La vidéo selon Edson Barrus (Fr)

in Revue&Corrigée n° 77 septembre 2008 et Revue&Corrigée n° 78, décembre 2008

La vidéo selon Edson Barrus

C’est en conversant avec Edson Barrus que je réalisais qu’il avait commencé à faire des vidéos à la suite de la présentation de l’exposition  Arte Cinema, dont j’avais été un des commissaires. Cette exposition proposait un panorama du cinéma expérimental et des films d’artistes américains et européens des années 60 et 70 en les mettant en rapport avec la pratique des plasticiens brésiliens qui au début des années 70 ont fait des films qui interrogeaient le cinéma en en faisant une pratique qui privilégiait plus l’action réalisée pour le film qu’ils ne s’intéressaient à travailler le matériau-cinéma comme le faisait alors les cinéastes américains et européens.

La possibilité de voir quelques-uns de ces films a facilité la commutation du travail d’Edson Barrus. En effet peu ou pas satisfait des usages et définitions que les pratiques académiques d’une avant-garde artistique qui perpétue la hiérarchie des beaux-arts -quand bien même elles reconnaissent l’existence de nouvelles pratiques-  pour laquelle il n’est d’art en dehors de la peinture et de la sculpture, le cinéma et la vidéo offraient alors une alternative vraiment efficace pour s’en distinguer, même si cela peut sembler au premier abord paradoxale. Cette émancipation du territoire de l’art consacré, qui s’accompagne d’une sanctification du travail d’Hélio Oiticica et de Lygia Clark selon des grilles d’interprétation  qui ont tendances à les « parquer dans certaines catégories »  et  à les cantonner à certaines pratiques permet ainsi, d’esquiver une radicalité et des lectures du contemporain (où devrait-on parler de territoire sacré de l’art ? ). Elle ouvre alors un champ de possibles dont Edson Barrus se saisit en travaillant avec cet outil qui est à portée de main, et dont les coûts  sont relativement modestes.

 

Si les premières bandes et installations apparaissent simples, c’est que sont privilégiés l’enregistrement d’une action. Il s’agit souvent du même geste, répété encore et encore. Les répétitions montrent que ce qui est au cœur du travail n’est pas tant le geste lui-même que le processus, qu’un tel geste déclenche. La répétition façonne notre perception autant qu’elle transforme l’objet sur lequel elle s’exerce. Nous sommes en présence d’une proposition, une performance qui met en scène un processus se déployant dans le temps et dont le filmage rend compte plus ou moins intégralement dans la durée. Le film n’est cependant pas un document de l’action, il informe de l’action en cours. Cela relève du constat. Et c’est parce que cela relève du constat que la conclusion de l’action filmée nous est rarement proposée. Les quelques exceptions sont importantes dans la mesure où elles s’inscrivent alors dans un espace narratif qui sera déjoué en fonction de la mise en espace de la bande.

Au moment où Edson Barrus se lance dans la vidéo, vers 1997-98, rares sont, au Brésil, les œuvres qui privilégient le low tech [1]autant en ce qui concerne l’enregistrement que le montage. La vidéo de création domine le formalisme de quelques propositions ou la sophistication des productions est telle, qu’elles inscrivent la pratique de la vidéo comme art : art vidéo, mais surtout elles s’inscrivent dans une économie qui participe à la fois du cinéma autant que de la télévision[2]. Ces travaux s’écartent ainsi de la singularité de cet outil, par leurs coûts et leur révérence à la division du travail qu’impose le professionnalisme. En effet, le recours à des équipements de masse autorise une réactivité, une immédiateté patente, qui permet à chacun de faire ses propres programmes au moyen de ses images. On entre ici dans un nouvel espace (inhérent à la quotidienneté) qui fait de celui qui montre (play, re-play) un exécutant tout aussi important que celui qui enregistre. L’écart entre l’enregistrement et sa diffusion à l’écran est minimisé. Cet usage bouscule ainsi les habitudes des réflexes professionnels à travers une réintroduction des bandes dans le circuit dont elles émergent. Cette habitude de montrer quasiment dans l’instant l’enregistrer est une des caractéristiques de la structure Rés do Chão, espace de vie expérimental  établi et supervisé par Edson Barrus de 2002 à 2006.[3] Cet usage, cette diffusion quasi immédiate de l’enregistré dans son lieu d’émergence constitue véritablement une expansion du feedback[4], appliqué au lieu comme médium.

L’année 1998 est importante, dans la mesure où elle inscrit la vidéo comme nouvel outil dont s’empare Edson Barrus. Jusqu’alors sa pratique se déployait dans le champ des arts visuels et principalement de la sculpture qui par-delà les objets convoquait autant la performance que l’installation. Une certaine théâtralité s’affirme en regard de la performance (qu’elle soit filmée ou non). De la même manière, la spatialisation  de pièces comme Boca Livre, ou dans les installations du Projet Cão Mulato est essentielle car, elle interroge la place accordée à l’image en mouvement en confrontant les temporalités de l’exposition et de la projection. Cette confrontation sape la domination de l’image en mouvement selon des stratégies d’exposition qui soient, les brouillent par l’adjonction d’objets[5] parasitant l’écran, en un mot les noient, soit les disqualifient en tant que tel. Elles deviennent parties d’un dispositif plus large qui les incorpore. Elles sont alors moments, et éléments de l’installation et non pas l’instrument de celle-ci.

On constate déjà, chez Edson Barrus une distance vis-à-vis de l’image en mouvement, qui s’amplifiera au fil des ans et qui le conduira à privilégier une apparente nonchalance quant à l’image vidéo. Cette inattention souligne que ce qui importe Edson Barrus ; ce n’est pas tant l’image en elle-même que les processus que ces images en mouvements déploient. Ici il n’est guère question de fétichisation de l’image, elle a peu d’importance en tant que telle, ce qui importe c’est ce qu’elle permet de travailler, ce que l’enregistrement met en jeu, autant que le dispositif que la monstration déploie et qui duplique fréquemment l’enregistrement tout en le décalant. Avec le Rosário, la fabrication et l’exécution minutieuses de ces pliages sont masquées par le chapelet déposé sur l’écran de télévision. La régularité de la tâche se comprend au moment où on s’approche de l’écran afin de voir autant l’image que l’objet. La perception de l’objet dévoile du même coup le processus de fabrication de ce Rosario. Le processus qui est quasiment sans fin détermine par conséquent la durée de la présentation qui peut-être variable à l’image du processus de fabrication qui peut se perpétuer.

Toutes les premières vidéos privilégient le plan fixe, parfois : le plan séquence. L’action est cadrée, la reproduction suggère en apparence une adhérence entre la restitution et l’enregistrement. Cependant, les écarts temporels se manifestent dans le son de chaque bande. La continuité est construite par la répétition du même geste, ou de la même action et ce indépendamment de la conformité linéaire de ce même geste ou action. C’est le son de la radio, qui marque les interruptions. Il ouvre un ailleurs.

Cet ailleurs, est essentiel pour la vidéo, qui à la différence du cinéma est d’emblée sonore et synchrone. Ce synchronisme est travaillé par Edson Barrus comme a-synchrone puisqu’il incorpore souvent dans ces premières vidéos un son extérieur à l’image (la radio diffusant un programme musical ou d’information quelconque) qui nous transpose de ce fait dans un autre espace renforcé au fil du temps.  Le montage s’effectue alors dans le mixage du son de l’action (Lavo as mãos, Quem et même Boca Livre ; tous de 1998) avec celui de la radio autant que par les coupes dont on prend conscience selon les conditions spécifiques de présentation des bandes.

Ces premières bandes sont travaillées avec une caméra vhs grand public, par la suite, Edson Barrus utilisera une hi-8 et puis un appareil photo numérique et une mini-dv. Les outils dont l’artiste se sert sont communs, un équipement de masse qui revendique l’importance  du faire sur les privilèges du professionnalisme qu’ils s’agissent de celui de l’industrie audio-visuel ou celui du marché de l’art. Cet usage convoque les pratiques du cinéma expérimental qui se sont appropriées les outils du marché afin d’explorer et  de définir un autre usage du cinéma, un cinéma à la première personne[6]. Un cinéma qui a façonné de nouveaux territoires d’expressions et, qui en s’emparant des outils les moins nobles de l’industrie cinématographique, ceux, destinés au grand public, a su développer un cinéma pour lequel l’expression d’une subjectivité n’a pas à être médiatiser par un personnage, une fiction…  De la même manière dans les années 90 plusieurs artistes américains[7] utiliseront les caméras jouets Fischer Price qui étaient avant tout destinés aux enfants. Ce recyclage des instruments accompagne souvent un recyclage des images. Cette tendance s’est fortement réactualisé dans le cinéma et la vidéo des années 80 et 90. Nous verrons en quoi l’usage qu’en fait Edson Barrus est singulier.

La disponibilité des outils de filmage permet à Edson Barrus de s’éloigner plus encore de la production d’objet d’art. Au moyen du film autant que dans ces dernières, Edson Barrus remet en cause la pérennité de l’œuvre. L’objet qui est souvent le but ultime de la production, est annihilé, une fois l’exposition faite, il n’en reste rien ou quasiment. À cet égard le parangolata (que l’on pourrait qualifier d’instrument musical sous la forme d’un vêtement) et les performances qui en découle,sont importants, car d’une part ils se différencient du parangolé de Hélio Oiticica qui incorpore la samba dans le champ de l’art à travers un  vêtement fait pour danser. Il accompagne la samba, il est plastique, mais n’est pas sonore lui-même. Ce vêtement est d’apparat, on en conserve sa trace, il est aujourd’hui une relique ; de son côté, le parangolata est un instrument sonore qui implique dans son usage, autant une dispersion sonore que physique ; son épuisement. Il relève de la combustion, il se réalise dans l’auto combustion on voit alors le parallèle entre le parangolata et l’ampoule qui s’enflamme, autre objet-performance d’Edson Barrus. Les traces en sont quelques vidéos qui témoignent d’une mise en espace d’un lieu investi par l’artiste autant que par les spectateurs pendant la durée de l’exposition. Chaque présentation est non seulement inhérente au lieu, mais elle est aussi un chantier, où mieux un laboratoire ou s’expérimente le travail à travers une re-élaboration de la proposition. C’est en ce sens qu’il faut alors distinguer ce qui se fait entre Boca Livre et Cão Mulato[8].

L’usage du film, de la vidéo permet d’interroger d’autres zones et lieux des pratiques d’art. En se saisissant de la caméra, Edson Barrus ne cherche pas à se confronter à l’histoire du cinéma (expérimental ou non), ni non plus aux usages qu’en font les plasticiens, il recourt à des outils qui sont devenus communs et qui permettent à chacun de faire des images. Son appropriation est critique. Cette critique ne procède pas d’une analyse marxiste et matérialiste telle que produite par Malcolm LeGrice[9] et Peter Gidal en Angleterre qui ont su très bien démontré en quoi les outils façonnent la représentation et un type de spectacle cinématographique privilégiant la narration la plus éculée. Des approches similaires se retrouveront en Allemagne avec les Hein, ainsi qu’en Pologne à la même époque.  C’est parce qu’ils sont disponibles que ces outils sont essentiels pour Edson Barrus. Mais cela ne leur confère aucune primauté. L’outil à portée de main sera toujours privilégié. La caméra (quelle qu’elle soit) est tenue à la main, jamais de trépied. Elle est prolongement du corps comme elle l’est pour nombres de cinéastes super 8. À la fin 2006, Edson Barrus utilise fréquemment un téléphone portable pour filmer des séquences très courtes, qui sont mises bout à bout avec très peu de montage. Les films comme La choukrane (2007) ou  Surportable II (2007) jouent des écarts entre le pixel et les motifs en mouvement induit par leur transfert sur l’ordinateur.  Il est important de souligner qu’Edson Barrus ne filme pas avec le viseur de la caméra mais en recourrant à l’écran de contrôle. Le contrôle du cadrage est différent, ce n’est plus l’œil qui dirige et façonne l’image mais la main. L’image devient tactile, l’image devient respiration. Lorsqu’il recourt à l’appareil photo numérique qui lui permet de filmer des séquences de trois minutes, alors l’appareil est tenu en avant avec les deux mains afin d’assurer une meilleure stabilité et un plus grand contrôle du cadrage. Cette durée, autonomie de trois minutes (et plus selon l’appareil), s’apparente à  la durée des cartouches de super 8. Un autre trait relie ces deux medium, c’est la définition de l’image, le grain dans un cas les pixels dans l’autre, et qui est encore accentuée avec les portables.  La pauvreté apparente de l’image du super 8, de l’appareil photo numérique (3M de pixels) et du mobile signe les films qui sont pour la plupart fait dans l’instant. Capter sur le vif, dans l’urgence. This is My Heart (2004) n’aurait pu être réalisé autrement qu’au moyen d’un appareil photo numérique, dans le métro de Berlin. Il s’agit d’un film capté à la dérobée, ou le son joue un rôle prépondérant. C’est le son qui nous fait comprendre le cadrage, qui le justifie. Avec ce film que ce n’est pas tant la reproduction d’un événement qui importe pour l’artiste que la capture de ce moment unique qui à chaque projection nous interroge. L’actualité du questionnement de cette femme afro américaine, qui hurle dans le métro face à l’indifférence et au racisme se répète d’une projection à l’autre. Au cri de la femme, exhibant un cœur de verre rouge répond le silence embarrassé des passagers de la rame, tout autant que le nôtre, qui, assistons à la projection. Ce film évoque par sa facture un autre film d’Edson Barrus : Palestine Libre (2004). Dans les deux cas l’absence de montage participe de l’affirmation du tourné monté. Il s’agit de film constitué d’une prise unique comme on le voit dès Rede (2002) puis dans  Avenida Paulista, V,- 2,  (tous de 2004) Volta Completa,(2005) ou même Deus me Louvre (2006). Mais ces films à la différence de This my Heart, Palestine libre, ou Páginavirada (2006) mettent en scène des parcours urbains ou bien encore la quête de la Joconde à travers les méandres du Louvre. Le tourné monté est une pratique à la fois très simple, il suffit d’enregistrer et cet enregistrement est ce qui est projeté. Pas de travail secondaire. Le tourné monté présuppose à la fois une grande maîtrise de la caméra (bien que ce ne soit pas tout le temps nécessaire) autant qu’une modestie par rapport aux conditions de capture inhérente à cette manière d’envisager la pratique cinématographique. Ce n’est pas par hasard que cette manière de filmer a été validée à la fois par les cinéastes structurels (d’un point de vue conceptuel) autant que par les cinéastes qui font des journaux filmés et plus particulièrement ceux qui travaillent avec le super 8 (garant d’authenticité). Le tourné monté impose un cadre de tournage dans lequel le cinéaste va gérer ce qui est filmé. Il peut s’agir de filmer une performance, ou une action conçue pour la caméra (dans le cas de films de plasticiens des années 70) ou bien encore profiter des limites temporelles imposer par le cadre de la cartouche de super 8, ou bien de la durée  de capture de l’appareil photo numérique. Se servir de ces limites afin d’en tirer le meilleur parti ? Profiter de cette limite temporelle (défini par avance ou que l’action captée impose) pour  travailler au plus près de la chose filmée. À cet égard Páginavirada, autant que This is my Heart sont d’une efficacité redoutable. L’action montrée est l’objet du film.

Toute longueur serait superflue et casserait le projet. Ces films créent ainsi une temporalité, une linéarité qui ne dépend que de leurs seuls constituants. Ils permettent ainsi une ouverture vers un ailleurs réflexif, sans aucun souci pédagogique. Leur efficacité réside dans l’économie et la réduction des moyens qui sont à l’œuvre.  C’est ce même principe que l’on retrouve à l’œuvre lors de la déambulation dans le Louvre, à la recherche du nouvel emplacement de La Joconde dans Deus me Louvre.

Indo Pro Bras (2006) nous en propose une version nouvelle puisque c’est à partir d’un ensemble de courtes séquences à l’occasion d’une promenade en voiture dans différents quartiers et zones industrielles de Sao Paulo. De la sortie de chez soi, jusqu’à un restaurant qui marque la fin de cette après-midi d’hiver. Dans ce film, on est à la merci de l’aléa dans la mesure ou rien ne semble déterminer la succession des plans, comme c’était déjà le cas avec Promenade (2006), ou Imersidao (2006) et Mode d’Emploi (2006) qui montre la confection d’un plat dans la cuisine de Keith Sanborn et Peggy Awesh en novembre de cette année 2006.

Nous reviendrons sur l’aspect politique de ces films ainsi que celui de Redes en les rapprochant de la série Documento, sur laquelle Edson Barrus travaille depuis trois ans. On peut d’ailleurs penser que c’est cette série qui a donné naissance à la série : Manifestons!, consultable sur You-tube[10].

Arrêtons nous un moment sur ces travaux qui à la manière de Avenida Paulista, -2, ou V, nous propose des traversées d’espaces. Qu’ils s’agissent de São Paulo, de Paris ou bien même de New York, à chaque fois nous sommes dans une situation qui n’a ni début ni fin, quand bien même nous atteignions le sous-sol de l’institut du monde arabe, ou nous sortions du Holland Tunnel. L’action a déjà commencé, la caméra enregistre un moment de celle-ci sous la forme d’un parcours dans l’avenue da Paulista etc. On est d’emblée dans l’événement, c’est donc le flux du déplacement et les transformations occasionnées qui attirent notre attention et font du film un objet de médiation. Nous repérons les différences, les singularités des toiles de fond auquel nous ne prêtons habituellement qu’une attention distraite. C’est parce que ces fonds : l’avenue d’une ville, un tunnel sont parcourus, que nous commençons à les regarder. Pris comme décor, ils ne seraient qu’un fond sur lequel des personnages évolueraient, alors qu’ici, ils sont à la fois : fond et premier plan. Ils occupent ainsi toute l’épaisseur de la représentation. Ce sont les modifications progressives du paysage de l’avenue, ou la monotonie des clignotements et des réverbérations lumineuses sur les parois du tunnel qui deviennent les motifs sur lesquels nous nous attardons. Ils réalisent par une accumulation virtuelle ce que nous proposent plus directement les films tels que Formigas Urbanas (2002-04), Making Off (2005), ou bien même Rue de Lappe (2005). Ces films invoquent l’idée de la collection à partir d’une sélection de plans de « homeless » portant, tirant, poussant leurs fardeaux  dans Formigas urbanas et ceux des travailleurs qui, quotidiennement, font ou défont dans Making off. Dans ces deux deniers films, les gens qui assurent leur survie d’une manière ou d’une autre en sont les protagonistes. Les deux films ont en commun le lieu de tournage, le balcon de l’appartement qu’occupait Edson Barrus à Rio de Janeiro. Formigas Urbanas renvoie au recyclage des matériaux comme mode de survie. Le film confronte des personnes qui collectent des montagnes de rébus, de ferraille, de papier qui sont revendus au poids. Ces travailleurs, fourmis urbaines ont investi la rue Lavradio dans le centre de Rio où ils y survivent. Leurs territoires est la rue, leurs familles viennent les rejoindre le dimanche. À côté de ces sans abris, d’autres travailleurs, employés de la mairie, éboueurs, balayeurs transportent, tirent et poussent aussi leur outil de travail. Le film est ainsi un concentré d’activité incessante, en majorité d’hommes qui portent leur fardeau, et dont l’outil de travail est à la fois l’instrument de survie tout autant que leur seule possession. Dans ce film, comme dans Making off, et comme c’est le cas avec Rue de Lappe, Edson Barrus nous montre des réalités, souvent occultées..  Loin des clichés souriant qui montrent un Rio de plaisir, ou de violence spectaculaire, on est ici en présence d’une économie de la survie. De même Rue de Lappe, montre la vitrine d’une boutique en travaux, et  qui  au fil des semaines, subit d’importantes transformations afin d’être loué. Les ouvriers font et défont incessamment, entre et sortent constamment de la boutique. Leurs activités évoquent celles à l’œuvre dans Making off, et dont on ne peut savoir à quel point si, l’efficacité importe.  Ces deux films offrent des moments narratifs  Dans un autre film : À travers (2005) le bout de trottoir  en face des fenêtres de l’appartement qu’habitait à ce moment-là, Edson Barrus à Paris[11]. Un sans-abri dort à même le trottoir, il se réveille alors qu’il fait froid et que les passants passent sans presque le remarquer. Il s’est approprié ce bout de trottoir, près de la porte d’entrée rouge d’un immeuble.  Le dernier plan du film (le troisième) nous montre un bout de moquette qui pourrait servir de couverture à cet homme, dont on ne sait s’il est dessous se protégeant du froid ou non. Son irruption bouscule et vient salir le bel ordonnancement policé de la ville quotidiennement nettoyée.

Il ne s’agit pas  d’une apologie de la représentation misérabilisme pas plus d’ailleurs qu’avec Formigas Urbanas, Making off, This is my Heart, mais plutôt une attention particulière du au sentiment d’exclusion, ou plus exactement de non appartenance. Cette disqualification : ne pas faire partie de votre monde, par exemple celui des blancs brésiliens ou de l’Europe occidentale n’explique pas les films, mais elle signale une attitude, une disposition à voir certaines choses. Montrer comment la survie se déploie par et dans le recyclage à Rio, c’est prêter attention à d’autres formes d’existence et de faire.

Making off, enregistre les signes fébriles d’activités. Chacun tout à sa tâche démontre que ce n’est pas tant le résultat qui importe que le faire et défaire. On s’active, un mur s’élève, des fûts de bière sont alignés devant un bar, des porteurs tirent et poussent leurs fardeaux, des hommes refont un toit, tant disque, d’autres s’activent autour d’une bouche d’égout, et que d’autres encore déroulent et enroulent des bâches le long d’immeubles en rénovation, ou sur un toit. Un autre s’essaye à entasser les rebus de ferraille sur une carriole. Son activité n’est pas à proprement parler couronnée de succès, mais elle est constante et s’oppose ainsi à l’apparente efficacité d’autres activités, au demeurant plus performantes.

Les murs sont terminés avant d’avoir commencer à s’élever inversant ainsi la temporalité et malmenant ainsi cette productivité affichée. Ainsi le vieil homme entassant les bouts de métaux incarne-t-il a son insu le mythe de Sisyphe. Certains semblent défaire de jour, ce que, Pénélope faisait la nuit.

Toute cette économie, toute cette efficacité du travail est balayée par l’accumulation même des plans constituant la bande, qui pourrait à l’image de cette productivité magnifiée pourrait être sans fin. Ces corps au travail sont tous masculins, quelques-uns portent l’uniforme de leurs fonctions et inscrivent plus officiellement leur appartenance à la société hiérarchisée, alors que d’autres sont ostensiblement des rouages d’une économie parallèle.

Le film fonctionne à partir d’une série de séquences montées en alternance. Ce montage  n’est pas systématique, l’agencement et la reprise des plans est souple, et répond à une logique qui découle plus de la qualité  des séquences. C’est l’activité dépeinte qui déclenche le montage plus qu’une structure pré-existante. Le film prône ainsi une désorganisation subtile du travail, qui affirme dans son déroulement même ce qu’elle dépeint c’est-à-dire faire et défaire c’est toujours travailler. Le film amplifie ainsi ce que mettait en évidence Formigas Urbanas pour lequel le montage jouait aussi un rôle prépondérant, qu’il ait été fait dans la caméra ou secondairement.

Ces films du travail font appel à un autre caractéristique d’Edson Barrus  qui consiste à privilégier l’observation. Ces films nous plongent dans des univers singuliers. Nous  regardons attentivement ce qui se déroule et ce, quand bien même les légers tremblements d’une caméra tenue à la main. Les films dépeignent les gestes de la quotidienneté ou explorent des aspects de la vie urbaine contemporaine dans ses interstices. Un détail et c’est tout un monde qui se déploie, comme le montre par exemple Produto. On retrouve ces mêmes prédilections thématiques dans Baianagem (2007) qui se déroule à São Paulo sur un segment de l’avenida Paulista. Le film prend littéralement son vol avec la descente de deux travailleurs le long d’une façade d’immeuble, puis se poursuit avec d’autres qui font un exercice en traversant l’avenida Paulista, suspendus dans les airs, avant de suivre une corde descendant pour nous montrer des travailleurs cassant littéralement des pierres.

Cette tenue, qui est aussi une retenue, car il n‘est pas question ici de voyeurisme, met en jeu une attention dont la marque se traduit par la tension de la prise : on pourra parler d’éclaboussures de l’image que sont ces oscillations, fluctuations du cadrage. Parfois la tension s’entend à travers le souffle de la respiration d’Edson  filmant. Ainsi : À travers, Deus me Louvre, FilmeX et Pour Homme (2005). L’irruption de ce souffle signe la présence d’un corps filmant, d’un corps travaillant, jouissant…

La présence du filmeur, sa signature ont dans le cinéma expérimental été affirmé par de nombreux cinéastes et vidéastes. Chez les cinéastes, c’est par les bougés, par les flous ou dans toutes ruptures de l’enregistrement (trope de l’image) que cette présence se dévoile comme on la ressent à la vision des films de Jonas Mekas ou Anne Charlotte Robertson, tandis que chez d’autre c’est la maîtrise de l’outil qui s’énonce par une maestria dans le maniement de la caméra comme le donne à voir Téo Hernandez. Chez les vidéastes[12] c’est avant tout le son qui signale la présence du capteur d’images : l’auteur. Qu’il s’agisse d’un commentaire direct ou bien de la présence d’une respiration.  Ce sont, ce corps, cette voix-off qui inscrivent la présence du filmeur autant qu’elle préfigure celle du spectateur.

Dans FilmeX et Pour Homme, ou dans 69, des films pornographiques homo sont refilmés au moyen d’un appareil photo numérique. L’écran du téléviseur est cadré au plus près afin que les pixels se voient et rivalisent avec les textures de la peau des protagonistes. Ce cadrage permet un balayage de la surface de l’écran et par conséquent de caresser des parties de l’image initiale.  Ce recyclage des images  pornos  est une pratique fréquente chez les cinéastes et ou vidéastes contemporains (Mike Hoolboom, Nguyen Tan Hoang, Steve Reinke, Jerry Tartaglia, Tony Wu, pour n’en citer que quelques uns). Mais chaque vidéaste, cinéaste retravaille les images pornos selon des projets particuliers qui  prédéterminent autant la nature du prélèvement que son retraitement et sa réincorporation dans le corpus d’un film. Rares sont les films qui se limitent au seul usage de found footage porno gay en dehors du Sodom (1989) de Luther Price, d’une ou deux bandes de la série The Hundred videos (1992-96) de Steve Reinke[13], All You Can Eat (1993) de Michael Brynntrup et les trois films de Edson Barrus. Ici on écarte une production importante qui est réalisée par les amateurs à partir du piratage de sites internet. À la manière de ce qui ce fait avec les compilations de type «  best of », les amateurs effectuent des assemblages, organisent des collections de segments de films réservés à un usage privé.

Le recyclage dans ces trois films ne participe pas de la même économie dont procède les travailleurs de Formigas Urbanas. Le  registre diffère, il inscrit l’appropriation d’images pornos gay dans une circulation qui s’affranchie de la stricte consommation privée. Par son recyclage et sa diffusion différenciées Edson Barrus déplacent le lieu de l’image porno en y introduisant un élément absent bien que constamment, sous-entendu, celui du spectateur voyeur qui joue avec son magnétoscope, ou lecteur de dvd. Avec FilmeX et  Pour Homme, le corps du spectateur / cinéaste est présent par le son (respiration)  autant que par le survol de la surface de l’écran lors du filmage. Le recadrage que subissent les images fonctionne comme un démontage. L’usage du gros plan qui est la valeur d’échange de la pornographie et qui doit se conclure par l’éjaculation (« the money shoot »)[14] est ici détourné. L’artiste, re-filme des séquences présélectionnées, en les recadrant au moyen de gros plans qui font se mêler, ou parfois se dissoudre, les textures des jeans, les grains de la peau avec les pixels de l’écran de télévision ou d’ordinateur. Le refilmage permet de monter les séquences dans l’ordre qui convient au spectateur/cinéaste tout en se débarrassant de la linéarité initiale de ces mêmes scènes, en juxtaposant les films et les séquences créant de nouveaux « tricks [15]». Ce travail fait du spectateur un auteur à part entière, à tel point que c’est à partir de telle rencontre potentielle que fonctionnent les dispositifs de consommation du porno sur le web. Faire du spectateur acheteur l’auteur des rencontres. D’une certaine manière Edson Barrus illustre assez bien ce précepte en retravaillant ces images. Ce faisant il participe de ce mouvement plus large qui interroge la notion d’auteur en travaillant à la production de travaux au moyen du recyclage.  L’anonymat présupposé dans la consommation de la pornographie se trouve contourné, puisque c’est dans l’affirmation du plaisir de faire quelque chose avec ces images, qu’Edson Barrus revendique leur détournement ou plus simplement leur usage différencié et leur remise en circulation dans un autre espace, celui du cinéma autant que celui de l’exposition. C’est pour cela qu’on ne peut inclure les Videopunhetas dans ce même registre car elles semblent plus participer de la performance filmée que du détournement. Elles sont plus proches en effet des performances de Vito Acconci : et principalement celles ou il se masturbe[16].

Par son accessibilité via le web, la pornographie est devenue une banque de données en constant renouvellement, dont le développement qui privilégie autant l’idée de la collection telle qu’on la voit à l’œuvre chez Andy Warhol à travers ses photomatons, que chez Christian Marclay dans Telephone ou bien même chez Matthias Mueller avec Home Stories(1990) , que la production de réassort, d’arrangements qui remettent ainsi en question l’idée de l’auteur.  C’est à partir de la fin des années 80  que l’on trouve chez les cinéastes et les vidéastes un usage massif d’images pornographiques, qui semble faire écho au développement de l’épidémie de sida. Travail à partir de représentations qui sont sans risques puisque du domaine des images. Mais ce travail permet surtout de signifier l’importance et la nécessité d’une sexualité gay qui ne serait pas à la merci des codes répressifs et réactionnaire du moralisme hétéro religieux de l’époque.[17]  Ainsi nombreux sont les vidéastes qui s’emparent d’une iconographie minorée pour nombres de raisons[18]. Les activistes ne sont pas les seuls à travailler à partir de ses images, leurs usages se généralisent  augmentant leur circulation dans de plus vastes cercles.

Ces réassorts, ces collections sans fins travaillent elles aussi le recyclage[19]. Il s’agit d’un recyclage de représentations et non plus de matériaux de survie en ce sens ce recyclage suit la logique des mouvements de libération de minorités qui affirment leurs identités, leurs appartenances au travers d’une réappropriation, d’un détournement des images de ces mêmes groupes qu’elle qu’en soit l’idéologie. Cet usage est affirmatif, il n’est plus subi, imposé, mais activé.

On retrouve la collection dans de nombreuses bandes d’Edson Barrus, que l’on pense à cette accumulation de masturbation filmées d’une main dans Videopuhetas ainsi que le déroulement d’écrans de Bate Papo 22cm[20] (2001) dans lequel des hommes entre en contact avec d’autres au moyen de photos, textes et voix[21]. Les propositions et les photos défilent tandis qu’au second plan se fait entendre la rumeur de la ville de Rio.  Ces deux dernières bandes semblent affirmer le narcissisme que Rosalyn Krauss voyaient à l’œuvre dans de nombreuses vidéos des années 70[22] et que le recours à des outils comme l’appareil photo numérique et le cellulaire ont renforcés. Le « replay »  comme instance de divertissement avec les protagonistes devient la règle et, signe l’usage de ces outils. Mais ici nous ne sommes pas dans cet usage-là. La bande enregistre des actions d’une part et de l’autre un défilement. Si l’action renvoie à une pratique narcissique et se joue ainsi de la pratique de l’art comme masturbation, clin d’œil malicieux à Duchamp, et la déplace au moment de sa diffusion imposant l’exposition d’une intimité qui n’est à priori pas là pour être partagé. On est en présence d’une situation qui rappelle quelques-unes des propositions d’actionistes viennois, sans la violence, mais plus encore, de tous ces travaux qui interrogent autant l’identité que le rapport que l’on entretient à la représentation du plaisir. Que ce plaisir soit solitaire déclenche un grand nombre de question qui interroge avant tout le spectateur quant à la position qu’il doit prendre face à cette monstration. Ces questions de réception sont souvent liquidées par l’apposition de jugement moraux qui évacuent du même coup la dimension politique autant que les questions sociales et esthétiques contenue dans la proposition.

Les questions de politique sont au premier plan d’un grand nombre de travaux d’Edson Barrus et montre combien l’artiste est attentif au spectacle du monde contemporain, c’est-à-dire à la spectacularisation de ses représentations. La série des Documento[23] mais aussi les films Mudando de assunto (2007) : autour de la représentation de la vie de Saddam Hussein à partir de quelques clichés d’une revue, Frustrated (2006) qui s’interroge sur l’engagement américain en Irak à partir de manchette du New York Time d’Octobre, A francesa (2006) qui suit une manifestation contre le CPE, à Paris

Paginavirada : la page Arafat tournée sont immédiatement politique par leur sujet. Mais il existe d’autre manière d’inscrire le politique dans l’image. Parfois le continu de l’image n’est pas directement politique, mais par sa capture il est comme un révélateur des conditions sociales de quelques personnes : on pense à cette femme dans le métro de Berlin de This is My Heart, ou bien à ce sans abri qui dort sur un trottoir de jour à la Bastille dans Rue de Lappe. (2005). Cette dimension sociale se trouvait déjà dans Formigas Urbanas ou dans Making Off ainsi que dans Baianagem. Elle interroge à la fois la place du filmeur autant que la nature du document filmé, qui peut appartenir au champ exploré par le documentaire dans son versant cinéma personnel. Ces travaux participent à la fois de l’affirmation d’une vision singulière, à cet égard Isto (2006)  est exemplaire par le minimalisme de son cadrage qui nous fait découvrir un éclat d’une scène dans Chinatown à new York à partir de la vue de la fenêtre d’un bus, et un amoncellement de cageots. Mais dans tous les cas de figures jusqu’alors explorées par Edson Barrus à travers ses films qui sont ouvertement politiques et sociaux, jamais il n’est question d’activisme. Ses films ne sont pas là pour illustrer, démontrer, prouver, ils sont plutôt des prélèvements de situations, de moments, des captures ; c’est dans ce sens qu’il s’apparente au documentaire, sur le vif. On pourrait ainsi les rapprocher ainsi de cette pratique photographique qui s’est fait une spécialité de l’impromptu, qui privilégie par conséquent l’instantané. Si Edson Barrus, comme certains vidéastes et cinéastes expérimentaux explorent ce chemin qui affirme la suprématie de la capture non programmée, c’est afin d’affirmer la plus grande réactivité par rapport aux situations, événements qui surgissent, qui passent ou transitent devant ses yeux. On retrouve là cette manière, pour ne pas dire cette aventure de l’œil et de la main travaillant la matière visuelle d’un seul jet. On pourrait certes y voir une filiation avec Stan Brakhage, ou Jonas Mekas, auquel il faudrait ajouter certainement tous les artistes qui, depuis les années 60, ont mis en avant l’improvisation comme phénomène constitutif de la pratique de l’art[24]. Son mode d’improvisation est plus radicale que d’autres dans la mesure, ou il se manifeste à tous les niveaux ; ce qui signifie, travailler avec ce que l’on trouve dans un lieu à tel moment donné. On ne peut s’empêcher de penser que l’improvisation et la production qui en découle déclinent différentes modalités du recyclage, qui comprendront alors aussi bien les images en mouvement. La capture d’images (photos  ou en mouvement) devient un mode de recyclage particulier qui s’effectue en vertu d’un déplacement ultérieur qui est souvent saisi, au moment de la capture même. C’est ce qui se laisse si bien voir dans les errances visuelles  de Tédio 1 (1997) et dans la manière d’occuper le temps de l’enregistrement par la production d’actions diverses. Il ne s’agit pas pour Edson d’affirmer l’ennui d’une manière systématique comme a pu le faire Bruce Nauman[25] dans quelques bandes dans son atelier à partir de répétitions incessantes.

Les errances visuelles de Tédio 1 se distinguent de celles de Peter Gidal dans ses différents films, bien qu’elle travaille l’épreuve du voir même, de la nécessité ou non d’assister à l’intégralité de la bande. On retrouve ce qu’interrogeait de film en film, Peter Gidal : à savoir la question de « l’anti- illusionisme » de la représentation et les finalités d’une  telle représentation quant à sa destination  publique[26]. Dans les deux cas, mais ils ne sont pas les seuls, c’est la rétribution, le plaisir du spectateur qui semble différé, ou plus simplement mis de côté. Cependant Chez Edson Barrus, les capacités d’improvisation, les interventions camp (bien que restreintes) mettent constamment à mal le systématisme potentiel de la proposition. En ce sens cela rejoint un des termes de la définition de Peter Gidal quant à la production du film Structural/matérialiste : Chaque film est l’enregistrement ( pas une représentation , ni une reproduction) de sa fabrication. La production des relations (plan à plan, plan à l’image, grain à l’image, dissolution de l’image au grain, etc) est une fonction de base qui est en opposition directe à la reproduction des relations.[27] Dans Tédio 1, on voit en quoi la prise en main de la caméra, génère un questionnement de l’outil, mais surtout un déclenche un que faire avec ça, face à ça, en présence de ça.

Dans ce même texte, Peter Gidal poursuit : « le contenu réel est la forme, la forme devient le contenu. La forme signifie les opérations processuelles, pas la composition. » Ce n’est pas en effet la composition qui préoccupe Edson Barrus dans cette bande, mais bien plutôt les agencements entre son et image qu’il explore autant que les rapports entre quotidienneté et événement public (la mort et les funérailles de Diana sont des motifs récurrents de la seconde partie de la bande). La télévision et le re-filmage partiel des images de différentes émissions diffusées sont déjà prévalent. Le filmage, sa nonchalance tend à instaurer un rapport à l’image distinct de celui, voulut par Gidal, puisqu’il favorise une « écoute  inattentive » de l’image. Voir un film de Peter Gidal c’est faire avant tout l’expérience de la durée, syncopée par quelques étincelles figurales ; pour  autant voir ce travail d’Edson Barrus c’est privilégier l’inattention mais c’est surtout voir des images comme on écoute la radio, avec plus ou moins d’attention. C’est entrer et sortir de l’image, pour n’en prendre que les sons : opéras, musique brésilienne, bruits de tissus…, incroyable interview, télé protestante, commentaires d’actualité qui accompagnent la bande sur toute sa durée. Le monde chez soi, à porter de main, et d’oreille.

Le politique surgit au détour des images, par la juxtaposition de ces sons avec des images du lieu d’habitation ou des pièces, objets d’art sont déposés, parfois utilisés.

De nouveau, le son tient un rôle particulier dans ce film ; il nous plonge dans un temps narratif particulier, lorsqu’il s’agit de chansons, d’airs d’opéra (italien), ou d’émissions de télévision qui ne fournissent pas d’indications particulières quant aux dates. Ce n’est plus la même chose lorsqu’il s’agit d’actualité, (radio/télé) qui confère un temps donné à la capture. Glissement progressif d’une actualité à une remémoration et une confrontation au temps présent du visionnement. On retrouvera un éclat similaire dans le film ,d’ailleurs (2006)[28] qui sculpte la montagne Sainte Victoire aux moyens de surimpressions multiples, lorsque se fait entendre la voix d’un homme politique français parlant de l’affaire Clearstream. Ces jeux avec le synchronisme interrogent une notion du hors-champ élargi au son qui inscrit le retard comme moment constituant de la réception ; c’est pour cela que le « replay » est essentiel dans la pratique d’Edson Barrus, parce qu’il favorise une interaction immédiate et déclenche des possibilités de réinterventions, de réinterprétations différées d’un événement. Ce différé se retrouve travaillé dans les séries des Documentos qui proposent l’enregistrement brut de l’écran (a tela : la toile[29]) d’un téléviseur et dans lequel on voit parfois le reflet du vidéaste. Cet enregistrement recadre l’image, et nous permet de revoir. Le monde vient à nous au travers de cette toile animée, son actualité est événementielle, ponctuelle. Le revoir, c’est affirmer toute son inactualité, c’est mettre à jour quelques mécanismes d’assujettissements auxquels nous nous plions quand nous regardons l’événement diffusé par nos écrans cathodiques. Cependant il ne s’agit pas pour Edson Barrus de travailler en procédant à une investigation d’un thème, en l’occurrence pour Johan Grimonprez le détournement d’avions et d’images dans Dial H.I.S.T.O.R.Y (1997). Pour l’un, c’est la réponse par rapport au direct qui constitue et motive l’appropriation et par conséquent le détournement, tandis que pour l’autre, c’est la réappropriation de l’histoire et de quelques-unes de ses représentations qui façonnent le projet.

Une autre particularité c’est l’inclusion du corps du filmeur, par son reflet et ou sa respiration. Ainsi l’acte d’appropriation s’inscrit physiquement à l’image, il n’est pas une opération de montage ou simple copier coller, qui neutraliserait  celui qui en prend possession. Ces différences se répercutent vis-à-vis de la question de l’auteur. En effet, on a pas l’impression d’être en présence de la même catégorie d’auteur comme si celle qui nécessitait  de se référer au banques de données utilisées[30], prônait la notion industrielle de l’auteur (validée par le marché de l’art)  alors qu’elle semble travaillée la notion de piratage. De son côté, Edson Barrus ne fait aucun cas de ses sources ; on peut parfois les reconnaître, elles sont à disposition puisque diffusées. Le geste est signé physiquement, s’affirme par le point de vue, dans le cadrage, les bougés etc… Il ne s’agit sans doute pas de la même spectacularisation, nous ne sommes pas dans un néo-situationnisme, mais dans une autre démarche qui vise à mettre à disposition des éléments audio-visuels afin de penser. Il n’y a pas d’habillage, de retouche à la post production. Ce que l’on voit est tel qu’il a été filmé.  De toute évidence nous ne sommes pas dans le même registre de domination et donc la notion de partage n’est pas la même.

L’improvisation fait retour d’une autre manière encore. J’aimerais ainsi aborder, c’est-à-dire revenir à ces bandes qui recourent à une performance spontanée, ou bien, à celles enregistrant une action, une performance antérieure. Dans tous les cas c’est la notion de document qui resurgit. Mais ici le document n’a pas la même valeur que celui qui le confère aux photos des performances[31], et du Land Art. Ces documents filmés lorsqu’il s’agit de l’enregistrement d’une action, ou d’une performance ne sont pas encore validées par le marché de l’art comme l’ont été les documents photographiques. Mais si certaines performances ne sont réalisées que pour être filmées, d’autres n’ont d’existence que parce qu’elles ont été filmées[32]. Quel est donc leur statut, sont-elles simplement des moments dans le déroulement du film ? ou sont-elles l’objet du film ?  On peut penser que par ce transfert médiatique la plupart de ces performances deviennent objets de sculptures, mais lorsque c’est le corps d’Edson Barrus qui les performe elles deviennent, pour reprendre la terminologie d’Erik Alliez  et Giovanna Zapperi à propos de Birgit Jürgenssen , des « sculptures de soi ».

J’insisterais ici plus sur les quelques films qui enregistrent une action, une performance et la montre intégralement ou synthétiquement.

Il s’agit de Uma coisa bem simples (1998-2004) et de Lavo as Mãos (1998-2004) ainsi que dans une certaine mesure de Quem (1998-2004) et de Banda Phodre (2004).

Lavo aos Mãos nous montre l’artiste se lavant les mains en utilisant un / des savons. Au bout d’un moment on comprend qu’il ne se lave pas les mains mais fait fondre le savon entre ses mains à force de l’astiquer. Le parallélisme avec Video punhetas est patent. L’action est accompagnée par une suite d’air d’opéras et autres musiques entendues à différents moments. Cet hors champ sonore est un élément essentiel qui nous permet d’appréhender en partie la durée de l’action, mais nous renseigne sur la non linéarité de l’enregistrement que l’on peut aussi ressentir à l’image. On   se trouve être dans une situation similaire à celle des spectateurs de Wavelength (1966-67) de Michael Snow qui décrivent le film comme étant un zoom traversant un espace pour déboucher sur la photo noir et blanc d’une vague, faisant ainsi, l’impasse sur la multiplicité des raccords et montage dans le film. Le processus survole alors les spécificités matérielles du film. C’est exactement ce qui se passe avec cette bande d’Edson Barrus, l’amenuisent progressif du savon annihile toutes les modifications apportées lors du tournage.

Avec Uma coisa bem simples, c’est une autre chose qui est en jeu, mais c’est surtout une dimension poétique particulière qu’inscrit le film.  Ce film est l’enregistrement d’une action, performance réalisée quelque temps auparavant par Edson Barrus et dans laquelle une ampoule brûle de tous ses feux pour s’abîmer dans l’obscurité[33]. La forme de l’ampoule électrique, c’est-à-dire la représentation de l’idée s’enflamme et éclaire un espace (de pensée) avant de s’éteindre. J’y vois une référence[34] à cette ampoule négative sur laquelle Paul, Sharits avait travaillé (en tout cas sa représentation) dans N :O :T :H :I :N :G (1968), qui nous montrait l’écoulement de la lumière hors d’une ampoule. Dans la proposition d’Edson ce n’est pas la lumière qui est négative, c’est tout simplement la lumière qui est feu, l’idée qui prend feu[35].  Dans les deux cas, les œuvres sont contemplatives.

Mais le son nous appelle à nouveau et principalement celui de Banda Phodre. Le titre désigne la police corrompue à Rio de Janeiro. Le matériau du film est l’enregistrement d’un vécu (vivência)[36] d’une nuit dans laquelle un ensemble d’événements se sont déroulés. La continuité de l’enregistrement est pulvérisée par le re-filmage au moyen d’un appareil numérique autant que par la désynchronisation de la bande son avec l’image. Mais de nombreux synchronismes surgissent, la force, la dynamique de l’événement se retrouve au travers de cet acte qui brise les liens de causalité entre le son et l’image. On est dans une pratique qui pourrait évoquer l’usage de la discrépance[37] si cette dernière participait moins d’un projet esthétique. Dans ce travail Edson Barrus restitue l’énergie de la soirée, de la nuit en se jouant du synchronisme. On est ainsi proche d’une proposition musicale qui se superposerait à l’arrangement des images en créant une dynamique que souligne les effets de neige autant que les distorsions qui viennent trouer, dérégler parfois l’image. On retrouve là, les effets que travaillaient, chacun à leur manière : Nam June Paik et Wolf Vostell dans leurs premières bandes vidéos.   Ces écarts entre le son et l’image sont moteurs dans de nombreuses bandes d’Edson, mais leur disjonction est rarement autant poussée que dans Banda Phodre. Le plus souvent il travaille la séparation entre le son direct (dont on voit la source à l’image) et le son off (musique, voix…). Cette dichotomie produit alors des espaces virtuels à partir desquels nous pouvons dériver.Dans Banda Phodre ainsi que dans les Documentos et les trois films porno, le re-filmage confère à la surface de l’écran une autonomie qui travaille l’interstice, l’entre. L’appropriation par les écarts permet-elle au  sujet (qui fait, qui voit) de constituer un lieu qui lui soit propre aussi éphémère soit-il (par exemple le temps de la bande)? Les écarts entre enregistrement et diffusion pointent avant tout l’étape de la fabrication. La question de la réception de ces écarts, sautes, hiatus induit une perception de ce qui a été enlevé, gommé, effacé. Signalons cependant que le processus déployait par Edson Barrus ne travaille pas l’effacement comme le font à la fois Naomi Uman dans son film Removed (1999) ou bien encore Terre Thaemlitz (2000) dans son album Interstices chez lesquels la trace de ce qui a été gommé est manifeste[38]. Dans tous les travaux qui recourent au re-filmage partiel de l’image, on sait bien que l’on ne voit qu’une partie  de l’image mais le hors-cadre (est-ce un hors champ ?) n’a pas le même sens que le blanchiment des corps féminins dans Removed, ou les hommes ne baisent plus qu’avec une représentation pour le moins émoussée. Le hors du cadre des re-filmages d’Edson Barrus est porté par le son, l’image est doublement disqualifiée. L’aspect documentaire du reportage est mis à mal par le recadrage, qui s’accompagne de moirages qui viennent habiller l’image, lui conférant des textures et des irisations qui rappellent les feed-back. La mise en abîme se perçoit dans ces moirages qui marquent à la fois le recyclage autant qu’il désigne l’écart de toute appropriation.

Il y a chez Edson Barrus une plasticité de l’image qu’il faut souligner.

Le cadrage est souvent d’une grande précision, qui renforce des dynamiques de couleurs. Si l’on pense à Palestine Libre et à son cadrage partiel d’un drapeau palestinien géant qui joue du contraste chromatique de la bannière, ou bien à Aguagrande (2006) aux surimpressions tissant textures et matités de l’eau sous toutes ses formes, on retrouve ces préoccupations du cadre. C’est ainsi qu’il faut comprendre le choix du cadrage des cageots colorés dans Produto, qui évoquent celui de Formigas Urbanas où le foisonnement des personnes tirant, et poussant des charges, se réalise dans une polyphonie chromatique. L’usage de l’appareil photo numérique permet de jouer avec les zones d’éclairages. Ainsi les intérieurs évoquent parfois des clairs obscurs et des jaillissements d’irradiantes luminosités, et convoquent ainsi quelques moments d’histoire de la peinture. Les lieux, les habitats sont troués par des halos de lumières qui refont : défont les espaces filmés. La cuisine de Mode d’emploi, l’ascenseur de -2 en sont quelques exemples.

Les vidéos peuvent être présentées de différentes manières qui vont du simple moniteur, à la projection en passant par l’installation. Toutes les bandes n’ont pas pour fonction de se transformer en installation, certaines répondent à des critères temporels, à des impératifs narratifs que la projection satisfait pleinement. D’autres ont besoin d’être montrées sur moniteur, elles sont intégrées à l’événement qui se déroule alors, dans des formes plus ou moins issues ou élaborée de Rés do Chão, ou d’Açúcar Invertido. Parfois elles sont pensées comme installation.  La question de l’installation est abordée d’une manière singulière par Edson Barrus.

Si, pour de nombreux artistes, l’inscription dans le marché de l’art entraîne une banalisation de la pratique de l’installation comme projection d’une vidéo sur une paroi, un écran, elle s’accompagne rarement d’un questionnement de l’usage de l’image en mouvement dans le monde de l’art et de rapports que de telles projections ont avec le flux et l’exposition  des images dans l’espace public. Tous les films réalisés par Edson Barrus ne sont pas destinés à devenir des installations ; de même tous ne vont pas être bouclés. C’est autant l’objet filmé de Das dunas so sei dizer isto (2006) qui préside à son passage à la projection plutôt qu’à sa diffusion sur moniteur, qu’il induit le travail même. Pour Edson Barrus, le paysage de dunes de sables ne paraît pas se transformer, c’est un endroit calme, et pourtant au moment du filmage de ces dunes du Ceara, le vent, les bourrasques sculptaient le paysage. L’installation permet d’arrêter le temps, de le figer, et ce par-delà la reprise incessante de deux boucles, l’une sonore l’autre silencieuse pendant près d’une heure ; la répétition facilite l’appréhension de cet espace en transformation constante. C’est un objet particulier qui ne requiert pas toute notre attention. Les dunes changent à l’écran autant qu’elle ne changent pas ; elles sont là. Le film s’en fait l’écho. Tout est bouleversé, mais rien n’a vraiment changé. La vidéo est alors un bloc de temps que l’on investit ou pas, presque un papier peint, ou plus exactement une ambiance, qui se distingue des travaux « ambiant » par la crudité du son. Ici, ce n’est pas le se sentir mieux, ni l’être au monde serin qui s’expose, c’est la violence, l’inconfort de la nature qui s’impose au regard.

Dans d’autres travaux comme le Rosário, Boca Livre, la monstration sous forme d’installation nécessite le seul moniteur.

Le recours à l’installation entraîne fréquemment la mise en boucle d’une bande, afin que la pièce puisse être vue à tout moment, à n’importe quel moment de sa durée. L’installation présuppose fréquemment des bandes de durée relativement courte afin de pouvoir capter les spectateurs qui débarquent à n’importe quel moment dans l’espace de la projection. Ces conditions quant à la réception de l’œuvre installée ont été, dès les années soixante-dix, théorisées et déployées entre autres par Paul Sharits. Ces installations qu’il désigne comme locational piece[39] sont des projections multiples qui constituent une image composite. Ces locational pieces travaillent soit le défilement (dans son horizontalité)  du ruban soit les photogrammes qui composent ce même ruban et avec lequel Paul Sharits à interroger le dispositif cinématographique même à travers le flicker. Certaines installations conjuguent ces deux approches. Dans tous les cas, tout est donné immédiatement (en ce qui concerne Epileptic Seizure Comparison 1976 pour lequel les trois parties de l’œuvre s’apparentent à un développement plus ou moins linéaire). Cette immédiateté dans la perception des éléments se retrouvent dans quelques-unes des  installations d’Edson Barrus, Rio (2005) ou 69 (2006) qui toutes  simulent l’usage de la boucle en répétant une ou deux courtes séquences sur la longueur d’une bande (soit 60 minutes). Ces bandes deviennent installations par défaut, elles sont plus des bandes projetées dans un espace et ne nécessitent en rien l’attention que présuppose la projection en salle (de cinéma). Tout revient, il n’y a pas même de transformation, permutation, variation, comme c’est le cas avec Paul Sharits ou d’autres cinéastes qui recourt aux  boucles cinématographiques.  Ce qui distingue les travaux d’Edson Barrus  d’autres, c’est leur absence totale de développement, la séquence est courte, et se répète sur 60 minutes, il n’y a pas d’évolution, aucune narration ; une redite, un constant-déjà-vu, une banale répétition qui se nourrit de toutes les  expectatives, impatiences des spectateurs.

La vidéo pour Edson Barrus est devenu un outil lui permettant de travailler le quotidien  autant qu’elle inscrit et fait du quotidien un travail artistique pour autant que ce dernier soit compris comme dissolution et dissémination anonymes dans le champ social.

 

 



[1] Dans les années 70, pour de nombreux plasticiens brésiliens, le super 8 a tenu ce rôle de medium low tech. Cet usage se retrouve dans de nombreux pays qui ont fait du super 8, un outil de résistance et de contre pouvoir aux images dominantes et ce à partir de la fin des années 60.

[2] Sur l’histoire de la vidéo brésilienne voir Arlindo Machado : Video Art: The Brazilian Adventure, où Les pionniers de l’art électronique au Brésil/ Pioneers of Electronic Art in Brazil in festival@rt outsiders 2005: brasil anomalie digital arts HYX Orléans 2005…

[3] Rés do Chão est un espace d’expérimentation artistique autonome à Rio de Janeiro, impulsé par Edson Barrus.

[4] Rosalind Krauss pointait cette particularité de la vidéo dans son article Video The Aesthetics of Narcissism, in New Artist Video, ed Gregory Battcock A Dutton Paperback, NY 1978

[5] Dans Boca Livre, deux écrans de télévision sont déposés à même le sol pour l’un deux l’écran orienté vers le plafond et sur lequel est disposé le Rosario, celui là même dont on appréhende la fabrication à l’écran.

[6] Sur ce sujet voir Patricia Zimmermann : The Amateur, The Avant-garde, and Ideology of Art, in Journal of Film and Video n°3-4, Summer Fall 1986, ainsi que Roger Odin, sous la direction, Le film de famille usage privé, usage public, Editions Méridiens Klincksieck et Cie 1995, et le Je filmé, ed yann beauvais Jean-Michel Bouhours, ed scratch & Centre Georges Pompidou, Paris 1995

[7] On pense entre autres à Sadie Benning, Peggy Awesh, où Joe Gibbons

[8] Pour une description du fonctionnement particulier de l’installation Cão mulato, voir Ricardo Basbaum Mistura + Confronto / Mixture + Confrontation catalogue de l’exposition du même nom  Porto 2001

[9] Malcolm.  Le Grice Abstract Film and Beyond.  Cambridge, MA:  MIT Press, 1977, et Peter Gidal, ed. Structural Film Anthology.  London:  British Film Institute, 1978.

[11] Ce film diffère de From my Window (2001) de Cao Guimarães, dans lequel la dimension poétique du jeu des enfants dans une rue boueuse prend le pas sur une quelconque dimension sociale.

[12] Mais ceci n’est pas une règle générale, que l’on pense au travail de Jan Peters qui dans la plupart de ses films autobiographiques manifeste sa présence par le synchronisme de son image et de sa voix.

[13] Pour un descriptif des bandes voir The Hundred Vidéos Steve Reinke The Power Plant, Toronto 1997 et http://www.myrectumisnotagrave.com/100videos/100videosplash.html

[14] Voir à ce sujet le livre  Porn Studies, textes réunis par Linda Williams, Duke University Press 2004

[15] Tricks, est un roman de Renaud Camus qui conte de multiples rencontres sexuelles brèves. Préface de Roland Barthes. 1ère édition : Mazarine, Paris 1979

[16] Dans Seedbed (1972), Vito Acconci se masturbe pendant huit heures, trois fois par semaine dans la galerie Sonnabend. On ne le voit il est caché sous un faux sol, sa voix, ses râles sont amplifiés par un micro comme le fit au Guggenheim Museum, Marina Abramovic dans un remake en 2005. Dans les deux cas, on ne voit pas l’acte, on l’entend.

[17] Sur le travail effectué par les activistes et les rapports entre usage de la pornographie, le sida, la société voir : Douglas Crimp : Aids Cultural / Analysis Cultural Activism  October 43 Mit Press, Winter 1987,  sur l’usage de la pornographie gay Thomas Waugh The Fruit Machine, Duke University Press, Durham and London 2000, et son archéologie de l’érotisme et pornographie gay dans Hard to Imagine, Columbia University Press New York 1996, et How do I Look, edited by Bad Object-Choices, Bay Press, Seattle 1991

[18] Depuis la fin des années 70, Lionel Soukaz est en France l’un des cinéastes qui a le plus œuvré pour une reconnaissance de l’imagerie porno homo. Tous ses premiers films ont utilisé ces représentations, dans un premier temps à partir de photos puis avec des images en mouvement.

[19] Sur cet usage de la collection, du réassort, du recyclage et de l’archive voir : Desmontaje : film, Video/apropriacion, reciclaje, ed Eugenie Bonet, Ivam, Valencia, 1993 et The World in Pieces : A Study of Compilation Films, Patrick Sjöberg, Stokholm 2001

[20] Nom d’un site brésilien de rencontre gay qui signifie littéralement :brin de causette. Préfiguration du chat.

[21] Lionel Soukaz, cinéaste expérimental, gay activiste depuis les années 70 et qui a travaillé avec Guy Hocquenghem et René Scherer, a réalisé récemment une bande : www.webcam (2006) qui recours à ces pratiques sexuelles médiatisé par le numérique.

[22] Rosalind Krauss option citée

[23] A ce jour les documentos sont au nombre de 10 :

Documentos # 1 : Tortura met en rapport l’usage de la torture par les français pendant la guerre d’Algérie et ce que font les américains en Irak aujourd’hui

Documento # 2 : Arafat em revista nous propose une vie d’Arafat à travers le feuilletage du Monde 2

Documento # 3 : La flambée d’automne, sur l’irruption de la violence dans les banlieues française, suite à la mort de deux adolescent poursuivis par les policiers, et aux provocations de Sarkozy. C’est dans ce matériau que je puiserais, entre autres, pour réaliser d’un couvre-feu (2006)

Documento # 4 gripe aviaria, sur la propagation de cette épidémie

Documento # 5 sans choisi, sur les politiques de l’immigration aux Etats-Unis et en France

Documento # 6, sur la guerre au Liban et le Hezbollah, premier de la série en brésilien

Documento # 7 sur la retraite de Fidel Castro, en espagnol

Documento # 8

Documento # 9  pas choisi, sur les immigrants en France

Documento # 10 Les enfants soldats

[24] Pour une étude de l’improvisation tel que les performers l’ont pratiqués dans les années 60 voir  Greenwich Village 1963, Sally Banes, Duke University Press,1993 , L’Art au corps , ed Philippe Vergne, Musée de Marseille RNM 1996, et  Out of Actions Between Performance and the Objet 1949-1979, Paul Schimmel, Moca Los Angeles 1998

[25] Bruce Nauman : Image Texte 1966-1996, ed Christine van Assche, Centre Georges Pompidou 1997

[26] Voir Peter Gidal : Structural Film Anthology, son introduction, BFI, Londres 1976 et Materialist Film ed Routledge Londres 1989

[27] Peter Gidal, Introduction Structural Film Anthology, p.2, c’est nous qui traduisons.

[28] , dailleurs a été coréalisé avec yann beauvais, suite à une commande de K-Livre à Aix en Provence et Les 100 Talents à Tarabel.

[29] La toile de l’écran sera élargie par Edson Barrus à l’espace d’une église dans ce tissage de film 35mm qu’il fit à l’occasion d’une exposition à Metz à l’été 2005. Sur ce projet voir http://www.yannbeauvais.fr/article.php3?id_article=195

[30] Voir la liste des archives consultées au générique de fin. Cette attitude qui vise à valider théoriquement le piratage alors qu’on paye les droits manifeste de toute évidence une compréhension de la culture comme industrie à laquelle s’applique par conséquent les tarifs commerciaux en vigueur dans les pays occidentaux.

[31] L’une des discussions les plus intéressantes sur la notion de document en photographie est sans doute celle d’André Rouillé : La photographie, Folio essais n°450, Gallimard Paris 2005

[32] Il y aurait certainement toute une histoire des films de performances à produire, citons comme source : Into the Light, ed Chrissie Isle Whitney Museum of American Art,  New York 2001 auquel il faudrait ajouter

[33] Edson nous a précisé que cette vidéo fût présentée la première fois dans le sous sol d’une maison qui servait de niche pour une chienne et ses sept chiots. La vidéo placée au centre de l’espace se reflétait sur  6 grands miroirs et éclairant ainsi tout l’espace.

[34] Je ne pense pas qu’Edson connaisse ce film de Paul Sharits. Pour une discussion de ce film avec Paul Sharits voir Jean Claude Lebensztejn : Ecrits sur l’art récent : Brice Marden, Malcolm Morley, Paul Sharits, Editions Alines Paris 1995, repris in Paul Sharits sous la direction de yann beauvais, Les Presses du réel 2008

[35] voir le texte de présentation de ce film dans le catalogue de Light Cone, http://www.lightcone.org/ :  On a moulé l’idée selon la forme d’une ampoule au moyen d’embouts de phosphore d’allumettes et de paraffine qui s’enflamme dans une auto combustion progressive provoquée par un agent extérieur. Cette combustion augmente en illuminant tout l’espace alentour en atteignant son climax avant de s’engloutir dans l’obscurité. Guy Brett fait remarquer dans Brazil Experimental arte /vida ; proposições e paradoxos, Contracapa Rio de Janeiro 2005, dans l’étude sur Cildo Meireles que la métaphore du feu est essentiel pour la compréhension de l’art brésilien conceptuel et représente une voix d’accès à la pratique contemporaine.

[36] Cet événement de Vivencia avait pour titre « unicacena » (scène unique). Cet événement émergeait de Res do Chao. Il nous faut préciser que le titre joue sur la similarité potentielle entre phodre et foder con ph (a real fuck !)

[37] Le son discrépant a été théorisé et appliqué au cinéma par les lettristes. Les films d’Isidore Isou : Traité de bave et d’éternité (1950) ainsi que le film de Maurice Lemaîre : Le film est déjà commencé (1951) travaille ces processus, mais aussi le film/ performance  de Gil Wolman : L‘anticoncept (1952) ainsi que le film de Guy Debord : Hurlement en faveur de Sade (1952). Frédérique Devaux : Le cinéma lettriste, ed Paris Expérimental, Paris 1992.

[38] Sur les processus utilisés par Terre Thaemlitz pour ce cd voir : http://www.comatonse.com/writings/interstices_install.html

[39] Voir les textes de Paul Sharits sur ces travaux in Film Culture n° 65-66, New York 1978 et I Feel Free,, Je me sens libre in p135/139 in Paul Sharits, op citée, version anglaise et française.