Une nouvelle expérience B³ (Fr)

Revue & Corrigée n° 86 juin 2011

Las de vivre dans un pays où le bling-bling et le racisme dominent toutes formes de pensées et d’actions, ou l’absence de discours critique et le machisme (voir la défense ces jours-ci de DSK, quant à la victime : quantité négligeable, on n’en parle pas) sont de règle je ne me sentais plus d’y résider. Ce pays qui se repaît de sa grandeur passée à défaut d’une quelconque présence pertinente dans le champ politique économique ou culturel contemporain en dehors des classiques rodomontades ou effets de manches du sarkoléon me fatiguaient et selon l’alternative délirante préconisée par ces mêmes édiles ; si on ne peut s’adapter aux règles du pays alors on doit le quitter.

Chose faite !

Cela faisait déjà plusieurs années que je m’étais retiré de la présidence et du bureau de Light Cone, considérant que la nécessité d’une structure s’inscrit dans le dépassement des personnes qui l’ont faite ; l’identification d’une structure à ses fondateurs n’est pas vraiment réjouissante, elle annonce la muséification et le patrimonial en grande pompe…. L’enseignement dans une école d’art géré comme une agence de divertissement n’était plus réellement stimulant malgré la singularité des élèves.

J’avais envie de me confronter à d’autres exigences et d’affronter d’autres réalités.
Pacsé depuis plusieurs années avec un artiste brésilien, nous avions décidé de monter un espace, laboratoire, galerie, lieux de rencontres et recherches au Brésil. Le 5 mai 2011 le Brésil reconnut l’union homosexuelle à l’unanimité du Tribunal Fédéral Suprême.

L’opportunité nous a été offerte lorsque César nous a proposé, de nous occuper d’un espace en face de son cabinet d’architecte, dans le vieux Recife.

Nous avons accepté l’idée mais en la transformant radicalement. Nous ne voulions pas programmer un espace depuis São Paulo, mais nous y impliquer. Pensant qu’il pourrait être intéressant à créer un espace dévolu à la pratique de l’art numérique qui prendrait en compte ce qui dans d’autres pratiques avait signalé, indiqués, exploré des chemins que le numérique amplifia ou creusera plus encore. La diversité des pratiques digitales et la remise en question du statut de l’auteur autant que de l’œuvre nous semblait être des indices marquant dans la production artistique contemporaine. Le déplacement de la relation entre le producteur et l’usager, la transformation de l’expérience et de la finalité du travail ne répondant plus aux critères de la narration, de l’abstraction, de la clôture de l’œuvre, la modification de la relation de la performance entre performeurs et usagers ….
L’inscription de la modularité, de la variabilité et les détournements pouvaient être de bons indices pour commencer. On aurait pu s’installer à Rio de Janeiro, Belo Horizonte ou bien encore à São Paulo, ou nous demeurions, mais, dans ce cas, on s’insérait dans un milieu et dans une économie culturelle déjà bien définie qui répond à des structurations et des fonctionnements proches de ce qui se fait en France selon les mêmes dynamiques….

Établir un espace dévolu à l’art numérique à Recife c’était travailler dans un territoire, le Nordeste qui échappe souvent à la domination du triangle artistique dominant brésilien, même si la dernière biennale de Sao Paulo a été le fait d’un commissaire de Recife, et que la presse brésilienne découvre qu’il existe en plus de Paulo Bruscky, d’autres artistes du Nordeste, en dehors des seuls musiciens et cinéastes. Travailler à Recife c’est vouloir déplacer et ajouter de nouveaux flux de circulation. C’est se confronter à un champ de résistances autant que découvrir de nouvelles formes de production et diffraction et créer des conditions pour de nouvelles confrontations, et rencontres. C’est profiter du fort engouement d’une économie créative se constituant autour d’un noyau de recherche numérique dans l’application et le développement de soft et hardware à Recife à travers le pôle de recherche et de production Porto Digital.

Privilégier le numérique selon un versant artistique, c’est montrer et proposer un ensemble d’œuvres jusqu’alors inaccessibles, ou méconnues. C’est dialoguer en favorisant rencontres et courts-circuits afin de réunir les conditions d’explorations et d’incitations à l’analyse, à la création… C’est enfin, poursuivre selon d’autres modalités et en d’autres circonstances des processus similaires engagés en tant que cinéaste et activiste. C’est mettre à disposition des outils de consultations à travers des archives papiers et de films et vidéos mais aussi à travers des activités d’enseignements et d’art trainee.

La réponse des artistes, cinéastes, musiciens, hackers auxquels nous avions songé fut positive ; ils ont tous accepté de participer au projet BCUBICO. Nous ouvrîmes avec une exposition Thomas Köner, suivie par une d’Anthony McCall avec la nouvelle version de Line Describing a Cone 2.0 (1973-2010).
Ces deux expositions sont accompagnées d’œuvres de la collection de l’Espace multimédia Gantner avec lequel nous avons établi un partenariat afin de donner accès à des œuvres d’art numériques

 

Depuis le début 2013 B³ s’est installé dans un autre quartier au centre de la ville de Récife.

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