Steina et Woody Vasulka: le son de l’image (Fr)

texte de présentation en ouverture de l’exposition : Au commencement état le bruit Steina et Woody Vasulka, à l’espace multimédia Gantner 11 octobre 2014 -24 janvier 2015.

 

Je ne connais pas bien le travail des Vasulka, ni ne suis en rien un spécialiste de la vidéo, et pourtant les rencontres avec leurs travaux m’ont marqué et ce depuis que j’ai pu voir à l’American Center à Paris certaines de leurs bande et aussi plus tard à la Maison des Beaux Arts (MBXA) lors d’une rétrospective organisée en 1984. Les rencontres se sont succédées et les découvertes étaient à chaque fois importante, qu’ils s’agissent d’une pièce de Steina à la Biennale de Venise ou plus récemment encore lors de l’exposition qui s’est tenu au ZKM: Buffalo Heads. C’est lors des préparatifs de cette exposition et des recherches que j’avais entrepris pour réaliser l’exposition Figment Paul Sharits à l’espace Gantner que nous nous sommes rencontrés plus longuement que lors de leurs passages parisiens. Aussi lorsque Valérie m’a demandé de parler d’eux ai-je décidé de le faire sous le couvert de la méconnaissance et du déplacement.

Tout commence pourrait-on dire à la fin des années 60, alors qu’après s’être installé à New York, Woody s’intéresse par l’entremise d’Alphons Shilling aux dispositifs de projections

Apres l’été 67, alors que je travaillais sur des films multi-écrans, j’ai développe une théorie personnelle accusant I’image séparée du cinema (le photogramme) et son cadre d’être particulièrement responsables de la tendance narrative du film, tendance que je soupçonnais d’être a I’origine de mes inhibitions quant à l’utilisation du cinema.Mon attention s’est dirigée contre I’appareillage cinématographique lui-même.

Alphons traversait une crise similaire mais sur une échelle bien plus large, Clans la mesure où il avait également affaire avec la peinture .Nous avons fait des expériences avec une camera sur un support pivotant, dirigée a distance. Alphons a filmé une scène (une personne marchant dans la pièce} et en installant le projecteur a la place de Ia camera tout en projetant sur les murs du même espace, il réussit a reproduire les mouvements initiaux de l’image.

Cette reconstruction de I’espace a déclenche pour nous deux toute une série d’expérimentations. Nous sentions que notre dilemme avait quelque chose a voir avec l’espace – la construction et la reconstruction de I’espace dans le temps. Nous avons utilise tous les deux cette expérience de l’espace réel pour nous tourner vers (l’interprétation des codes sous-jacents : pour Schilling ce fur la conquête des principes binoculaires,pour moi le temps l’énergie comme principe organisationnel des sons et des images.

Woody : Que faire avec une camera et un moniteur ? Un feed-back’ Pour nous.c’est de 16 qu’a j’ai11i l’étincelle qui no-us a illumines. On a dit beaucoup de choses a ce sujet, Jonas Mekas a parle de culte, de l’électricité’

Steina : Avant même d’avoir une camera.nous avons acheté un synthétiseur de son Putney. Tout de suite après, trois moniteurs. Et Jusqu’en 1979, nous avons tout visionné sur ces trois moniteurs.Toute notre réflexion a tourné autour du concept dune matrice de moniteurs.

Woody :Les synthétiseurs de son nous on aussi conduit aux oscillateurs.11 y avait la un autre moyen de produire des images après le feed-back. Nous injections des fréquences dans le moniteur pour étudier les modes d’interférence

En jouant de cette interaction -le son produisant de ]’image – nous avons compris qu’il y avait la un unique matériau: : ce sent des voltages et des fréquences qui produisent des sons et des images. Gene unicité du matériau de base a sans doute été pour nous la découverte la plus importante, avec l’interactivité. Ainsi, nous pouvions générer, ou contrôler, l’image par le son. Et cc matériau avait pour nous une réalité physique.

Ce travail avec les sons des images proche d’une recherche liée à la synesthésie va favoriser une appréhension et compréhension particulière de la vidéo et va orientée toute l’œuvre des Vasulka comme un travail ouvertement et prioritairement expérimental. La recherche, l’étude des fonctionnements de tel ou tels dispositifs couplant caméra et moniteur qu’ils s’agissent du feed back, ou bien du couplage oscilloscope, et distribution de la trame de balayage de l’image. Par la suite les couplage des synthétiseurs de sons couplés au tramage des l’énergie lumineuse permet de produire des torsions, contorsions distorsions de l’images qui peuvent évoquer visuellement le feed back mais dont la production se distingue dans la mesure ou il s’agit d’une modification spatiale de la trame. Si ces appareils sont couplés au jeu musicale de alors nous sommes en présence d’un travail ou la synesthésie est pensée selon des champs incorporant le domaine de l’improvisation autant que le travail de l’atelier.

O parle de l’importance du dispositif dans la production des Vasulka, et cette critique est bien souvent négative. Ils sont envisagés comme des chercheurs, des passeurs, des relais, mais aussi comme de formidables organisateurs qui mettent à disposition des équipements et des espaces mises à la disposition d’autrui. La Kitchen fondé par eux en 1971 en étant la trace marquante, et qui aujourd’hui encore est en activité, certes sous d’autres formes mais elle a servi d’art-lab pendant de nombreuses années et d’exemples pour des structures différentes tel que le Media Study de Buffalo, ou bien plus récemment l’école du ZKM, et la fondation Langlois à Montréal.

Ils ont su créer les conditions de production et de réceptions des travaux qu’ils ont eux-mêmes créées ou bien ceux d’autres artistes. Ils ont rendus possible la création d’espace d’accueil sous la forme de laboratoire au niveau de la fabrication des outils et des objets autant que dans l’espace et de le temps de la réception c’est à dire de la présentation.

Avant de nous intéresser brièvement à cet aspect de leur travail. Je voudrais effectuer plusieurs détours par le champ de l’art, du cinéma et de la vidéo afin de déconstruire l’appréhension habituelle que nous avons des travaux de Steina et Woody Vasulka.

La notion d’expérimentation appliqué à la pratique artistique bien que souvent revendiqué par les artistes dans le passé, depuis la fin du 19 siècle est, de manière générale, mal acceptée, ou pas facilement acceptée par les amateurs autant que par le marché de l’art. Mettre en avant l’aspect d’expérimentation signifie bien souvent mais, pas systématiquement, remettre en cause ou en tout cas questionner la finalité du produit, de l’œuvre. C’est aussi changé le statut de la production de l’artiste, qui font des esquisses, des essais, des tentatives, du travail du studio et de laboratoire l’outil nécessaire à une éventuelle production d’un objet (pas forcément) finalisé. Lorsque le laboratoire est affilié, à une université, un groupe, une marque, il est attendu que la production débouche sur un objet. On constate que c’est toujours ainsi que c’est négocié la recherche avec les groupes de télécommunications ou électroniques tel que Bell, IBM etc… Stan Vanderbeck, John Whitney pour n’en cîter que deux, ont finalisé des travaux dans des laboratoires par des œuvres closes tels que Poemfield (1966) pour le premier et Catalog (1961) pour le second. Il est difficile de s’écarter totalement de cette finalité qui fait qu’une recherche doivent déboucher sur un produit. Comme si toute recherche se doit être performative.

Remarquons à la fois le formidable écart mais aussi les liens pouvant exister entre Vocabulary (1973) œuvre plus tardive de Woody Vasulka qui montre diverses possibilités de faire de l’image à partir du Multikeyer, du scan processor et du Dual Colorizer. Dans cette bande Woody dispose deux objets tridimensionnels dans de nouvelles relation spatiale l’un vis à vis de l’autre lors du traitement de leur forme. De son côté John Witney en 1961 explore les possibilités de produire une représentation tridimensionnels à partie du mouvement et de la répartition d’de point lumineux qui sont ensuite coloriser.

Vocabulary_09

Mais si l’on décide à penser un axe de recherche avec un support donné , la sérialisation et les questions relatives à la perception visuelle dans le cas de Rose Lowder, la relation d’une musique visuelle live dans le cas de Steina… on s’aperçoit que le travail de recherche et les productions qui l’accompagnent peuvent être envisager comme constituant appartenant à la production d’une œuvre si tant est que l’on doivent recourir à ce terme. Il ne sont pas les esquisses qui préfigurent le grand œuvre tel qu’on la critique et l’histoire veulent les lire et les imposer et nous bassinent avec cette interprétation antique du travail artistique. Les essais sont l’œuvre car celle-ci est appréhendé en un devenir et ne fige que partiellement, ponctuellement selon les besoins d’une présentation, d’une exposition. Le travail artistique est alors la manifestation d’un travail quotidien de recherche à partir duquel des extraits, des extraits, des travaux vont surgir qui seront peut-être figés dans une forme , comme trace d’un temps et d’une recherche. C’est ainsi que se comprenne nombre de travaux de Steina et Woody Valsulka comme la trace, ou plus exactement comme le prélèvement, la suspension d’un devenir. Ils sont un instantané dans le balayage constant de la trame.

La question de l’insistance d’une action de Steina se filmant jouant du violon, et transformant l’aspect de l’image, selon des torsions, des aplatissements, n’est pas sans me rappeler la dimension obsessionnelle de Vito Acconci, ou répétitive de Bruce Nauman qui reprend encore et encore la même action comme jouer du violon, marcher sur une ligne… ou bien encore Tony Conrad répétant le même accord et, dans un autre registre, Jack Smith se préparant sans aucune finalité pour une performance dont on découvre que c’est en fait la préparation qui est la constitue et non pas ce qui devrait suivre, subvertissant ainsi le champ du spectacle en faisant de ces moments d’apprêts, moments, actions qui ne sont en général pas vues, puisqu’ils permettent à l’œuvre d’advenir mais que l’artiste affirme pour eux mêmes. On est , de fait dans un retournement de l’usage qui procède de la transmutation des valeurs. Et c’est aussi ce qui advient avec les travaux de Steina et Woody. Ils mettent en scène et en œuvre la trace de recherche qu’ils font passer du statut d’expérience à celui « d’œuvre » pour lequel j’emploierais les guillemets, modifiant autant les paramètres d’appréciation de ce que peut être une œuvre à travers la déconstruction des paramètres classiquement usités pour définir ce qu’est l’œuvre. L’outil et l’exploration de ses possibilités fait œuvre. Il inaugure une redéfinition du langage à partir de l’usage d’un nouveau média, qui bien qu’électrique procède de manière analogique à ses débuts va se transformer petit à petit vers le numérique. Dans tous les cas il s’agit de l’extension du concept définissant la vidéo comme étant une image électronique comme temps-énergie. Il s’agit pour les Vasulkas d’écrire en lumière (ce qui caractérise le fonctionnement du dispositif vidéo) et non pas d’écrire avec la lumière (photographie et cinéma). Ainsi Les Vasulka réalise le souhait de Len Lye pour le lequel l’énergie est lumière et rythme et qu’il explore de magistralement dans ses trois derniers films et ses sculptures.

Le signal est le matériau de notre pratique artistique. On peut aussi bien parler de fréquence et de voltage au lieu de temps et énergie. Comme le dit Steina dans une interview en 1985 dans laquelle les deux artistes expliquent comment ils ont travaillé ensemble et en quoi leur connaissance lié à la pratique d’un médium, le film pour Woody, la musique pour Steina, les a conduits a exploré avec une grande liberté la video à partir d’une inversion des priorités. Woody avec la musique, Steina avec le cinéma, la méconnaissance réciproque de ces médias les conduits à imaginer et faire des choses qui sortes des sentiers battues, et s’opposent ainsi aux règles et aux conventions qui imposent le bien filmé, ou le bien rythmée ‘ qu’il faut comprendre avant tout comme acquiescement à un certain nombre de règles édictée, imposée par une approche technique et ou patrimoniale des médiums ;

L’intérêt de leur recherches convergent pendant longtemps dans la mesure ou le travail d’analyse du signal et sa manipulation à partir des synthétiseurs de son leur permet de comprendre le travail de la trame, du balayage, mais à partir d’un moment les motivations vont diverger, Steina va s’interroger et privilégier les dispositifs optiques de capture et de manipulations de l’image accouplé, en dehors du fétichisme (ou si on peut le dire en français) ou d’une préciosité en regard de l’image filmée, alors que Woody s’intéresse à la stéréo, à la vision binoculaire, retrouvant d’une certaine manière les premières recherches qu’il avait entrepris avec Alphons Shilling dans les années 60.

De fait la séparation mais aussi ce qui les unissait c’était la reconnaissance de l’inadéquation de l’instrument caméra comme productrice de l’image. On peut dire que la caméra est un outil extraordinairement limité et contrôle par un nombre important de règles techniques et esthétiques. Pour Woody, la caméra, la camera obscura devient l’ennemi, le sténopé est l’archétype de ce dispositif qui monopolise et façonne la production d’image, et c’est pour cette raison qu’il cherche des alternatives quant à la production de l’image en mouvement, quelque chose qui serait détaché de la caméra obscura et de sa perspective… dans le cas de Steina, la résistance s’exerce sur l’œil qui est derrière la caméra, celui qui sélectionne, cette instance de pouvoir. En prenant compte de cette dimension on comprend alors pourquoi et comment les Vasulka sont éloignés de cet œil caméra du cinéma. Le cinéma bien que référent important pour la vidéo ne participe pas du même dispositif de fabrication, production de l’image. La relation avec la reproduction photographique n’est pas sa raison d’être, et surtout pour chacun d’eux cela marque l’abandon de la suprématie de l’œil comme comme distributeur de l’histoire, de la représentation. Steina privilégiera une approche mécanique dans laquelle elle abandonne la prise de décisions quand à la disposition des objets dans le plan ; c’est alors qu’elle introduit le concept de all vision en recourant à des dispositifs des miroirs sphérique qu’elle couple à al caméra et a des systèmes de rotation, elle prend ce qui est à l’entour le studio, le jardin la nature, et n’arrange pas les objets dans le cadre, (Somersault, The West) alors que Woody se tournera vers l’ordinateur.

Chacun de nos travaux sont des suggestions. Ils permettent de penser et de continuer à travailler sauf qu’au fil du temps nous avons dépasse la seule phénoménologie de la vidéo. Rappelons nous que dans un premier temps la vidéo est analogue c’est à dire elle est du temps réel, et vous travaillez les bandes de manière linéaire. De son côté le digital, en fait le numérique permet un accès ouvert, random access, à n’importe qu’elle point du travail, le transformer localement ou le permuter sans avoir à tout refaire. Avec l’analogue on est encore dans la culture de l’original qui est distinct de meilleur qualité que la copie, avec le digital cela est aboli ; la copie ne se dégrade pas, la dégénérescence semble abolie. On est aussi passé de la boite à outil et ses constructions de boites de dérivations, de colorations, de transformation du signal aux codes. Ce qui change beaucoup car le code est écrit, pensé en amont alors que la boite, le commutateur que l’on installé pour modifier le signal à l’entrée ou à la sortie permettait des test etc…

noisefieldQue l’on pense à Noisefield, Violin Phase ou nombre travaux des années 70.

violin phaseC’est dans ce champ d’applications qu’existent des convergences dans les recherches des vidéastes de l’époque. On songe aux premiers travaux de Gary Hill qui s’interroge sur la relation son image… mais aussi Nam June Paik. Les différences sont grandes car la si l’on pense à la manière dont Steina, ou Charlotte Moorman joue d’un instrument de musique on voit bien le grand écart entre les propositions. De même, Steina Vasulka met toujours en avant une performativité du dispositif, de la capture, de l’exécution mais moins dans le champ de la réception. Les essais de simultanéité de l’action que privilégie le montage rapide, les switchs entre un point de vue et uns autres qui vont avec le numérique s’exposer en devenant multi écran, dans la même image, ou dans un assortiment de projections.

Je me suis toujours demandé comment les artistes qui avaient travaillé avec la vidéo analogique avaient digérés le passage au numérique. Je pensais que cela avait relativement facile pour les Vasulka dans la mesure ou ils avaient toujours fait appel à des outils qu’ils avaient conçut ou qui avaient été conçu pour eux. Je n’avais jamais pensé que le surgissement du code, des programmes les avaient plongés pendant plusieurs années dans une sorte de désarroi, car soudain tout ce qu’ils avaient fait était, pensé devenait obsolète. Il fallait maintenant écrire le code, c’est à dire que l’image s’était véritablement dématérialisée. Avec les commutateurs, il y avait une sorte de matérialité de l’image, on la trafique en totalité. Avec le digital, c’est aussi la possibilité de généraliser et d’amplifier l’incursion dans des parties de l’image, comme si le travail de la truca se démultiplier.

Mais une des choses qui manquent peut -être au digital c’est la dimension de l’imprévisible, l’irruption de l’intempestif dans l’image et le sons, l’erreur, le mal fait etc…. Bien souvent la culture digitale s’oppose à ces défauts, ces mal versions, sauf bien entendu avec le glitch. Steina a un programme qui déjoue l’uniformisation de l’image digitale, et elle s’est aperçut que trop souvent les artistes, veulent toujours contrôler ce qu’ils font, la place de l’imprévisible est limité au strict nécessaire. (voir une interview qu’il donne en 2010 à Terry Flaxton). On fait toujours face au diktat de l’Auteur. C’est ainsi que la question de l’auteur vient se greffer à nouveau selon des modalités périmées bien que toujours activées par le marché et par les « auteurs » eux-mêmes qui n’ont pas su et ne veulent pas transformer, accepter la mutation de leur position répétant jusqu’à satiété la sempiternelle ritournelle d’un égo survitaminé.

L’usage et l’utilisation des instruments mécaniques/ optiques ainsi que les programmes qui se substituent ou accompagnent les décisions du vidéaste, renforcent l’autonomie créatrice selon des modalités privilégiant l’improvisation et la dimension performative du faire (encore faut-il savoir quoi en faire). Ainsi Steina peut-elle depuis le milieu des années 80 privilégiés l’espace extérieur et les paysages du Nouveau Mexique depuis qu’ils se sont installés à Santé Fé. Son installation sur les chutes d’eau de plusieurs écrans (6 ou 7 à vérifier Biennale de Venise) n’est pas tant impressionnante par l’objet filmé la chute d’une grande masse d’eau que par la subtile chorégraphie et synchronisation des différents écrans qui manifestent alors des composition s entre eux jouant entre l’unisson, la forme fuguée et les dissonances si l’on peut parler de dissonance dans le champ des écrans. Il s’agit de mise en phase et déphasage qui font surgir la coupe qui a été le vecteur essentiel du cinéma et que la vidéo a écartée au profit de la continuité et du flux, mais qui est réintroduit spatialement avec les multi écrans quelque soient leur nature. Le montage se déplace du vecteur temporel pour s’implanter dans l’espace.

Par rapport à cette transformation du faire à partir de la mutation des outils les Vasulka ont donc pendant plusieurs années étaient désarmés . Tout ce qu’ils savaient, avaient appris au film des expériences n’avaient plus aucune pertinence. Le code changeait la donne. La matérialité était finalement abolie. Faire des images n’avaient plus rien avoir avec la capture de la réalité, elle devient construction et organisation d’une suite, d’un enchainement de code selon du pré-programmé. Cependant dans cet univers pour le moins assisté, l’uniformisation guette. La dématérialisation de l’image qui s’accompagne d’une multiplication exponentiel des traitements est bien/trop souvent régit par l’exclusion de l’aléa ; à moins de programmer ou d’inclure dans le code des lignes de fuite qui puissent désorganiser la mécanique bien huilée du programme initial.

 

art of memoryC’est ce travail que va privilégier Steina dans ces travaux depuis la fin des années 90, alors que Woody va réintroduire une dimension dramaturgique qu’il avait exclut de ces machines de vision dans The Commission ou Art of Memory dans lesquels il souligne l’importance de la cinématographique en regard de sa production narrative. Le dispositif cinématographique est, pour Woody Vasulka ce qui trame le narratif c’est ce qui l’avait poussé a le quitter. Il faut bien sur entendre ici la trame comme chainon narratif et non pas élément constitutif du balayage video. La trame est modulable, elle avait été l’un des enjeux du développement formel de son travail des années 70.

Si l’expérimentation est privilégié dans le champ du faire, elle l’est tout autant lors de la monstration, il faut penser que l’exposition ou la projection sont des moments dans lesquels les artistes peuvent explorer des modalités et des dispositifs. Ainsi l’espace de l’exposition est un espace proche du laboratoire il perpétue le travail initié chez eux lorsque les Vasulka invitaient des gens à venir voir des travaux, et qui se déploiera ensuite à la Kitchen et à Buffalo. On ne peut penser la dimension performative d’une œuvre dans son faire si l’on évince de cette exploration et de cette expérimentation la composante ayant trait à la réception et donc à l’installation des œuvres. Ainsi le dispositif qui reçoit se trouve mis en crise par la précarité d’un projet qui met en question ses habitudes et se modes de fonctionnement. Se heurtent des logiques de flux, dans lequel le figé, la forme arrêtée doit être produite afin de permettre à l’espace d’art de présenter, manifester sa capacité à recevoir et à innover en recevant des œuvres en devenir.