise des enchaînements sériels de photogrammes et que ceux-ci peuvent être travaillés dans leurs parties. Dès lors, la sérialisation favorise les relations et la constitution d’un matériau plus souple, mieux déterminé que le photogramme. Préoccupation qui rejoint le travail que les musiciens effectuent lorsqu’ils se posent des questions de textures dans la production sonore. Ainsi, dépassant les possibilités qu’offrait, au début des années soixante-dix, un rapport évident entre cinéma structurel et musique répétitive, le cinéaste et le musicien travaillent et mettent en scène des similarités de processus et de questionnements. Le modèle musical n’étant plus un modèle fonctionne comme paradigme uniquement pour les besoins du discours analytique. Ici, on ne fait plus face au rabattement d’une technique de composition d’un art à l’autre, mais à la similarité des questionnements que, par delà les pratiques, on retrouve dans chaque art à une époque donnée. Des lors, l’abandon des termes de figuration, d’abstraction de tonalité ou d’atonalité s’explique aisèment. Les problèmes ne se posent plus dans ces registres. Ainsi, un cinéaste pourra-t-il traiter certains points précis en recourrant à un type d’imagerie alors que seront abordés différement d’autres problèmes visuels.

Transformation que l’on pouvait déjà sentir chez certains cinéastes, alors que dominait sur la scène l’école structurelle qui, par son questionnement de tâcheron, finissait par tarir toute innovation. On entrait dans l’ère de la ruse et du jeu. Ainsi, Robert Breer, dans A Man and his Dog out for Air (1957), travaille d’une manière proche de celle qui correspond à la musique de Stockhausen dans le recours qu’il fait aux bruits collectés et redistribués comme fonds sonores qui habiteront l’image et lui donneront une autre portée — et dans ce film précis, une pseudo-réalité, tangible, naturaliste même, des piaillements d’oiseaux s’opposent au graphisme pour le moins abstrait qui constitue le film dans sa plus grande partie ; bruitage qui s’élève à une dimension musicale dans le jeu d’opposition qui le lie à l’image. Une dimension ludique se laisse entrevoir (comme dans la plupart des films de Robert Breer) par cette intervention du son sur l’image. Cette dimension se retrouve dans de nombreux films, qu’ils participent d’une esthétique moderniste (mais dans ce cas l’exception est de règle) ou d’une esthétique post-moderniste.

La musique classique, source d’inspiration vénérée par tant de cinéastes devient un élément dont on se moque allègrement dans un film comme Mause Machen Musik (1984) de Jochen Wolf. L’insolence s’exerce sur l’un des maîtres de la musique : Jean-Sébastien Bach. Et l’on sait que ce dernier a été assaisonné à toutes les sauces (ne serait-ce que par nous-même dans R (1975)). Dans le film de Jochen Wolf, on voit ce que l’on entend, les jeux ne sont pas similaires à ceux développés par Conrad, mais un événement va créer la surprise. Un tourne-disque joue une musique de Bach, le bras suit le sillon alors qu’une collision risque à chaque instant de se produire, et dont nos oreilles appréhendent le résultat. En effet, sur le disque, une souris grise se balade et court dans le sens opposé de rotation du disque. Chaque heurt avec le bras lui faisant perdre le contrôle de son action, précipite ce même bras à massacrer violemment ce célèbre morceau de musique, une toccata. On pourrait appréhender, selon la parodie, le film de Vanda Carter, Mothfight (1985) — quand bien même celle-ci n’est pas le projet initial de la cinéaste — dans la mesure où elle joue avec l’histoire du cinéma expérimental en se référant à un film célèbre de Stan Brakhage, Mothlight (1963), dans lequel il a collé des papillons sur la pellicule. Dans Mothfight une mouche virevolte en tous sens, se battant contre l’environnement obscur. Le côté parodique du film est renforcé par une musique originale qui elle–même semble parodier le “Vol du bourdon”. Ce film, dans l’usage qu’il fait des référents qu’ils soient musicaux ou filmiques, participe d’une esthétique post–moderniste.

Ainsi Tony Conrad dans ses films pleins d’humour (voir Boiled Films (1973), Pickeled Film (1974), etc.), se joue de notre attente comme dans Lucia (1977). Ce jeu avec le spectateur est une composante majeure de la tradition moderniste (voir Marcel Duchamp, John Cage, Andy Warhol, Hans Haacke, etc.). Dans ce film, “farce pour sémiologue”, l’image enregistrée est présentée comme appartenant à un ensemble de systèmes de significations. Trois enregistrements de Lucia di Lammermoor de Donizetti sont mis en scène. Un plan fixe d’un piano mécanique, où l’on voit défiler la bande perforée, les touches du piano jouant des notes qui ne correspondent pas à celles que l’on voit puisque ces trous que l’on voit n’ont pas encore été lus le cinéaste de fait, met à nu la séparation des lectures de l’image et du son telles qu’elles s’effectuent au moyen des projecteurs) ; des plans de la partition elle-même, et une bande-son nous jouant la même pièce de Donizetti mais cette fois-ci dans sa version d’opéra. Une fois de plus on voit bien ce que l’on entend mais, l’on n’entend pas ce que l’on voit, on entend une autre interprétation qui vient briser et dénoncer par-là même toute la prétention synesthésique que les cinéastes se sont appliqués à développer depuis si longtemps.

L’écart, ici, n’est pas photogrammique mais conceptuel et, dans cet écart, se glisse le ludique comme puissance d’investigation sérieuse et remise en cause des processus que travaillent les cinéastes. La non synchronisation délibérée de toutes ces versions de l’œuvre de Donizetti est particulièrement comique. Dans ce film, beaucoup des rapports entre musique et film sont mis en relation et c’est ce qui le rend exemplaire.

Lorsque la musique ne sera plus envisagée comme modèle incontournable alors, le cinéma deviendra peut-être un art. Après s’être dégagé non sans mal du littéraire, du pictural, le cinéma doit se débarrasser de la référence musicale afin de produire des travaux novateurs. L’humour, le jeu sont des armes pour engager ce combat qui découle de la crise de la modernité et que dénonce malhabilement le post-modernisme.

1 Sur ce point, voir l’entretien de Ian Christie et Tony Rains avec Klaus Wyborny (Afterimage, n°8-9, 1981) et le texte “Voir, entendre” de Paul Sharits (Afterimage, n°7, 1978), tous deux traduits par Alain Alcide Sudre in Musique, film : Scratch Cinémathèque française, Paris, 1986

2 Entretien de Bruce Conner avec Robert A. Haller, publié dans Film Culture, n° 67-69, New York, 1979

3 Vivian Ostrovsky dans Scratch n° 7, Paris, 1985

4 Brian Eno, catalogue New Music America 81, San Francisco, 1981

5 Pour une description plus détaillée de la technique utilisée, voir Séquences, n°82, Montréal, 1975

6 On pense à Ornemental Sounds (1932). Sur Fichinger on se reportera à l’excellente étude de William Moritz : The Films of Oskar Fischinger, Film Culture, n°58-60, New York, 1974

7 Conversation entre Y. Beauvais, M. Rousset et D. Wharry, Scratch n°7, Paris, 1985

8 C’est ce point qu’a étudié le cinéaste Victor Grauer avec “A Theory of Pure Film”, Field of Vision, n° 1, 1976, et n° 3, 1977-78.

9 Sur cette notion, voir Paul Sharits,” I Feel Free” in Georgia Museum of Art Bulletin, vol. 2, n°3, 1976-77

Le chant du poète, sur Gregory Markopoulos (Fr)

in Gregory J. Markopoulos 1928-1992 Rétrospective de 1940 à 1971, organisée par yann beauvais avec le concours de la Fondation Temenos, American Center Paris novembre 1995

Le travail cinématographique de Gregory J. Markopoulos est singulier autant qu’exemplaire. Sa spécificité marque tout le cinéma. C’est avec Du sang de la volupté et de la mort, qu il ouvre, dès 1947, une ère nouvelle dans le traitement cinématographique des formes narratives. Si, il est une figure souvent méconnue, cela vient de la difficulté de voir son œuvre depuis plus de 20 ans. Il s’installe en Europe à la fin des années 60, afin de se consacrer pleinement à son œuvre. Il ne montrera ses films qu’en de rares occasions dont il veut pouvait contrôler, à la fois la qualité des projections et des documents y afférents. Son œuvre est celle d’un précurseur solitaire créant de nouvelles formes cinématographiques qui ont a jamais marqué l’art cinéma.

Chaque film de Gregory J. Markopoulos transforme notre regard et la manière dont nous appéhendons le monde. La qualité plastique en est remarquable. Elle s’exerce sur les compositions à l’intérieur du cadre, sur l’enchaînements des séquences, sur la rythmique des couleurs, la symbolique des objets, l’incarnation des personnages, la maestria du montage autant que sur les relations entre l’image et le son. Voir un film de Markopoulos; en faire l’expérience, c’est éprouver un sentiment confus, mélé d’admiration et de fascination pour l’implacable habilité et l’élégance de la maitrise du médium — qui établit que le cinéma est un art véritable pouvant influencer tous les autres.

La porte entrouverte, une fois le seuil franchit, on quitte comme le protagoniste de Psyché, le monde quotidien : on entre de plain pied dans l’une des plus éclatantes manifestations du chant de l’art. Le cinéaste s’intêresse aux déambulations et aux quêtes de soi qui s’accompagnent d’une affirmation du beau, donc du bon (selon Platon). C’est en ce sens qu’il faut envisager le premier chef d’œuvre qu’est la trilogie: Du sang de la volupté et de la mort , qui propose au travers de trois films une errance à travers le paysage mental de quelques personnages. Dans des univers similaires, et malgrè la disparité des personnages, le destin de l’individu s’inscrit comme un accomplissement. L’accès à la plénitude — que celle-ci inclue– n’est pas aisé ; la sexualité ne change rien, dans la mesure où ces jeunes gens ne peuvent se réaliser pleinement en dehors de la découverte et l’acceptation de l’amour. Délicate affirmation qui veut que l’amour soit son destin, surtout lorsque celui-ci est socialement proscrit. Dans Psyché (premier film de la trilogie) sont étudiés les différents points de vues d’une rencontre dans laquelle l’héroïne éprouve de grandes difficultés à laisser parler sa sensualité. La crainte d’une pareille irruption se retrouve dans son évanouissement lorsqu’elle est touchée par le jeune homme. On retrouve, dans les cadrages, la marque de cette mise à distance par l’opposition chromatique entre les premiers plans et les arrières plans.

La subtilité du montage, le tissage de la narration au moyen de courtes séquences, semblent toujours anticiper, ou différer, ce que l’on voit et nous conduire dans une autre temporalité; temporalité proche de celle de certains rêves dans leur capacité à suspendre et téléscoper le temps. Ces séquences admirables de déambulations dans Los Angeles à la poursuite d’une image insaisissable préfigurent de manière exemplaires celles de The Dead Ones. Dans ce dernier film, les différentes scènes de poursuite et d’évitement affirment le désir de l’artiste pour Paul. La quête de l’autre s’accompagne simultanément d’une identification de soi, laquelle est inséparable de l’affirmation homosexuelle, même si la reconnaissance de cette réalité provoque l’errance d’une âme vis-à-vis de sa place dans le monde et par conséquent dans la société. Ce thème de l’amour homosexuel est constant dans toute l’œuvre de Markopoulos. Il est abordé de différentes manières dans les fictions autant que dans les portraits. Du sang de la volupté et de la mort, amorce déjà une grande sensibilité, ainsi les plans du jeune homme devenant un arbre près d’un lac dans Lysis(partie centrale de la trilogie). Dans Charmides (dernier volet de la trilogie), les séquences où un jeune homme torse nu, regarde intensément une rivière alors que des adolescents lancent des pierres au loin, évoquent un univers esthétique parfois proche de celui du photographe Herbert List, mais qui à la différence de ce dernier, serait en couleur. La rencontre des deux adolescents est énoncée par la juxtaposition de plans qui nous montre le torse nu de l’un, suivit d’un détail du torse et du sein de l’autre, puis un plan de la rivière, avant de revenir vers le premier garçon s’éloignant dans le parc. Le protagoniste de Charmides quitte un campus universitaire puis marche dans un parc et se retrouve dans une friche industrielle, pris dans un entrelas de tiges métalliques et de béton brut: incarnation d’un désir, dont la réalité est dévoilée aux moyens des surimpressions du jeune homme errant dans le couchant, qui clotûrent le film.

Il y a déjà dans la trilogie une grande maitrise dans le traitement d’une narration qui n’est pas classique. Elle s’apparente plus à l’élaboration d’un mythe, en dehors de tout psychologisme, au profit de fragment de récit initiatique qui ont à voir avec le rite, la mort et la transfiguration1. Le film inscrit le passage d’un état indifférencié vers la découverte de soi. Même l’Eros quasi endormi, du film Eros O Basileus, évoque les rites initiatiques qui célébrent la puissance de la vie et du désir.

Dans Psyché, Markopoulos démontre une extraordinaire virtuosité dans le montage récapitulatif, en sélectionnant quelques photogrammes de chacune des séquences constituant la trame. Dans Swain on retrouve ce même usage de la récapitulation qui précéde une série de surimpressions terminant le film. Cette utilisation de plans très courts, exploitée ultérieurement, devient prépondérante avec The Illiac Passion ou Gammelion, qui exploitent cette distribution des photogrammes et envisagent la progression d’un récit à partir de ces seuls indices. Ce traitement du film s’autonomise par rapport au contenu mythologique de The Illiac Passion. Gammelion de son côté exploite plus radicalement la séparation photogrammique et nous fait découvrir de manière sublime un chateau et son parc.

Avec The Illiac Passion, il n’est plus nécessaire de recourir à l’alibi psychologique afin de caractériser un personnage, le symbolisme d’un objet ou d’une couleur suffit. La marque du personnage, son inscription mythologique s’entrevoient par ses signes qui font du film l’élaboration d’une pensée intuitive. Ce déploiement s’organise visuellement selon une rythmique particulière : soit par la scanssion photogramique (variant de 1 à 24), soit par le glissement de surimpressions (de 1 à 4) ou encore par le recours aux fondus. Les surimpressions réalisées dans la caméra, travaillent la vision des personnages en manifestant une intériorité soudain rendue publique. On songe à Twice A Man32 , dans lequel le récit d’un amour interdit s’effectue par la sérialisation de temps distincts. Temps souligné de manière disjonctive par la bande son qui, brise la fluidité du souvenir par la syncope. Des aternoiements de sens manifestent l’inconscient de tous les personnages à la fois; comme si la production du mythe s’effectuait en dehors des personnages qui l’incarnent. On retrouve ce décalage avec la figure maternelle : agée pour le fils,mais toujours jeune pour la mère. Elle est une image atemporelle. La confrontation de ces deux images-temps est liée dans le défilement mais sans égard pour la chronologie. Les temps se côtoient, dénonçant ainsi la fidélité de la représentation. C’est aussi de cette manière que s’envisage la réactualisation du mythe pour Markopoulos. Le mythe échappe à la logique des récits, il fonde sa chronologie par une condensation qui n’est pas celle d’un rêve, puisque s’y greffe une revendication esthétique aussi précise que raffinée.

Il faudrait pouvoir s’étendre sur l’extraordinaire acuité avec laquelle Gregory J. Markopoulos travaille la mémoire, le souvenir, l’anticipation d’un événement qui est déja advenu. Il compose le temps, comme d’autres les motifs, aux moyens de surimpressions dans ses “films portraits” (Galaxie, The Olympian), de même qu’il compose l’espace, dans ses “films paysages” (Ming Green, Bliss ou Sorrows). Dans Twice A Man et dans The Illiac Passion, il entremêle des séquences favorisant une perception diffuse des événements libres de toute logique discursive. Et ceci grâce aux ruptures et aux explosions photogrammiques (véritable pyrotechnie) –irruptions soudaines de séquences, qui viennent heurter le développement linéaire au profit d’un temps suspendu. On peut aussi appréhender l’utilisation de la couleur. Le jeu avec les expositions qui fait alterner les saturations avec les blanchissements et les filtrages colorés (Swain) est alors essentiel. On passe d’un plan « normalement exposé » à un plan viré au bleu, scandé par quelques photogrammes rouges dans Psyché. L’utilisation rythmique de la couleur en rajoute sur la signification; elle teinte dans tous les sens du terme le mythe en lui adjoignant une symbolique particulière qui n’est ni secondaire, ni anecdotique. On se souvient de l’ouverture de Gammelion, qui par son utilisation du « flicker » pulsant la matière, la lumière et la couleur, nous propulse dans un autre monde.La richessse d’inventions se retrouve également dans l’irruption de plans de détails qui brisent la continuité d’une action, un déplacement d’un personnage, ou d’un mouvement de caméra comme dans Twice A Man. Cette forme nous indique des significations, que l’on doit activer. Comme si face à des hiéroglyphes ou une partition, nous devions en proposer une lecture sans avoir aucune clef pour la déchiffrer hormi celles de l’esthétique et de la plastique. C’est en ce sens qu’il faut comprendre l’importance de la qualité photographique des films de Markopoulos. La composition dans le cadre est prépondérante. Elle répond à des critères précis qui facilitent, au moyen de l’éclairage, l’effacement des détails ou l’irruption de traits, le surgissement de zones d’ombres. Tout cela favorise la production d’un appareil esthétique qui met en jeu les constituants mêmes du cinéma. De même, le recours au fondu dans la trilogie annonce les fondus de surimpressions de Galaxie, puis dans les emboitements kaleïdoscopiques de surimpressions des films plus tardifs : The Olympian (surimpressions faites dans la caméra), Index – Hans Richter (surimpressions faites à la prise de vue et au tirage, qui mêlent les qualités des fondus), ou Saint Acteon (dans lequel il n’y a pas de surimpressions, c’est le rythme des plans très courts qui crée cet effet), et préfigure, d’une étrange manière, les films de paysages comme Gammelion, Bliss ou Sorrows. La précision des surimpressions dans Eros, O Basileus ou The Illiac Passion et Bliss renvoie à l’idée d’annonciation et du même coup révèle le caractère sacré de l’art de Markopoulos alors que la délicatesse des surimpressions de Sorrows travaillent la tonalité du motif: le parc et la maison de Wagner à Triebschen.

Le son des films participe de ces mêmes stratégies; il n’est pas occulté bien au contraire. Il favorise les confrontations. L’irruption sonore de la pluie et de l’orage dans Twice A Man, des chants d’oiseaux dans The Illiac Passion et dans Himself as Herself, le chant des criquets dans Eros, O Basileus, le bruit des sabots de cheval dans Gammelion, réinscrivent le mythe dans une dimension de la nature. Les aventures humaines ne pouvent s’extraire des cycles de la nature, à son fatum. On ne peut oublier la force de l’ouverture de Twice A Man, qui dans le noir de l’écran fait entendre le son de la pluie pendant près de deux minutes. Par ailleurs, lorsque les voix off profèrent des textes, elles le font en décomposant la phrase en une suite décousue de mots scandés, parfois associé à celui qui le précèdent ou le suit, en boulversant la linéarité d’une prose démonstrative. On entre dans le domaine de la poésie et de son appréhenstion rythmique du mot. Les mots, à la manière des images, deviennent matière à façonner ;par exemple les quelques phrases de Gammelion. Ainsi Twice a Man et The Illiac Passion, dans lequel la voix n’explique pas ce qui se déroule, mais produit des effets de sens supplémentaires aux images, aux séquences. La reprise d’un même mot sur des plans différents induit l’indétermination des référents. Cependant, on ne peut parler de montage sonore dissonant. Les relations existent entre les images et les sons et c’est à nous d’activer les potentialités qu’elles enferment ; il s’agit de partager une idée par la vue et l’ouie. La musique répond ainsi à des critères tout aussi précis que la composition du cadre. La musique n’est pas là pour signifier l’image. Par son articulation à l’image, elle permet une meilleure communion du partage de l’idée.

Gregory J. Markopoulos travaille les images comme les sons de manière à nous transporter au delà, dans un état proche de l’hypnose, nous atteignons ainsi le domaine du film as film. C’est ainsi qu’il faut comprendre les coup de gong qui scandent chacun des portraits de Galaxie, inscrivant une tension de plus en plus forte au fur et à mesure que le film se déroule.

L’œuvre de Markopoulos inscrit et promeut l’idée d’un art qui élève et s’apparente ainsi à celle que défendait Nietzsche lorsqu’il disait « Celui qui ôte est un artiste celui qui rajoute un calomniateur« 2 3. Comme toute œuvre majeure, celle de Markopoulos parle d’un ailleurs que seuls quelques élus peuvent partager. Gageons que cette première rétrospective permette d’ouvrir un espace de communion entre cette œuvre singulière et ses spectateurs.

yann beauvais , octobre 1995

1 C’est pour cela que l’on ne peut jamais parler d’adaption de livre chez Markopoulos, le support littéraire est source d’inspiration, on ne retrouve pas une fidélité dans l’adaptation, encore moins le shéma d’une histoire, à moins que Serenety ne soit l’exeption à la règle.

32 Le titre de ce film renvoit-il à l’expression double mâle et qu’éructe Mignon dans Notre Dame des Fleurs de Jean Genet.

23 Friedrich Nietzsche : Humain trop Humain Fragments posthumes 16(22) Œuvres philosophiques complètes Tome III volume 1, Gallimard Paris 1968

The Song of the Poet ; on Gregory J. Markopoulos (Eng)

in Gregory J. Markopoulos 1928-1992 Retrospective de 1940 à 1971, conceived by yann beauvais with the help  from Temenos Inc,  American Center Paris november 1995

The cinematographic work of Gregory J. Markopoulos is as singular as it is exemplary. Its specificity has marked cinema as a whole. In 1947, with Du sang de la volupté et de la mort, Markopoulos opened a new era in the cinematographic treatment of narrative forms. If he has remained little-known figure, it is because of the difficulty of seeing his work over the last twenty years. Gregory J. Markopoulos settled in Europe in the late sixties in order to devote himself entirely to his works. He only showed his films on rare occasions, always attempting to guarantee the quality of the projection and the attendant documents. His « œuvre » is that of a solitary precursor creating new cinematographic forms which have left a lasting imprint on the art of cinema.

Each film by Gregory J. Markopoulos transforms our gaze and our manner of apprehending the world. The plastic quality of his work is remarkable. It appears in the composition within the frame, the linkage of sequences, the rhythm of colors, the symbolism of objects, the interpretation of characters, and the consummate perfection of the editing, as well as the relations between image and sound. To see a Markopoulos film is to experience a confused feeling of admiration and fascination for his implacable skill and elegant mastery of the medium – confirming that cinema is a veritable art, capable of influencing all the others.

The door swing open, the threshold is crossed, and like the protagonist of Psyché we leave the everyday world behind, to step into one of the most brilliant manifestation of the song of art. The filmmaker is interested in wanderings and quests for the self, when they are accompanied by an affirmation of the beautiful and thus of the good (as in Platonic equation). This is the way we should approach the first masterpiece, the trilogy with Du sang de la volupté et de la mort, which proposes an errant path through the mental landscape of a few characters over the length of three films. The destiny of the individual is inscribed as a fulfillment taking place within similar worlds, despite the disparities between the characters. Access to this plenitude is easy; and sexuality changes nothing here, since these young people cannot fulfill themselves completely outside the discovery and acceptance of love. This delicate affirmation maintains that loves is a destiny, particularly when it is forbidden. In Psyché – the first film of the trilogy – one sees various viewpoints on an encounter in which the heroine experiences great difficulties in giving voice to her sensuality. The fear of such expressivity reappears in her fainting spell at the touch of the young man. The framing bear the mark of this same distancing, in the chromatic opposition between foreground and background.

The subtleties of the editing and the gradual weaving of the narrative through the use of short sequences always seems to anticipate or defer what we actually see, leading us into another temporality, closer to that of certain dreams in their capacity to suspend or collapse time. The admirable sequences of wandering journey through Los Angeles in pursuit of an ungraspable image offer an exemplary prefiguration of The Dead Ones. In this latter film, the various scenes of pursuit and escape confirm the artist’s desire for Paul. The quest for the other is simultaneously accompanied by an identification of the self, which is inseparable from the affirmation of homosexuality – even if the recognition of this reality provokes the errancy of a soul with respect to its place in the world, and therefore its place in society. The theme of homosexual love is a constant in the « œuvre » of Markopoulos. It is approached in different ways in the fictions and the portraits? Already in with Du sang de la volupté et de la mort a deep sensibility is unveiled, a love of beauty is affirmed: we see it in the shots of the young man turning into a three, in a seen near a lake in Lysis (at the center of the trilogy). In the last of the three films, Charmides, sequences of a bare-chested young man gazing intensely at a river, with adolescents throwing stones in the distance, evoke an aesthetic close to that of the photographer Herbert List; but here the work is in color. The encounter of the two adolescents is announced by a juxtaposition of shots showing us the bare chest of the one, followed by a detail if the other’s torso and breast, then by a shot of the river; before returning to the first boy moving off into a park. The protagonist of Charmides leaves a university campus, then walks across a park and finds himself in an industrial wasteland, caught in a tangle of metal bars and raw concrete: the embodiment of a desire whose reality is unveiled by means of superimposition of the young man wandering through the sunset at the close of the film.

The trilogy already displays a great mastery of unconventional narration, related more closely to myth; the narrative is stripped of all psychology, in favor of fragments of an initiatory tale bordering on ritual, death, and transfiguration1. The film inscribes the passage from an undifferentiated state toward the discovery of the self. Even the sleeping Eros – close to hypnosis – of Eros, O Basileus evokes initiatory rites celebrating the power of life and desire.

In Psyché, Markopoulos demonstrates an extraordinary virtuosity in recapitulation editing, selecting a few frames from each sequences that structure the work. In Swain we rediscover this same kind of recapitulation, preceding a series of superimposition which complete the film. This use of very short shots will be employed again later on, and becomes preponderant in The Illiac Passion and Gammelion, both of which exploit a similar distribution of single frames and shape the narrative on the basis of those clues alone. This filmic treatment gains its autonomy with respect to the mythological content of The Illiac Passion, while Gammelion more radically exploits the separation of individual frames, leading us the sublime view of a « château » and its surrounding park.

With The Illiac Passion there is no longer any need to fall back on a psychological alibi in order to establish character; the symbolism of an object or a color suffices. The character’s mark or psychological inscription can be glimpsed by these signs, which make the film into a creation of intuitive thinking. Its deployment is visually organized according to a particular rhythm: either by the rate of the single (varying from one to twenty four), by the layering of superimposition (from one to four), or by the use of dissolves. Effected inside the camera, the superimposition work on the vision of the characters, manifesting an interiority that is suddenly rendered public. We dream with Twice a Man,2 in which the narrative of forbidden love is elaborated by the serialization of distinct times. Time is underlined disjunctively by the soundtrack, which breaks the fluidity of memory by syncopation. Delays of meaning manifest the unconscious of all the characters at once, as though the production of myth took place outside the characters who embody it. This same split returns with the representation of maternal figure: at once and for the son and always young for herself, she is a timeless image. The confrontation of these two « image-temps » is linked in the unfolding of the film, but not in the chronology of the story. The times meet, denouncing the accuracy of representation. This is how Markopoulos envisages the reactualization of myth. Myth eludes a condensation which is not that of the dream, since it is intertwined with an aesthetic aim as precise as it is redefined.

It would take pages to described the extraordinary acuity with which Gregory J. Markopoulos works on memory, knowledge, and the anticipation of events which have already happened. In his « portrait films » (Galaxie, The Olympian) he composes times as others do motifs, by means of superimposition, just as he composes space in his « landscape films » (Ming Green, Bliss and Sorrows). In Twice a Man and The Illiac Passion he mingles sequences encouraging a diffuse perception of events, freed of any discursive logic. He accomplishes this through abrupt transitions and explosions of single frames (a veritable pyrotechnics) – sudden eruptions of sequences that upset the linear development to the benefit of a suspended time. One can also consider the use of the color. The use of colored filters and the play of exposures swinging from saturated to faded hues (Swain), are essential. In Psyché, we pass from a « normal exposure » to shot that has been shifted to blue, punctuated by a few red frames. The rhythmic use of color reinforces the meaning; the myth is tinted, literally and metaphorically, with the addition of a unique symbolic that is neither secondary nor anecdotal. One recalls the opening of Gammelion, where the use of the flicker lends pulsation to matter, light, and color; propelling us into another world. This same wealth of invention is also found in the interruption of detail shots which breaks the continuity of an action, cutting into a character’s course or a camera movement, as in Twice a Man. This form points to signification which we must activate. It is as though we were placed before hieroglyphics, or a musical score, and had to propose a reading without any key to the code except that of the aesthetics and plastic substance. It is in this sense that the photographic quality of Markopoulos’ films should be understood. The composition within the frame is of first importance. It responds to precise criteria, whereby the lighting facilitates a blurring of details or a sudden appearance of traits, an emergence of shadow zones. All this favors the production of an aesthetic ensemble that puts the very constituents of cinema at risk. In the same way the use of the dissolve in the trilogy announces the fade-overs between superimposed sequences in Galaxie, then the kaleidoscopically interlocking superimposition of the later films, The Olympian (superimposition made within the camera), Index Hans Richter (overlap made while shooting as well as in the printing , mixing the fading), and Saint Acteon (no superimposition. It is the rhythm of the very short shots that create the illusion); it also strangely prefigures the landscape films such as Gammelion, Bliss, and Sorrows. The precision of the superimposition in Eros, O Basileus and The Illiac Passion or Bliss refers us to the idea of annunciation and thus reveals the sacred nature of Markopoulos’ art, while the delicate superimposition in Sorrows inflect the tonality of the motif (Wagner’s home and garden in Triebschen).

The sound of the films partakes in these same strategies. It is not muted, obscured; quite the contrary, it encourages confrontations. The outbursting sound of the rain and the storm in Twice a Man, the birdsong in The Illiac Passion and Himself as Herself, the song of the crickets in Eros, O Basileus, the sound of horse’s hooves in Gammelion, all reinscribe myth into natural dimension. Human adventures cannot be torn away from the cycles of nature, its fatum. The force of the overture in Twice a Man, which lets the sound of the rain be heard from the dark screen for almost two minutes, is unforgettable. Elsewhere, when off-screen voices proffer texts they decompose the sentences into disjointed sequence of accentuated words, some of which are run together with the preceding or following ones, upsetting the linearity of demonstrative prose. Here we are in the field of poetry and of the rhythmic apprehension of the word. Like images, words become material to be shaped artistically: for example, the handful of sentences in Gammelion. The voices in Twice a Man and The Illiac Passion do not explain what is happening, but produce effects of meaning which are supplementary to the images and sequences. The return of the same word against different shots induces an indetermination of references. But one cannot speak of discrepant sound montage. Because relations exist between the images and the sounds, we must activate the potentials they enclose: it is a matter of an idea shared out between sound and sight. The use of music follows criteria no less precise than those for the composition within the frame. The music is not there to signify the image. By its articulation with the image it allows a better communion of the shared and divided idea.

Gregory J. Markopoulos works on images and sounds in such a way as to transport us beyond, in a state near hypnosis, where we reach the domain of « film as film ». Here lies the meaning of the resonating gong that punctuates all the portraits of Galaxie, marking a tension that grows more intense as the film unfolds.

Markopoulos « œuvre » inscribes and promotes the idea of an art that elevates, that takes off from its ground. Thus it rejoins the idea that defended Nietzsche:  » He who takes away is an artist, he who adds is a slandered. »3 Like any major body of work, these films speak another world that only a select few can share. Let us wager that this first retrospective can open a space communion between a unique œuvre and its viewers.

yann beauvais, October 1995

1 This is why one can never speak of the adaptation of a book in the films of Markopoulos, where the literary basis is a source of inspiration. There is a nofaithfulness in the adaptation, even less the outline of a story, although Serenity may be an exception

2 Could the title of this film be a reference to the expression « double mâle » which pops from Mignon’s mouth in Jean Genêt ‘s Notre Dame des Fleurs?

3 Friedrich Nietzsche, Human, All Too Human, (posthumous fragments) 16 22. Complete philosophical works, Tome III, Volume 1, Paris 1968