Le nom et l’âge des premiers 34000 palestiniens génocidés depuis le 23 octobre 2023.
RemerciementsàAlJazeera,LucasMurari,EdsonBarrus-Atikum,
Le nom et l’âge des premiers 34000 palestiniens génocidés depuis le 23 octobre 2023.
RemerciementsàAlJazeera,LucasMurari,EdsonBarrus-Atikum,
Initialement écrit en 2010 à partir d’un texte de 2003, pour Scratch publée à Taipei en 2014 dans Stranger Than Cinema : A Study of Taiwanese Experimental Films organisé par Tony Chuin-Hui Wu
À Taipei, on trouve des cinéastes expérimentaux qui travaillent avec les moyens du bord. Jusqu’à la fin des années 90, l’intérêt pour le cinéma expérimental était très irrégulier, de plus, il était difficile pour la plupart des cinéastes et artistes, de retour, de continuer une telle pratique non seulement par manque de moyens mais manque d’accessibilité et visibilité à Taïwan.
Si la cinémathèque de Taipei a montré par le passé des films, elle n’accompagnait ni un mouvement, ni des cinéastes, quand bien même la production cinématographique sporadique de certains plasticiens et les nombreuses traductions que la revue de la cinémathèque a entrepris depuis les années 901. Le festival de Taipei de 2005, avait été exemplaire à cet égard en incluant de nombreux films et vidéos expérimentales contemporaines.
Jusqu’il y a peu de temps, presque tous les futurs cinéastes découvraient le cinéma expérimental lors de leurs études à l’étranger : Hsiu–Ching Wu, au début des années 90, est à Chicago où elle réalise quelques films dont A Play in Water (1992), avant de s’orienter vers un cinéma plus documentaire, une fois réinstallée à Taipei. Rue Yi Hung et Wu Chun Hui étudient à San Francisco. Ce dernier poursuivit sa formation à Bard, tout en organisant des programmes à Taipei dans le cadre d’Image Mouvement. Il a été l’un des rares à continuer de faire sur place des films avec la plasticienne Mei-ling Hsiao, qui a étudié au Fresnoy vers la fin des années 90. D’autres encore, récemment émigrés, décident de rester dans leur pays d’accueil. Pour ceux qui revenaient, le retour signifiait en tout cas, jusqu’au début 2000 l’abandon d’une pratique face aux difficultés rencontrées face à la culture cinématographique taiwanaise. Comme le reconnaissait Wu Chun Hui, les cinéastes n’avaient pas grand choix à leur retour :“ Ils doivent avant tout survivre, les seules solutions qui leur sont offertes sont l’enseignement ou le cinéma commercial, ce qui a pour résultat qu’ils continuent rarement de travailler le cinéma expérimental. ” Pour Vincent Wang, lui-même cinéaste2 : “ Toute la question est de savoir si l’on peut continuer à faire des films lorsqu’on sait que le gouvernement taiwanais ne reconnaît le cinéma que sous deux formes : les long-métrages ou les documentaires. ” Depuis cet entretien, en 2002, la situation a changé car l’enseignement de cinéastes et théoriciens a modifié le paysage et entraîné la production de films. Taiwan Video Club (1999) de Lana Lin illustrait cette dépendance entre la culture importée la production chinoise traditionnelle que l’on retrouve dans ces soaps et séries, consommées avec avidité par des générations de Chinois émigrés, comme l’illustre le documentaire.
Un grand nombre de cinéastes privilégient les formes courtes, s’exprimant à travers le documentaire, l’animation et parfois le cinéma expérimental, tandis que d’autres investissent le cinéma sous la forme de vidéos et d’installations, comme Mei-ling Hsiao, qui réalise parfois de courtes pièces : dans Lettre L’être (1996), le visage du peintre apparaît au fur et à mesure du transvasement de l’eau d’un récipient à l’autre. L’artiste Yin-Ju Chen fait appel à des formes courtes. Elle met en scène des micro-récits, quasiment des courtes performances, qu’elle filme de manière simple. Dans Untitled (2001), le visage d’une femme grimaçante, se tordant de douleur, fait écho au fait qu’elle donne naissance à un phallus : elle l’expulse de son corps. Des situations simples mais efficaces sont enregistrées sans commentaire, se suffisant à elles-mêmes : Escaping For a While nous montre une tentative de noyade dans un bol. L’artiste plonge son visage pour un long moment, puis relève la tête, reprend le bol et quitte le champ. Dans Recycle System (2002), elle nous propose une vision également absurde : elle passe l’aspirateur alors que le tuyau est connecté à sa bouche, faisant du corps féminin un aspirateur autonome. La position critique n’a pas à être soulignée, les images se suffisent. Depuis plusieurs années le monde de l’art accueille les propositions de cinéastes aussi bien sous la forme d’installation et approche critique permettant ainsi à des plasticiens et à des cinéastes de croiser les pratiques en atteignant d’autres publics. Taiwan n’échappe pas à cette inclusion du medium film part et dans le monde de l’art. La biennale de Taipei, mais aussi les revues comme Artco Monthly3 jouent un rôle dans la propagation du cinéma à travers le monde de l’art.
Le cinéaste Machunfu, privilégie l’animation. Il partage avec nombre de ses contemporains une exploration de l’animation selon une pluralité de registres4; il fait le lien avec le monde de la publicité, des vidéos clips et le monde de l’art. Mélange des genres mais aussi imbrications des techniques qui redistribuent les icônes de comics et de manga selon des modalités inattendues : Unblessed Love (2008). C’est le graphisme qui dynamise le traitement et la dynamique des images, ainsi dans Murder A Face (2005), le processus de destruction de document, papier est mis à profit afin de mettre en pièces (en lamelles) un portrait d’enfant en noir et blanc.
La maîtrise technique rappelle les manipulations de photos de Spacy (1981) de Takashi Ito. Dans Lost in Remembering (2005) c’est la soustraction du même personnage à différentes étapes de sa vie qui interroge le souvenir selon un registre qui fait de l’effacement la condition d’une maîtrise et qui sait, de la survie. Par ailleurs on remarque que le cinéaste joue avec les jeux vidéos et son esthétique en recourrant au machinéma dans la série kodomo ?
La découverte du cinéma expérimental au cours d’études à l’étranger est révélatrice d’une attitude spécifiquement occidentale vis-à-vis du cinéma. On constate son importance et son influence dans les premiers travaux de Lana Lin, RueYi Hun, Anita Chang, Wu Chun Hui, Chen HsinWei. Certains de leurs films font état de préoccupations relatives au développement artisanal (Untitled, 2001, RueYi Hung). D’autres utilisent des found footage (I Begin to Know You, Through The Door, Sphere and Circle Round, 1992, Lana Lin ; Intimacy , puis More Intimacy (1999, Wu Chun Hui), Pluto 2008, de Yang Kai Yen, où affirment une subjectivité au travers des journaux filmés (A Play in Water, 1992 ; Untitled, RueYi Hung, Far Side of the Snow 2007 de Zhen Niam Kuo). Chacun s’approprie les images à sa manière : Lana Lin choisit de représenter l’activité des femmes, alors que Tony Wu utilise des images pornographiques homo dans Intimacy et ses variantes successives, qui trouveront un prolongement troublant dans Making Maps (2001). Dans ce film Tony Wu mêle à des images de jeunes garçons se baignant à la mer, en vacances des images pornographiques. Chaque série d’images induit des relectures en regard de celles qui les précèdent ou les suivent ; comme David Wojnarowicz, le faisait avec Untitled (One day this kid…,1990), dans une forme plus activiste en associant à la photo d’un jeune garçon un texte dénonçant ce qu’il endurera socialement en tant que gay. Le montage dense de Making Maps privilégie les éruptions sporadiques de grappe de photogrammes aux longues séquences, afin de dresser une cartographie potentielle des désirs. Making Maps utilise le sang et le sperme afin de créer des textures sur les images pornographiques autant qu’ils sont objets de la représentation, et comme on le voit parfois chez Andres Serrano5.
Certains artistes s’écartent de cette approche, privilégiant de longs plans (Chen Chieh-jen) ou le plan-séquence, comme Shuo-wen Hsia dans Intrude Sanctuary (2000) qui offre au regard un moment dans le métro de Taipei, alors que les défilent les stations, que les gens entrent et quittent la rame au son des annonces trilingues. Un film sans prétention qui rend indirectement hommage à Ernie Gehr, filmant les passants dans une rue de Brooklyn ou le temps qui s’écoule dans une avenue de Manhattan. L’écoulement du temps appréhendé différemment dans l’espace clos d’une caserne est à l’œuvre dans 03 : 04 (2000) de Ting Fu Huang. L’aspect photographique du documentaire restitue la banalité de la vie des conscrits, la rendant presque attrayante par sa plasticité. Quelques visages, quelques attitudes sortent de l’anonymat, tranchent sur l’ennui inhérent à l’enfermement. Sans commentaire, utilisant différentes vitesses d’enregistrement, le film dresse un portrait accablant d’une jeunesse confinée, réduite à un champ d’activités restreint, dans un lieu pour le moins désolé, une des îles dans le détroit de la Mer de Chine. Ici, comme dans She Wants to Talk to You (2001) d’Anita Chang (émigrée de la seconde génération, née aux Etats-Unis), où des Népalaises racontent leur expérience de l’émigration, c’est l’aspect expérimental du documentaire qui, au-delà des sujets, retient l’attention.
Dans 30 : 04, l’utilisation de l’accéléré permettait de condenser l’expérience routinière des soldats, dans le film d’Anita Chang, le refilmage de documents et le développement manuel confère au film des textures, un grain, des taches et des rayures, qui deviennent la marque d’une subjectivité. Subjectivité de ces femmes qui commencent à faire l’expérience d’une certaine liberté. La personne déplacée est également au cœur du film de Lana Lin, Taiwan Video Club, comme de la courte fiction And Now Happiness (2001) de Tung Wang, qui oppose désir et religion dans la vie d’un garçon à New York.
Beaucoup de cinéastes d’origine taiwanaise travaillent sur la mémoire selon des modalités propres à chacun. Le journal filmé et l’évocation d’un temps plus ou moins distant sont à l’œuvre dans Grandma (2008) de Sumigyen et dans les films de Zhen Niam Kuo. Ces retours vers un ailleurs sont explorés plus systématiquement dans les films de Ming-yu Lee. Depuis That Day (2005) en passant par Going Home (2008)6 et jusqu’à Home Not Yet Arrived (2010) le cinéaste recourt prioritairement au super 8 où au téléphone portable pour réaliser ses films qui se focalisent sur de micro événements du quotidien, ou s’absorbent dans les regards et les gestes anodins, presque sans qualité et qui pourtant permettent de saisir une atmosphère, des émotions, des sentiments.
Home Not Yet Arrived revêt la forme d’une lettre adressée au père décédé, l’informant de la vie familiale actuelle, et ce alors que le souvenir du père s’estompe et qu’on finit par y penser moins fréquemment. Les films sont développés par le cinéaste et souvent refilmés selon des stratégies évoquant les matérialités des laboratoires alternatifs d’Europe ou d’Asie. Sont privilégiés les liens que Ming-yu Lee entretient avec les groupes de super 8 et, avec le mouvement des laboratoires dont l’esthétique affirme similairement la matérialité et les spécificités du support argentique. La plasticité du portable est affirmée par de nombreux cinéastes contemporains et, qui à l’instar de Lionel Soukaz pensent que: « L’image est moins bonne que celle des caméras DV, mais elle est plus chaude, plus proche de l’image du super 8.7 ». De plus, comme le remarque justement Yung Hao Liu8, ce n’est pas tant l’authenticité qui est privilégie, bien que ce soit celle ci qui fasse écran au film, qui est recherché par le cinéaste que l’affirmation d’un style à travers le flou, le baclé, etc. Il partage cette volonté de ne pas se plier à une esthétique policée dominante que l’on retrouve chez quelques cinéastes et artistes contemporains.
Deux artistes plus anciens se distinguent : Wu Chun Hui et Chieh-Jen Chen. L’un venant du théâtre et du cinéma, l’autre des arts plastiques et plus particulièrement de la photographie.
Pour Wu Chun Hui, la rencontre avec le cinéma se réalise en priorité à travers le found footage. Travaillant à partir d’objets déjà filmés, on peut manipuler à son gré, surtout si l’on développe soi-même les images trafiquées à la tireuse optique. Dans le cas d’Intimacy puis de More Intimacy, une séquence de film porno homo, retravaillée, permet de montrer le rapport entre le grain de la peau et celui du film, et met en jeu notre capacité à trier les informations dans une image complexe. Que voit-on vraiment, qu’appréhende-t-on ? Ce qui est enregistré où ce que l’on aurait aimé voir enregistré ? En manipulant cette séquence, et grâce au jeu des surimpressions, le cinéaste crée des relations qui n’ont pas d’autre existence en dehors de la pellicule. Il induit des rencontres inédites, mais moins fortuites qu’elles ne paraissent de prime abord. Tony Wu propose de nombreuses versions de ses films: Cemetery en compte 7, sur différents supports : super 8 et 16mm, ou plus récemment la série d’installation et film Resurrection, qui en compte 5.
Dans Pycho Shower (2001), comme dans Intimacy ou Cemetery, le bleu domine.
L’écran en est saturé. Hommage au film d’Hitchock, Psycho avec la scène de la douche,dans laquelle l’irruption du meurtre joue un rôle capital. Le refilmage de cette scène centrale procède par saccades. Les saccades, les délais, les retards étirent la scène initiale et la métamorphosent. Un univers s’ouvre alors. En ralentissant la scène, en la décadrant, le cinéaste convoque un passé cinématographique qui inclus non seulement le cinéma des années 60, comme la Jeanne d’Arc de Dreyer. La scène initiale s’étire (mais à la manière de Douglas Gordon), elle se replie afin de mieux se déployer selon des modalités qui rappellent les procédés utilisés par Raphaël Ortiz et Martin Arnold. Il ne s’agit pas de la citation d’un processus : le cinéaste propose une médiation sur le regard, sur la distance et la mémoire du cinéma, à travers le cinéma. Déconstruction de la scène image par image et remontage, un remixage qui ne respecte pas nécessaire la continuité initiale. Cette douche devient la mémoire d’un cinéma à venir. Tony Wu structure ses trois films grâce au travail chorégraphique qu’il accomplit avec les différents éléments mis en jeu. L’arrangement des mouvements, leurs reprises, les variations et permutations du cadre, d’un geste, les répétitions d’une action, d’un plan deviennent ainsi des moments dans l’acquisition d’un savoir, qui travaillent notre capacité à gérer l’information déjà vue. Il convoque nos souvenirs comme il le fera plus directement encore en introduisant dans Making Maps (2002) des séquences de home movies, montrant des enfants qui se baignent. Un futur éventuel est envisagé pour un enfant asiatique qui vit dans le monde des Blancs : écho lointain de la situation du cinéaste dans un monde dominé par le cinéma expérimental occidental.
De la même manière, nos souvenirs sont envahis d’images qui ne nous appartiennent pas directement, mais que nous incorporons, que nous faisons nôtres : images de conflits, images pornographiques, clichés cinématographiques. Tout concours à faire de notre mémoire un paysage traversé d’images dont nous n’avons été que spectateurs. Les images font surgir les possibilités masquées qu’elles contiennent (le travail de Martin Arnold irait dans ce sens), ou bien elles sont le miroir9 de nos pensées les plus secrètes, images sur lesquelles on revient sans cesse. Le travail sur le retour des images irradie la pratique filmique de Tony Wu. Des images de Making Maps déclencheront Maps Dreaming (2001). Incarnation (Boy) donnera naissance à Re : Incarnation (Boy) (2003). On pourrait multiplier les exemples qui font du recyclage, de la recombinaison et du retraitement des outils de prédilection du cinéaste, qui prolonge un travail en jouant avec les variations.
On en trouve une récente manifestation dans la série : Resurrection ( 2006 à 2008)10. Cette série travaille la relation que les émulsions entretiennent à la photographie, à la vitesse et au cinéma. Le défilement et la granularité des émulsions, 16mm, Super 8 et 8mm accumulés au fil des ans lors de voyages en Europe s’opposent aux images gelées majoritairement en négatif dans Europe Ressurection (2006). Dans ce projet somme, Tony Wu, explore les seuils de perception et de reconnaissance des images qu’il avait entrepris avec exTaipeit (2005) qui associe quatre couches de flux d’images: travellings latéraux de plan des fenêtres de métros de différentes villes du monde et transcriptions rapides de textes, à quatre sources audio selon une construction qui induit conflagration et télescopage d’informations et questionne nos seuils de perception. L’impression de collage en flux domine dans ce film, alors qu’avec la série de Resurrection, l fait face à une mosaïque de mouvement et de textures produisant par couches de fragment concassé, une topographie de ville, dans Europe Resurrection et une ville : Paris plus précisément dans les trois opus de 2008: Last Night I Had a Dream, About My Mother, But I Could Not See Her Face et Paris Ressurection. Ce dernier se distingue par le traitement des photos, qui syncopé et parfois en surimpression sont trouées, déchirées, en lambeaux laissant apparaître la lumière et permettent ainsi la production d’images composite proche du vitrail. En ce sens l’esthétique déployée se rapproche de celles qui sont développées par Carolyn Avery ou Cécile Fontaine selon des techniques de décollages (liftings) des couches émulsives.
Cette série se singularise par la production d’image composite, images non-inscrites sur le ruban, mais que la pulsation cinématographique rend possible. La série se déploie selon des champs qui vont du personnel et de l’intime dans son usage de bandes de films dont on distingue de un à quatre photogrammes pour le premier opus de la série (Europe Resurrection), quittant progressivement le champ cinématographique pour affirmer par degré une dimension graphique et composite qui font entrer le travail dans un champ plus contemporain et proche d’une esthétique numérique, alors que les moyens utilisés ne le sont pas. Cette interrogation sur les vestiges d’un passé lointain ou proche, Chieh-Jen Chen, la met admirablement en scène dans ses photos et dans ses films : “ Je ne peux m’empêcher de regarder à ces images d’anonymes torturés, exécutés. Il semble qu’on peut voir par-delà ces images, d’autres couches d’images et de mots, latents, non dits. …/… Dans cette compulsion à regarder ces photographies, souvent je me voyais être la victime, ou le bourreau, ou un collaborateur de ces photos. ”11
Depuis quelques années, cet artiste a travaillé à partir de photos de supplices, de massacres ou de torture. Le supplice s’est toujours montré, a toujours été pensé sous forme de spectacle : on se souvient de la description étonnante de Michel Foucault qui ouvre Surveiller et punir.
Une des photos de la série Genealogy of Self est réalisée à partir d’une photo du supplice du Lingchi, prise en 1905 par Georges Dumas. La photo historique, agrandie et transformée, est à l’origine du projet cinématographique de Chen.
Il recrée, grâce au pinceau numérique, le supplice du Lingchi consistant à découper une victime en petits morceaux tout en évitant qu’elle ne meure trop rapidement. Comment ménager la victime et le spectacle ? À quoi pense la victime alors qu’agonisante, elle subit de nouvelles interventions, quel regard porte t-elle sur nous qui regardons ? Ces questions sont centrales pour comprendre le travail de la photo et du film. La scène du film a été tournée en 16mm, puis manipulée image par image. Lingchi – Echoes of a Historical Photograph (2002) existe en deux versions: en simple écran ou comme installation en triple écran – forme sous laquelle il a été montré lors d’une Biennale de Taipei (2002). Dans sa forme en installation, la dimension mystique du travail est soulignée par le choix du triptyque.
Suite de lents travellings latéraux et de plans rapprochés de la victime, le film est pour la plus grande part teintée en sépia. Il montre les instruments et la préparation du supplice, puis son exécution. On est immédiatement saisi par la qualité de l’image, qualité que l’on retrouve dans tous ses films. Les compositions minutieuses, les mouvements fluides et lents d’appareils plongent les scènes filmées dans un temps suspendu, qui permettra de constituer une mémoire d’un évènement, d’un lieu, par le changement de point de vue. Cette composition est comparable à celles dont la religion et l’art ont fait grand cas à savoir la représentation de corps souffrants ou hystériques. L’image est traitée comme le supplice : on n’est jamais directement confronté à la représentation du supplice, ce n’est ni “ gore ” ni même “ trash ”, et à la différence du Blow Job (1963) d’Andy Warhol, le hors champ n’est pas le moteur de représentation12. Avec ce film, Chen Chieh-jen (se) demande si l’on peut accéder à ce que pensent le bourreau, la victime lors de l’accomplissement d’un tel rite? Et que dire, des transformations provoqués par le spectacle d’un tel supplice, dans la psyché des spectateurs ? Seul un léger flou souligne la distance entre l’objet de notre regard – le supplicié – et le sujet qu’est le rite du supplice des huit couteaux. Par cet écart, nous pouvons continuer à voir encore et encore. Parfois, comme dans le Salo de Pasolini, la distance et le sentiment de voyeurisme sont accentués par l’irruption d’un photographe fabriquant un cliché stéréoscopique du supplice et de ses instruments. Il ne s’agit pas de body-art ou même de sa représentation13, tels que les promurent les actionnistes viennois ou les artistes chinois contemporains, mais plutôt d’une re lecture de l’histoire, à travers une reconstitution du supplice de la mort languissante. Tenus à distances, mais parfois nous passons de l’autre côté à l’intérieur du supplice, notre regard occupant la place des plaies. Nous sommes en présence d’une œuvre singulière qui interroge les techniques d’enregistrement d’un châtiment en faisant appel à l’histoire de ses représentations et à ses mésinterprétations culturelles. La souffrance du supplicié est muette, déréalisante elle finit par abolir les sens, d’où l’extrême malaise lorsque se fait entendre la présence ponctuellement un son sourd, transfert d’ondes électromagnétiques de la peau de l’artiste.
Le film interroge notre ambivalence vis-à-vis de la représentation de la violence, de sa mise en scène entre fiction et réalité, autant que les usages que nous en avons, que nous en faisons et ce d’autant que la photo du supplice et le film renvoient à l’économie du colonialisme et de son exploitation de l’exotisme qui évince l’autre confisquant toute parole singulière en dehors des siennes.
On retrouve le silence des exclus, des chômeurs, des déclassés dans d’autres films de Chen Chieh-jen, les ouvrières d’une usine de textiles dans Factory (2003), des étudiants, chômeurs, et sans abris dans Military Court and Prison (2007-08).
À chaque fois, il est question de revenir sur un lieu, de revisiter des usines fermées pour cause de transfert de production vers d’autres pays, ou bien d’immeubles abandonnés, tours ou institutions judiciaires comme le tribunal militaire et sa prison afin d’inscrire une continuité malgré l’arrêt, l’abandon. Le film fait archive, il permet de constituer dans les lieux, la mémoire des outils de productions ou d’exclusions… Le film garde la trace, et permet d’écrire une histoire, de se réapproprier un évènement qui aurait pu avoir lieu; ainsi ce piquet de grève dans The Route (2006)14 des dockers de Kaohsiung, qui en 1997 avaient déchargé un cargo auquel les dockers du monde entier s’étaient refusés jusqu’alors face à la privatisation des docks dans le monde. Alors qu’ Empire ‘s Borders 1 (2008-09) met en jeu la disqualification d personnes désirant se rendre à l’étranger, par exemple aux Etats-Unis, ou à Taiwan. Les services administratifs refusant d’écouter les requêtes des voyageurs, des immigrants. Cette disqualification des personnes est devenue à ce jour l’une des techniques les plus utilisées par les démocraties du monde qui s’arroge le droit de laisser circuler les marchandises, mais pas les humains. Privés de parole et par conséquents de droits, les Chinois mariés à des taïwanais désirant se rendre à Taiwan, se retrouvent dans la même situation.
Tout le travail de Chen se focalise sur la possibilité de renouer avec des histoires, avec une histoire avec son histoire qu’il s’agisse de celle d’une personne autant que d’un pays; la dimension politique est centrale: « Taiwan est devenue une société de consommation avec une grande facilité d’oubli qui a abandonné son droit de se conter et cela m’a incité à m’opposer à cette tendance. Ainsi chaque film que je réalise incarne une modalité de résistance, on doit voir chaque film que j’ai comme un acte de connexion, qui lie l’histoire des gens exclus du discours dominant, les situations de vie réelle de sphères ignorées ou isolés. Je m’oppose, ainsi à l’état d’amnésie dans la société de consommation. » Avec Empire’ Border II, Western Entreprises Inc (2010), Chen Chieh-jen continue son investigation sur les lieux de mémoire et leur effacement. Cependant bien que les architectures et les lieux de travail déliquescents sont voués à s’effacer, les corps conservent encore la trace de l’aliénation. L’espace du travail a marqué les corps qui êtres fantomatiques errent dans les anciens lieux de travail délocalisés ou bien inutilisés, car obsolètes. Dans ce film l’irruption de l’histoire du père en préambule, il fit partie en effet de la NSA (National Salvation Army). Cette unité était une organisation militaire mise en place par la CIA pour combattre la Chine communiste. Ce préambule modifie le rapport que nous avons aux lieux l’immeuble de la Western Entreprises Inc et aux ouvriers, soldats (mais le sont-ils qui hantent cette fabrique désaffectée qui était en fait l’immeuble de couverture de la CIA à Taiwan). L’étirement des plans fait surgir le Stalker d’Andrei Tarkovski, alors que leur plastique s’apparente à celle que travaillait Serguei Loznitsa dans ses documentaires ou films de compilations. La présence d’un son lourd en rotation constante s’interrompt brièvement pour faire entendre quelques échanges laconiques entre différents personnages se souvenant ou essayant de comprendre. Tout participe dans ce film d’une tentative qui vise à écrire, ré écrire une histoire qui a été effacée, évincée. Comment faire face à cette absence, comment un peuple, des hommes peuvent-ils élaborer leur histoire si celle-ci est marquée par ses hiatus, ses trous noirs. Tout le travail de Chin Chieh-jen se polarise sur cette question de la constitution d’une mémoire qui n’existe pas car elle a été délibérément annihilée. C’est ainsi qu’il faudrait alors comprendre l’importance du noir et blanc dans la majeure partie des travaux de Chen. Dans Empire’ Border II, Western Entreprises Inc ont fini par ce demandé si il s’agit vraiment de noir et blanc ; la plastique et le soin apporté au traitement des teintes, confèrent à ses films une dimension picturale indéniable.
La pluralité et la diversité des œuvres retenues remettent en question notre regard autant que notre aptitude à comprendre des cultures étrangères et dont nous n’avons en tout cas, en ce qui me concerne, qu’une connaissance limitée15. Pour reprendre les termes de son analyse, on pourrait dire que toute la difficulté réside précisément dans le fait que, nous nous attendons à voir ce que nous projetions d’y trouver. Et, si jamais cette attente n’est pas satisfaite, alors, notre jugement peut devenir négatif ; ce qui est dommage dans la mesure où la confrontation avec les cultures est justement ce qui permet d’envisager un dialogue c’est-à-dire ce qui permet de transformer notre regard. Mais dialoguer c’est envisager et confronter les points de vue, multiplier les interprétations.
yann beauvais
1 Yung hao Liu et Pai Zhang Wang ont traduit pour Film Appréciation Journal, le catalogue Le Je filmé (Centre Pompidou, ed scratch sous la direction de yb) n° 82, Taiwan Jui/Aug 96, de même celui sur Audio in Vision Out Mars avril 1999 à cet égard, exemplaire.les numéros 106 Jan Fev et 107 Mars Avril sur le super 8, coordonné par Wu Chun Hui en 2001, depuis de nombreux autres numéros ont été consacré où ont abordé le cinéma expérimental de manière plus régulière.
2 Cofondateur avec Pai-Zhang Wang d’Image Movement Cinematheque. Il a réalisé un film expérimental à San Francisco et travaille depuis 2002 sur un documentaire.
3 Sylvie Lin a écrit plusieurs articles sur différents cinéastes, vidéastes dans le cadre de cette revue.
4 Pour une mise en perspective des enjeux de l’animation contemporaine voir Dominique Willoughby : Le cinéma graphique; Editions Textuel, Paris 2009
5 Par exemple Untitled 8 (ejaculate in trajectory), 1989, ou Semen Blood 3, 1990
6 Dans ce film, plusieurs formats sont utilisés: super 8 et 16mm et Hi-8.
7 Le Monde 19/06/10.
8 Donner un peu de couleur au ciel, in Paysages du contresens, Lee Ming-yu, Commabooks, Taipei 2010
9 Sur les rapports entre mémoire et miroir, voir Lin Chi-ming, “ Mémoire, histoire, généalogie ”, in Asiatica II, Paris / Galerie du Jeu de Paume, 2001.
10 Cinq opus à ce jour.
11 Chieh Jen Chen : About the Form of my Works, http://www.asa.de
12 Roy Grundmann a consacré à ce film de Warhol une étude passionnante, Andy Warhol’s Blow Job, Philadephie, Temple University Press, 2003. Cette étude s’attach principalement à la représentation et au hors-champ.
13 Voir Kurt Kren et Otto Mühl ont filmé de nombreuses performances des actionnistes viennois tout en y participant.
14 Le film prend le pretexte des grèves ayant fait suite au chargement dans le port de Liverpool du Neptune Jade : http://www.iww.org/unions/iu510/jade/
15 Fei Davei à très bien analysé les limites de la compréhension d’œuvres par un regard étranger in Another Long March in Chinese Conceptual and Installation Art in the Nineties, Chris Driesen et Heidi Van Mierls, Fundamental Foundation, Breda 1997
en français dans Gruppen n°8, Hiver 2014
em português : Daniel Eisenberg e a Produção do Sentido da História a partir de Displaced Person, no site de Bcubico. https://yannbeauvais.com/bcubico/daniel-eisenberg-e-a-producao-do-sentido-da-historia-a-partir-de-displaced-person/
Ce film travaille à partir de quelques éléments glanés ici et là pendant ce mois de novembre 2005. Il s’agissait de s’approprier et de redistribuer quelques séquences, en les recadrant lors de leurs capture autant que lors du montage afin de les redonner à voir ou à revoir. Des rythmes du rap et de funk des favelas de Rio permettent de situer autrement ces images en les inscrivants comme des sons de noirs, autant que comme sons de banlieues ou de favelas. Ces musiques écrasent le comment taire officiel des bandes d’actualités, elles permettent d’envisager d’autres lignes de fuite que les émeutiers ont su manifesté en se jouant du colonisateur blanc.
En novembre, à la suite de l’électrocution de deux adolescents dans un transformateur EDF, alors qu’ils tentaient de fuir la police qui les poursuivait, des émeutes éclatèrent dans de nombreuses banlieues françaises. Du jour au lendemain les jeunes des banlieues occupent un espace politique et forcent ainsi l’attention des médias.
On constate que les émeutes dévoilent avec éclat l’aveuglement sidérant de la société française vis-à-vis du racisme inhérent de sa pensée universalisante qui disqualifie toutes différences au profit d’un intégrationisme abreuvé de colonialisme.
L’aveuglement de la société et que révélèrent les émeutes se ressent dans les lois d’exceptions mises en place par un gouvernement néo-libéral qui justifiait la déferlante répressive autant que dans l’assentiment d’une majorité de citoyens quant à l’application de ses lois. La reprise de la loi instaurant l’état d’urgence de 1955, ne manquait pas de souligner la permanence refoulée de la guerre d’Algérie. On aurait pas pu imaginer meilleur moyen pour perpétuer l’exclusion, sauf à faire appel aux services de nettoyage du ministre de l’intérieur qui piaffe d’impatience d’user de ses Kärcher.
This film is based on several sequences recorded here and there last November, 2005. What was at stake was to redistribute these sequences by reframing while re-shooting them and by editing in such way as to see again or differently those sequences. Rap beats as much as Rio’s favella funk , contribute to give another environment to these by affirming the fact that there are sound produced by blacks, as much as sounds made in the suburb and in the favelas. These songs smash through the official voiceover of the news, they permit us to consider other points of view that the rioters had already shown in questioning the white colonizer.
In November, following the electrocution of two teenagers in a power substation, while they tried get away from the cops, riots broke out in many French suburbs. Each of those days, young people of the suburbs occupied a political space, forcing the attention of the media.
People frequently realized that the riots revealed the glaring blindness of French society with respect to the inherent racism of its universalizing thought which disqualifies all differences in favor of an integrationism strongly tinged by colonialism. The blindness of society that the riots revealed, was felt in the laws of the “State of Exception” established by a neo-liberal government which was enough to justify the wave of repression for the majority of the citizens of France. The reinstatement of the law establishing the state of emergency of1955, underscored the enduring though repressed presence of the War in Algeria. One could not have imagined a better means of perpetuating exclusion, except to call upon the special clean-up squad of the Minister of Interior, eager to deploy the tools of its trade.
http://www.ubu.com/film/beauvais_duncouvrefeu.html
A s batidas do rap, tanto quanto o funk das favelas do Rio de Janeiro contribuem para dar um outro ambiente para estes lugares, afirmando o fato de que há som produzido por negros, assim como som feitos no subúrbio e nas favelas. Essa canções esmagam através da narração oficial da notícia, elas permitem-nos considerar outros pontos de vista que os manifestantes já haviam mostrado no questionamento do colonizador branco. Food footage das motins nas suburbia de Paris em Novembro 2005.
Toque de alerta
http://bcubico.com/dun-couvre-feu-legendas/
A indiscernibilidade entre arte e acontecimento está na trama de d’Un couvre feu, 2005, de yann beauvais, cineasta experimental que aborda aí o video, e também a televisão e arquivos da internet, criticando os mediums de dentro, mas em um desvio extradisciplinar rumo a um pensamento da métropole contemporânea. A atenção aos ruídos do mundo é a marca desse artista. O vídeo, cuja operação principal beauvais vai nomear como monter/sampler, retoma, reenquadra e busca desestabilizar o sentido da informação disseminada em diversos circuitos, em torno dos distúrbios de jovens nas periferias de Paris, em outubro de 2005. Ao retrabalhar em sampling o material filmado diretamente do monitor de tv por Edson Barrus, mixando-o a imagens da internet, beauvais extrai o máximo de possibilidades da sua estratégia de resistência à indústria cultural:
Restos de uma indústria que se recicla, a imagem cinematográfica – mas deveríamos dizer a imagem em movimento em seu conjunto – chega a um paroxismo de ubiquidade e de consumo, índices de uma sociedade espetacular. A imagem, como a matéria e a energia, entra em um ciclo infinito de recuperação-transformação-difusão.[1]
Compreendendo a criação como ‘coleção, destruição e reconstrução, recriação’, beauvais insiste em que ‘toda fonte visual, sonora ou musical é hoje reciclável’. Ele escreve, com Bouhours: ‘Sob a noção de recuperação, aflora uma tipologia de processo da imagem, de détournement, estoque, remix, reapropriação.’[2] Em sua pesquisa, yann beauvais interroga ao mesmo tempo o filme, o vídeo e a televisão enquanto veículo de enunciação. As práticas auto-críticas do cinema experimental são deslocadas para o campo das novas medias, assumindo um domínio de problemas advindos do uso da tecnologia:
Na era do numérico, a desmaterialização dos suportes, a ausência de perda de qualidade entre o original e cópia poem em crise seu estatuto respectivo. (…) Através dos instrumentos de reprodução e difusão surgem zonas de livre troca, que escapam por um momento às leis da performance econômica.[3]
A estratégia fílmica de Barrus que detona o processo de d’Un couvre feu é esboçada em seus Documentos (registros singulares da informação multi-mediática que envolve a vida nas métropoles globais). Ao assumir a reciclagem de modo enfático, essa série de vídeos reescreve o numérico, confrontando criticamente as novas modalidades de extração da imagem com as táticas do filme estrutural dos anos 1960 – a não-linearidade discursiva, o caráter processual, a anti-montagem. A tecnologia do vídeo é investigada por Barrus em seus parâmetros sonoros e visuais, de mesmo modo que em sua temporalidade, como no curtíssimo Página Virada (2006), espécie de homenagem a Yasser Arafat, então recém-desaparecido. O vídeo dura um sopro, o tempo exato em que a página do Le Monde com a imagem do grande líder palestino estampada leva para ser virada pelo leitor. Montagem=Sampleagem=Captura.
A impureza e o caráter direto dos Documentos, em que os trechos captados não recebem tratamento posterior, mas o ritmo é definido no próprio processo de filmagem, trazem a vibração do dispositivo metropolitano – que ressurge ‘inatualizado’. Como oberva beauvais, a refilmagem ‘torna claros alguns mecanismos de assujeitamento a que nos dobramos quando vemos o acontecimento difundido por nossas telas catódicas’.[4] A câmera de Barrus traz indícios do lance da captura, suspensos em atraso: a respiração, a sombra, as hesitações de seu corpo marcam a imagem, de mesmo modo que o jogo deliberado dos reenquadramentos. No caso de Barrus, ‘é a resposta com relação ao lance direto que constitui e motiva a apropriação ao vivo e, por consequência, o détournement’[5]. A difusão de tv, nos Documentos, é ainda transformada pela textura intensa, a explosão dos píxeis, os moirés multicores que podem invadir parte da tela, traços dos deslocamentos de mediums. ‘Não se trata sem dúvida da mesma espetacularização – escreve o cineasta francês, recusando uma assimilação historicista do monter-sampler – nós não estamos em um néo-situacionismo, mas em uma outra operação, que visa dispor dos elementos audio-visuais afim de pensar.’[6] Para ambos os artistas, a proliferação implicada no procedimento de samplear promove um tipo de distância que evidencia a fabricação da imagem, seu aspecto não-verossímel.
Em d’Un couvre feu, a captura de Barrus ela mesma deflagraria a operação crítica desdobrada em complexidade por beauvais em sua montagem-sampleagem: a filmagem direta da tela de tv sublinha o ‘tratamento’ ideológico do acontecimento – em um ‘no comment’ que traduz a imediaticidade de sua intervenção. Já beauvais investigará, em sua proposta de sampling, outros canais de informação, buscando arquivos de imagens que seriam posteriormente reciclados. Nesse desdobramento de autorias cada vez mais provisórias, é gerado um ready-made de segundo, n graus, e configuram-se desvios, dissociações e interrupções da estrutura som/imagem. Jogando com mais um clichê das periferias globais, beauvais toma emprestado o batidão ‘Som de preto’[7] das nossas comunidades, dando outra dinâmica às ações dos jovens discriminados em Paris. O funk brasileiro reenquadra o caos e o abandono da periferia parisiense, redesenha as imagens dos ônibus incendiados, grita por sobre as vozes brandas dos debates televisivos. d’Un couvre feu ressalta o aspecto caótico das métropoles cognitivas, manifestando a articulação poético-política de um dispositivo em aceleração crítica.
Cecilia Cotrim, outubro de 2009.
in Querer a multidão: arte contemporânea e dispositivo metrópole de Cecilia Cotrim no VII Fórum Brasília de Artes Visuais Arte e arquitetura: balanço e novas direções
[1] yann beauvais, Jean-Michel Bouhours, ‘La propriété, c’est le vol’. In Monter Sampler, Paris, Centre Georges Pompidou, 2000, p. 18.
[2] Idem.
[3] In ibid, p. 20.
[4] yann beauvais ‘La vidéo selon Edson Barrus’. in Revue & Corrigée nº 78, dez. 2008.
[5] Idem.
[6] In ibid.
[7] funk de Amilcka e Chocolate.
coréalisé avec Edson Barrus
Des films de famille 16mm des années 70 sur la côte d’Azur, re-filmés en numérique lors de leurs projections.
Le montage fait dans à la caméra par un cinéaste anonyme n’est pas plus élaboré que la succession des plans composant chaque bobine, dans lequel on ressent ce désir de bien faire, du film.
Le léger ralentissement lors de la projection, conjugué au recadrage de l’image, la transforme en un enregistrement souligné par l’utilisation de l’appareil photo numérique.
Un montage secondaire a été effectué afin d’induire d’autres rythmes de ces représentations d’un autre temps dont la seule trace serait ces quelques images vacillantes aux filages irréguliers, aux grains ténus, fortement marquée par un amateurisme sans qualité.
On souhaitait retrouver à la projection la pratique de l’enregistrement.
Film based on 16mm found footage from the 70’s. They were diary films made on the French Riviera, which we refilmed while screening with a digital caméra.
The editing made by the anonymous filmmaker reflects the shooting. The slow motion due to the screening projection speed we choose and the reframing reshaped the document.
During the projection we were making new editing while shooting.
3E , 3S , 3T Triple Screen
[Coréalisation : Frederick Rock
À la suite de la guerre économique déclenchée par l’Amérique et ses alliés, alors que j’enseignais dans ce pays, j’entrepris avec un cinéaste américain de faire un film à partir de et contre la guerre. Ainsi, puisque toutes les images du conflit étaient censurées par les autorités militaires avant que d’être propagandisées par les télés du monde, nous décidâmes de ne travailler qu’avec des found footage des années quarante. Le film se décompose en plusieurs mouvements qui inscrivent, chacun à sa manière, l’absurdité, la conformité aux rôles sociaux, aux genres, l’obéissance, la tyrannie et la mort. Deux écrans noir et blanc encadrent une image colorée centrale.
A found footage film about the war. A film which inscribed his refusal of the manipulation of the media coverage of the last holy war of the American and their allies. No image of that war which was also a media propagandist war. An evocation against the stupidity of war in seven parts.
en/em 16mm double écran / twin screen/ dopla telas
extrait/ extract/ extrato https://www.youtube.com/watch?v=-QgiRuK1sUQ
Coréalisation : Vivian Ostrovsky www.vivianostrovsky.com
En 1990, Vivian et moi sommes allés ensemble à un festival de films à Riga puis à Moscou, pour quelques jours. Nous filmions tous les deux en Super-8. Je développai et fis un film avec ce métrage alors que j’enseignais à Tampa en 1991. Cela devint We’ve got the red blues. Malgré ce film, nous avions toujours pensé réaliser un film ensemble dont l’origine serait les séquences que nous avions tournées l’un et l’autre à Moscou.Work and Progress est ce film, qui articule nos images de Moscou avec des films d’archives de provenances diverses (des bandes d’actualités autant que des extraits de films d’Eisenstein et Vertov) ainsi que des journaux filmés s’étalant au moins sur trois décades. Il s’agit d’une déambulation à travers le paysage d’une ville qui est soumise à l’empire du cliché. Ce film n’aurait pas été possible sans l’aide de Tania Cypriano, la Cinémathèque de Jérusalem et la confiance de Vivian.
« D’un court séjour à Moscou, qu’il découvrait pour la première fois en 1990, yann beauvais a conçu deux films. D’une part, We’ve got the red blues (1991), un journal filmé à la manière d’Amoroso et de Divers-Épars, où se mèlent impressions visuelles et mémoire cinématographique des lieux. D’autre part, Work and progress, composé en binôme avec Vivian Ostrovsky et projeté sur double écran, manifestant ainsi une volonté de diversifier les points de vue et d’écarter toute lecture globale. Les séquences tournées par les deux cinéastes à Moscou sont entrecoupées de nombreuses images d’archive extraites de bandes d’actualité et de films de Serguei Eisenstein et Dziga Vertov. L’articulation et le rythme saccadé des séquences, selon une division territorialisée coïncidant avec la diversité des plages de temps de la vie urbaine qui se succèdent ou se superposent (repos, déplacement, travail, communication, loisir, consommation, politique, religion…) peut évoquer l’Homme à la Caméra (1929) de Vertov. Contrairement aux autres films de yann beauvais dans lesquels la présence humaine est plus suggérée que montrée (par le biais de l’architecture, façade reflétant l’empreinte de l’homme) ici, à plusieurs reprises sont donnés à voir des rassemblements de foule dans l’espace urbain (qu’il s’agisse d’extraits de parades militaires, de vues d’un marché, d’un attroupement autour d’un kiosque à journaux…). Sur fond de chants populaires russes, ce film reconstitue une épopée a-historique dans laquelle architecture et hommes témoignent de l’invincible dualité constitutive de la vie entre permanence et mobilité : si la statue de Staline déboulonnée, remet à l’honneur les coupoles d’églises orthodoxes, la misère du peuple est toujours évidente. » Muriel Caron
Œuvre appartenant à la cinémathèque de Jerusalem et au MOMA (New York)
When we returned from a trip to Russia in 1990, armed with our super 8 cameras, yann beauvais and myself decided to share our images and make a 4-handed film. We agreed to mix what we had shot with other material that meant something to us in that context and edit the film together. For yann, the references for Russia were classics he had seen, such as Vertov and Eisenstein. Mine were the Cold War years and propaganda films I’d been exposed to on my annual trips to visit family in the USSR in the late 60’s, 70’s and 80’s.
We also wanted a twin screen projection wherein all the footage would be mixed rather than have a « his » and « her » screen.
This double imaged film is a collage of S8 and archival material and the sound track is made along similar lines. We used mainly Russian sounds : music of all kinds, some excerpts of Lenin’s speeches and some street recordings.
Originally the film was projected on two 16mm projectors placed side by side. Both images have been now transferred and blown up to 35mm film with the 2 images side by side.
In 1990, Vivian and I went to a film festival in Riga and then we went to Moscow for a couple of days. We were both shooting in super 8. I process and edited my footage while teaching in Florida in 91 it became : We’ve got the Red Blues. Despite that film, we always thought that we will make a film together based at least (at a starting point) from those footage.
Work and Progress is such a project which articulate our images of Moscow with archival footage (newsreel as much as work by Eisenstein and Vertov), and diary films from at least three decades. A wandering through landscape and memories loaded with cinematic clichés.
Film belonging to the Cinématheque of Jerusalem and to the MOMA (New York)
A la suite d’un voyage, le film interroge l’histoire de Cuba à travers les rapports que nous entretenons avec les différents mythes de quant à la révolution cubaine…
Les questions de l’homosexualité et du racisme permettent d’investir ces tensions. Recyclage et appropriation de documents visuels de toutes provenances : cinéma de propagande nord américain, cubain, soviétique, mais aussi documents d’actualité (historique et contemporain, films de fiction et documentaires, superposés à des séquences réalisées au portable. Le travail sonore croise des sons originaux et prélevés ainsi que différents discours de Fidel Castro… et en voix off une réflexion sur la question du racisme par un intellectuel dissident.
Tissage polyphonique à propos de Cuba.
published in 1994 for the Ken Jacobs retrospective at the American Center in Paris and in the Oberhausen catalogue (42ème international – short film festival, 1996) for the Ken Jacobs presentation : « Das Kino Als Geisterbild ».
Ken Jacobs is one of the most important figures in American experimental film. For more than 35 years, he has questioned the nature of moving pictures in a variety of approaches. Whatever the genre – film diary, analytical film, « personals film », picaresque film, 3D performance – he is always interested in film as a process of recording and reconstituting (in the projection) an event or a more or less open narrative. The narrative structure is never absent on Ken Jacobs’s films, although some of his works break up the classic form of representation and its narrative traditions. Film replays in the present a time long gone, another life. Cinema as an enterprise producing phantoms and ghosts whose visual performances constitutes its magnificent outcome. A work on the ephemeral and the fragility of the filmic illusion, revealed by Jacob’s installations.
Since his early films, which celebrates a way of living, long gone since, as with Orchard Street or Little Stabs at happiness, 50’s bohemian life in New York city, to the latest performances of electrical shadows, Ken Jacobs has always been the outsider within the experimental film scene. H has always claimed and promoted a free cinema, a cinema close to home movies as those made about Flo’s family for Urban Peasants, and which share the same feeling as some of Ron Rice and Jack Smith. Many of his early works have been done with Jack Smith (even if some times they were done with some disagreement). Ken Jacob’s film mixes styles which until then dispersed, the use of found footage, authorize him to question the narrative in Doctor’s Dream, investigate the notion of authenticity with Perfect Film, out-takes from a film dealing with Malcolm X assassination. With Tom, Tom The Piper ’s Son, themes and variations transformed the narratives codes from a recycle so called primitive film. This recycling of footage is also very active within the performance, a French porno film of the 20’s is used withXCXHXEXRXRXIXEXSX, while Making Light of History : The Philippines Adventureused newsreel. Within the 3D film the history of cinema is present ; as a reference or as a quotation, Lumière’s film within Opening the Nineteenth Century : 1896, Buster Keaton with Keaton’s Cops.
He works by approaching sounds and music as well as recycled and redirected images. This recycling does not stop at his own films which are never completely finish, always work in progress. The soundtrack of Blonde Cobra uses a radio transmission which punctures the stretches of the black silence, is inserted between the sequences in order to oppose the present and the vision of scenes that took elsewhere, long ago. The invasion of parasites into the ghosts of a story that is still to come for the audience of the presence. The characters of the picaresque films are put into question, opened for discussion by the scenes that interrupt the plot, as in Star Spangled to death and The Sky Socialist. His work his always on the periphery, marginal. In With Tom, Tom The Piper ’s Son, it is the rereading of the story, its abstraction, that makes us aware of the details of the images we have missed. Likewise in Perfect Film, where none of the found footage film was modified. By this process of appropriation and naming, Ken Jacobs forces us to exercise a critical view. Ken Jacob always tries to break our seeing habits to make us aware of all that can be contained by in the filmed image. The representation is haunted by a multitude of events we don’t know how to perceive. Only the filmmaker’s insistence – as well as the spectator’s- makes them visible. The ghost images recover shape for all who knows how to take time to look at them.