Hart of London de Jack Chambers (Fr)

in le Je filmé,  ed yann beauvais et Jean-Michel Bouhours, Centre Georges Pompidou Paris 1995

Jack Chambers fût plus connu pour son travail de peintre que pour ses films. Son œuvre cinématographique appartient au « personnal cinéma », elle a été célébrée comme essentielle par Stan Brakhage.

Jack Chambers n’a terminé que six films dont deux appartiennent à la catégorie des journaux filmés. Il s’agit de Circle (1968-69) et de Hart of London (1968-70). La réalisation de ses deux derniers films fait échos à la revendication et à l’affirmation du « Réalisme perceptuel »1 et qui veut que plus on est familier avec les expériences qu’apportent la perception, plus on devient conscient de la douceur de l’inter-communion de soi vis à vis des choses. La qualité de la réception est une communion qui influence le monde extérieur. Cet article est un véritable manifeste sur la vision .

Ses deux derniers films travaillent la perception et la manière dont on s’ouvre à ses mécanismes. En quoi ces derniers modifient notre rapport au monde, et à la nature. Si l’objet de Circle se réduit à un plan de l’arrière cour de son jardin filmé chaque jour pendant un an, le traitement photographique de cet espace est conditionné par les variations de lumières qui en transforment notre perception et inscrivent l’écoulement du temps cyclique dans les couleurs autant que dans la profondeur de champ.

De son côté Hart of London est constitué majoritairement de bandes d’actualité sur la petite ville de London dans l’Ontario, entrecoupé de séquences tournés par le cinéaste. Ce film est une médiation sur la vie et sur la mort et s’interroge sur le destin. En effet le film s’ouvre sur la capture d’un cerf qui s’est égaré dans la ville de London. Cette capture se terminant par l’abattage du cerf. Un écho de cette scène d’ouverture se retrouve à la fin du film lorsque les enfants de Chambers donne à manger à un cerf dans un zoo, au début la crainte maintient les enfants à distance de l’animal, petit à petit la confiance s’instaure, l’animal leur léchant les mains après s’être nourrit.Le cinéaste pouvant alors quitter ce lieu pour diriger son regard vers le ciel en une suite de rotations passant du ciel à la terre et de la terre au ciel.

Hart of London est proche du journal filmé autant que du reportage. L’univers est fragmenté: suite de plans de sa femme et de ses enfants, construction dans une usine, mariage, des chevaux dans des champs. On passe d’images blanchies, presque abstraites car difficilement discernables à des images plus lisibles, reconnaissables qui nous préparent à voir enfin. Et en effet on voit la simultanéité de la naissance et du trépas proposé dans deux séquences alternées. La première nous montre l’abattage et le dépeçage de moutons dans un abattoirs en Espagne (tourné par Chambers) avec la naissance au moyen de forceps d’un garçon. Dans les deux cas le sang est omniprésent qui inscrit la vie par delà la mort et inscrit la perpétuation des races, on voit dans le sacrifice des moutons le tribus offert à une nouvelle vie. Transformation, prolifération la vie se perpétue dans un flux continus d’images. La section centrale du film est suivit d’évènements qui dépeignent le quotidien, un garçon allant se baigner en plein hiver dans la Tamise, des passants, des travailleurs etc. La majeur partie du film est en noir et blanc, sauf en ce qui concerne la section centrale et les séquences finales qui s’apparente à des homes movies avec leurs couleurs acides. Hart of London convoquent un grand nombres de techniques pour inscrire la vision du cinéaste: les retours, les reprises, les surimpressions, les flous, l’usage des sons ambiants, ou son absence soudaine nous permettent ainsi d’appréhender la diversité de la vie. Vision inséparable d’un projet autobiographique qui veut que le cinéaste s’attache à faire le portrait de son environnement et de ce qui le relie à ces évènements autant qu’a ces lieux. expérience partageable par delà les particularismes de son histoires et des lieux qu’il a dépeind.

1 L’article de Jack Chambers intitulé Perceptual Realism à été publié par Artscanada 5 Octobre 1969.

Sur l’ensemble de l’oeuvre de Jack Chambers voir le numéro spécial The Capilano Review Jack Chambers Films Numéro 33, Victoria 1984 Et Bruce Elder From Painting into Cinema A Study of jack Chambers ‘ Circle revue d’études canadiennes Vol 16, N°1, 1981