Amoroso

Amoroso reprend la question du souvenir concomitante au journal filmé. Souvenir de Rome, souvenir de Tivoli mais aussi souvenir du Tivoli de Kenneth Anger, cette séquence pourrait être un hommage ou un pied-de-nez.

« Les gros poids de l’amorce et puis de l’eau, du feu qui jaillissent en gerbes – geysers rougeoyants – des monuments qui basculent – syncopes – tourbillon d’images – carrousel de sensations – éclats teintés de mémoire, intacts et précipités – Rome / Tivoli. » Loux.

villa dora pamfili

« Une analyse plus détaillée de ce premier film va nous permettre de mettre à jour certains des procédés de transformation des images opérés, notamment dans leur passage de la figurabilité à la picturalité, de la fixité à l’impression de mouvement – si tant est que l’on puisse identifier des constantes dans une démarche qui consiste justement à déconstruire tout systématisme.
Le titre (comme souvent à double voire multiple sens) apparaît à l’envers sur l’écran. De cette erreur de montage entre négatif et positif, intégrée comme composante constitutive, le film se révèle envers du vécu, réalité inversée. Cette importance accordée au dédoublement images/réalité, aux effets de miroir et d’inversion, ponctue chacun de ses films et trouve ses derniers développements dans les actuelles expérimentations de dispositifs à multiples écrans.
Le nombre limité de bobines dont yann beauvais disposait pour ce film, certaines en n/b, d’autres en couleur, a vraisemblablement déterminé sa structure presque sans montage, dans laquelle les plans filmés (tous en lumière du jour) et filmés successivement (l’enregistrement doublant le travail de mémoire), s’engendrent les uns les autres. Le film débute en sépia – une couleur dominante des pierres et des représentations de la Rome antique et baroque – obtenue par tirage sur pellicule couleur d’un négatif n/b. En hommage à Eaux d’artifice (1953) de Kenneth Anger, tourné dans les jardins de la Villa d’Este à Tivoli, ces premiers plans sont des variations autour de l’eau jaillissante des fontaines, de la pierre et des végétaux, entre lesquelles s’intercalent l’image fugitive d’un visage. Le parcours dans la ville se poursuit en couleur à travers un foisonnement de plans, qu’il serait vain de tenter de tous les identifier tant ils sont là pour étourdir nos sens.

ducks 2

Si, dans certains cas, l’impression de mouvement est due à de véritables mouvements de caméra sur des façades renaissantes et baroques, sur les Anges du Bernin du Pont Saint-Ange ou les espaces dénudés du forum romain par exemple, la plupart du temps ce sont les variations de rythme dans l’enchaînement des séquences qui créent des effets d’accelération ou au contraire de ralentissement dans le défilement des images. D’autant plus qu’au débit habituel des 24 images/seconde du film – rythme tout à la fois générateur de la fluidité de mouvement apparent des images mais aussi métaphore de la mécanique d’un temps « objectif » qui ne cesse de couler, répétitif sans tout à fait être le même – yann beauvais a préféré un défilement de 18 images/seconde donnant une impression de mouvement plus saccadé. Un effet de discontinuité dans le défilement des images renforcé par des apparitions/disparitions instantanées de plans évoquant les flickers de Paul Sharits.
Loin des images clichées de la Rome touristique, Amoroso est une déambulation libre et personnelle, réalisée à l’occasion d’un séjour prolongé dans une ville que yann beauvais connaît depuis son enfance. Ce film, impressionné autant par l’espace que le temps, évoque la magie du cinéma muet du début du siècle (auquel rendent hommage certains plans resserrés en forme d’iris), quand les images ne renvoyaient non au monde des images mais à celui de la perception. » Muriel Caron in Mouvement n°8

Œuvre appartenant à une collection privée et au Cal Arts (Los Angeles).

« A film sparkling with diamond-like fragments of Italy. A film of passion – passion for places (the landmarks of Rome) passion for the masterworks of experimental film (the evocation of Kenneth Anger’s Eaux d’Artifices through images of the same Tivoli garden fountain), and above all, passion for color (the warmth of roman stone, the deep green of summer vegetation, the rich reds and yellows of the 16mm emulsion itself). After the cerebral rigor of more formal work, a joyous cry from the heart. » Scott Hammen

 

Film belonging to a private collection and to Cal Arts (Los Angeles).