Quatr’un

quadruple projection noir et blanc16mm sur un écran de rétroprojection. les projections sont chacune le miroir l’une de l’autre.

Avec Quatr’un nous sommes en présence de quatre images qui chacune mire celle attenante ; horizontalement et verticalement. Les notions de développement d’un thème, de renversement, de miroir et renversement rétrograde semblent ainsi déployées, comme si quelques unes des figures du discours musical étaient soudain proposé de visu. Par ailleurs le dispositif de cette installation fait se croiser les faisceau des projecteurs deux à deux afin de constituer une image au centre d’un espace donné. Deux projecteurs l’un au dessus de l’autre font face à deux autres séparés par un écran double face.
La rotation qui est en scène dans les panoramiques sur le jardin est actualisée par le dispositif qui requiert la participation du public. Le public tourne autour de l’écran (central) et s’implique parfois dans l’image par son ombre alors que d’autres fois il s’agite devant l’image en mouvement. Ces quatre images ne sont pas les différents instruments d’un quartette qui viseraient à produire un quatuor donné. Ces images fonctionnent en relation les unes avec les autres mais sont indépendantes les unes des autres. Chaque passage des boucles détermine les rencontres, les accords ou les dissonances entre les images. La répétition loin d’épuiser l’expérience multiplie ces potentialités et renvoient chaque spectateur à déterminer la spécificité de son rapport à l’œuvre. Celle ci offre des potentialités qu’affirmera ou non le public.
Si à partir d’une transcription des processus de composition le musical s’est imposé ; très rapidement son utilisation directe s’est émoussé, au profit d’une approche qui favorisait l’idée du musical comme source potentielle de proposition filmique sans pour autant s’y tenir. La musicalité devenait un effet et non plus une fin. Il ne s’agissait plus pour moi de traduire ou de transcrire une pièce de musique mais de m’intéresser à des organisations musicales, ainsi qu’aux relations que le son et l’image entretiennent avec l’espace, ou bien encore de m’interroger sur les notions d’improvisation et d’interprétation.
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Dans l’un de mes premiers films : R (1975), j’ai voulu appliqué à un panoramique de 180° une organisation des prises image par image selon la transcription partielle d’une invention à deux voix de J. S. Bach. Il n’était pas question de reproduire, ni de donner à voir, et encore moins à entendre l’invention de Bach mais, de se servir d’une transcription arbitraire qui assignait à chaque note un angle de prise de vue du panoramique (tous les 5°) et me permettait ainsi, de jouer d’un clavier à raison d’un photogramme par note. Il s’agissait de constituer indépendamment de la valeur de chaque note un système d’équivalence à partir duquel j’organisais les prises (notes / photogrammes) dans un paysage : un jardin à l’abandon devant un logis du XVIII siècle. Je jouais ainsi de ma caméra comme d’un clavier et commençais à parcourir le paysage selon des suites de déconstructions savantes qui illustraient parfois des lignes de développement de formes musicales. On pourrait parler de visualisation d’une polyphonie qui cependant joue avec la sérialisation des photogrammes et inscrit ainsi la musique comme paradigme cinématographique. Déconstruction car le paysage se reconstitue selon des faux panoramiques simples ou complexes selon les formes auxquels je recourais. L’application de canons ou de fugues permettait de mettre en place des voix distinctes en faisant se croiser des mouvements sur le jardin. A la projection, ces mouvements se dissolvaient, sans pour autant se décomposer en une suite effréné de plans compressés. L’usage de règles musicales n’avait pas pour but leurs reconnaissances que la liberté qu’elles représentaient appliquées dans un autre contexte que celui pour lesquels elles avaient été conçues ou usées. Ces règles, ces principes d’organisations utilisés dans le champ visuel me semblaient court-cicuiter les schémas d’organisations narratives. Cette démarche et ses choix permettaient de ne pas (avoir à) tenir compte de la suprématie de la mimésis. En effet, à partir du moment ou l’on assigne un tempo soutenu, en distinguant chaque photogramme (et cependant proche par le sujet qui est dépeint) on favorise le brouillage visuel, ou plus exactement on joue de l’indistinction et du glissement d’un photogramme à l’autre ; on travaille des seuils de perception visuelle. Le paysage se fragmente ainsi en une suite d’éclats qui apparaîtront plus ou moins séparés en fonction des principes de tournage qui illustrent directement ou indirectement un processus musical. L’intérêt de la proposition résidait dans l’adéquation entre les mouvement d’appareil : des panoramiques et les parcours sur un pseudo clavier. Pour indiquer et marquer les sautes, hiatus d’une note à l’autre, j’intercalais un photogramme noir entre les images du jardin. Ces photogrammes quasiment noirs en dehors d’un vague cône latéral de lumière blanche dupliquaient l’alternance lumière / obscurité constitutive au fonctionnement du dispositif cinématographique. Ce qui importait n’était pas tant la mélodie : le parcours sur le jardin, que les rythmes induits par le système. Ce film contenait par sa facture : suite de faux panoramiques horizontales, débitées par le filmage image par image, des potentialités d’expansion qui s’actualisèrent lorsque le film multiplia ses écrans : double pour RR (1985) ou quadruple : Quatre Un (1991) et son pendant comme installation : Quatr’un (1993).

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A chaque nouvelle addition (d’écrans), l’impression de musicalité se trouve renforcée, sans pour autant être revendiquée. Par le doublement en miroir du premier film, RR, dévoile de manière plus explicite la structure musicale implicite sur laquelle il était construit. Les images se mirant, tous écarts entre elles déclenchent de subtiles variations évoquant les combinaisons à partir d’un thème que toute improvisation convoque. Le film propose un développement tel dans sa forme et ses mouvements latéraux que son doublement dans la durée, et sa projection inversée gauche droite souligne les qualités de symétries inhérentes à sa spatialisation, à son expansion. De plus, les effets de déphasages aléatoire sont abolis lors d’une performance en direct ou lorsque les projecteurs sont parfaitement synchronisés. Si lors d’une projection en salle, il est important de pouvoir jouer avec le synchronisme afin de permettre un élargissement de la perception de la pièce, il n’en va de même avec l’installation qui fait appel à un autre usage de la durée et par conséquent à d’autres usages perceptifs. Les rencontres, les synchronismes redeviennent de pures potentialités et font de chaque défilement des boucles une expérience à la fois unique et en constant devenir. D’une certaine manière l’installation défait la suprématie de l’enregistré, au profit de l’aléa du rendu projectif. On est presque en présence d’une double temporalité que tout oppose. Celle du support d’enregistrement et celle de la diffusion. C’est un peu comme si le cinéma faisait surgir ici la spécificité de deux usages d’un même support. Cette pratique est fréquente dans la musique électroacoustique.

Avec Quatr’un nous sommes en présence de quatre images qui chacune mire celle attenante ; horizontalement et verticalement. Les notions de développement d’un thème, de renversement, de miroir et renversement rétrograde semblent ainsi déployées, comme si quelques unes des figures du discours musical étaient soudain proposé de visu. Par ailleurs le dispositif de cette installation fait se croiser les faisceau des projecteurs deux à deux afin de constituer une image au centre d’un espace donné. Deux projecteurs l’un au dessus de l’autre font face à deux autres séparés par un écran double face.
La rotation qui est en scène dans les panoramiques sur le jardin est actualisée par le dispositif qui requiert la participation du public. Le public tourne autour de l’écran (central) et s’implique parfois dans l’image par son ombre alors que d’autres fois il s’agite devant l’image en mouvement. Ces quatre images ne sont pas les différents instruments d’un quartette qui viseraient à produire un quatuor donné. Ces images fonctionnent en relation les unes avec les autres mais sont indépendantes les unes des autres. Chaque passage des boucles détermine les rencontres, les accords ou les dissonances entre les images. La répétition loin d’épuiser l’expérience multiplie ces potentialités et renvoient chaque spectateur à déterminer la spécificité de son rapport à l’œuvre. Celle ci offre des potentialités qu’affirmera ou non le public.

Si à partir d’une transcription des processus de composition le musical s’est imposé ; très rapidement son utilisation directe s’est émoussé, au profit d’une approche qui favorisait l’idée du musical comme source potentielle de proposition filmique sans pour autant s’y tenir. La musicalité devenait un effet et non plus une fin. Il ne s’agissait plus pour moi de traduire ou de transcrire une pièce de musique mais de m’intéresser à des organisations musicales, ainsi qu’aux relations que le son et l’image entretiennent avec l’espace, ou bien encore de m’interroger sur les notions d’improvisation et d’interprétation.

 

Collection Centre Georges Pompidou