Filmer la Sainte Victoire nécessite de travailler la matière autant que les durées selon des rythmiques particulières. C’est l’étendue du lieu, le rapport des masses et des couleurs qui déclenchent la juxtaposition des plans fixes et des prises longeant le flan de la montagne. D’autres plans captés lors de l’ascension de la montagne, ou lors de son contournement afin d’en voir, d’en saisir le plus grand nombre de facettes, sont plus mouvementés. N’y a jamais-t-il qu’une seule Sainte-Victoire? La lumière change constamment de jour en jour, autant qu’au fil de la journée. Elle sculpte la montagne et taille dans le paysage, elle lui confère son modulé et c’est elle qui divise en bandes verticales le paysage de la montagne, alors qu’elle la syncope quand on s’en approche ou l’arpente.
yann beauvais
Film réalisé dans le cadre d’une commande de K-Livres (Aix en Provence) et les 100 Talents (Tarabelle)
d’ailleurs, par Olivier Fouchard
La montagne d’abord,
Sainte-Victoire, d’ailleurs,
La montagne Sainte-Victoire, peinte par Cézanne,
Si souvent, opiniâtrement.
Bien plus tard… mais pas si tard, filmée par
Yann beauvais et Edson Barrus.
« d’ailleurs », un film donc, par E. Barrus et
Y. beauvais.
Cinquante trois minutes environ,
Une commande, un film à 4 mains,
(à plusieurs caméras ?) en 2006.
D’ailleurs, c’est un film d’aujourd’hui, (ou
d’un hier très proche), avec des couleurs et
du son, avec du cœur et de la sueur,
mais pas trop. Un film-vidéo d’impressions
et de surimpressions.
Fusions, simultanéités (cubismes). « Cézannismes » ?
Cézanne, donc, (son fantôme ?), à l’origine de ce
fameux cubisme, des transparences simultanées…
Surimpressions, Superpositions, Impressions, Expressions…
Sainte-Victoire
On tourne autour, on filme d’ici, de là, de « loin », de « près »,
zooms, on s’approche, on arpente, on gravit, on monte, on
grave.
L’ascension, une croix inversée aussi, par soucis de
provocations, par insouciance, plus peut-être que par
« blasphème » !?
Pour en finir avec la sainte de la victoire ?
Montagne donc, Mont, Monte, (Montage), « d’Ailleurs »,
ça n’est pas sans me rappeler « La montagne de Lure »
de Mahine Rouhi, autrement filmée, une autre montagne,
aussi…
Le travail sur le cadre, le travail du cadre,
L’image inversée, renversée, à l’endroit, à l’envers,
à droite, à gauche aussi dans les 2 films (celui de Mahine et celui d’Edson & yann).
« A l’italienne », « A la française », la gestion du format
rectangulaire en peinture et en photographie
(en photogravure, en sérigraphie etc… aussi, d’ailleurs).
Paysages, arbres, petits arbres, arbustes…
Des couleurs plus ou moins dominées et dominantes
Bleus, verts, ocres jalonnent les tableaux et les
films de Barrus & beauvais et de Cézanne aussi.
Surimpressions.
Toujours, les points de vues variés, en « filigranes »,
décalés, la montagne ici fêtée, vaincue, célébrée
(dominée et dominante) dans une agitation
d’aujourd’hui (bruits, moteurs, téléphones, voix
sons divers, pas, pressés, essoufflés, joyeux, enjoués,
complices, mêlés à la nature, aux oiseaux, aux insectes,
dans le vent…)
Routes, barrages, câbles, véhicules, parapentes,
la présence humaine, sa chaleur, mais aussi, l’industrie
du tourisme et des loisirs (culturels, cultuels…) omniprésente.
Le son du vent contre le micro : comme la membrane
d’un tympan irrité, d’une otite…
Plans fixes à la fin du film (en pied ?) de mémoire…
Une photographie, une peinture, une gravure lithographique ?
Un film
gravé de pixels et de lumière sur la toile-écran,
le moniteur, d’ailleurs, de montagnes…
Agencements renversés, renversants parfois,
presque de façons symétriques (d’un versant l’autre).
A la belle saison, sous la chaleur, le soleil chaud…
Non linéaire cette vidéo.
Vidéo de plasticiens filmeurs, d’ailleurs…
La part du hasard, aussi, l’accident puis la
réconciliation des points de vues…
Plasticiens monteurs aussi. Monter, démonter,
descendre, gravir, graver.
Gris bleutés, gris bleus, verts, jaunes, ocres jaunes,
« ocres verts », bleus verts, jaunes de chromes, sables
et terres, dorés, terres, roches, verts, minéraux, végétaux,
émeraudes, blancs…
Rapprochés (à deux), en corrélations, à nouveau,
Ajustements, bribes, voies, voix, paroles, présences.
Un chien aboie, des cigales chantent, des oiseaux
et toujours le vent froissant la membrane du micro.
Bruits de caméra, le vent, la membrane du haut-parleur,
bruts, des voies et des voix encore…
Entrelacs, tressages d’images, trames non-narratives
liés à une histoire pourtant, à des histoires.
Entrelacs, reflets, comme dans un lac (aujourd’hui sec),
mirages aussi.
Continuité discontinue et inversement.
Coupes. Fondus.
Hérésies du montage – monter -montage – montagne.
Déplacements pour certains, voyages pour d’autres.
Déplacements des filmeurs, voyages des spectateurs
et l’inverse aussi, encore d’ailleurs…
Marcher, arpenter, tourner autour toujours ; essoufflés,
obstinés, gravir, graver, gravier, crissements, téléphones,
chuchotements, rires, bises… brisures, fragments…
Se rapprocher, à pied, au zoom, s’éloigner aussi.
Silhouettes et ombres, incidences et coïncidences…
Végétal. Minéral. Animal…
Symétries, fausses symétries aussi, asymétriques, métriques.
Surimpressions (impressionnées) visuelles et sonores…
Roches, cristaux, cailloux, calcaire, rocailles, argiles et terres
Randonnées, promenades pour une ballade à plusieurs
(filmeurs – spectateurs etc…)
Puis le calme revenu.
Ça bouge moins vite, moins saccadé, moins venteux
Puis le calme rompu.
Un avion déchire l’apaisement chèrement acquis,
Ruptures, la montagne habitée, visitée, revisitée.
Images tremblées, ponctuées de symboles phalliques,
de compositions plus ou moins improvisées…
« d’ailleurs, » ou la sainte-victoire (revisitée) par Edson B.
et yann b., la montagne vidéographiée.
Le film en train de se faire, c’est aussi le film,
non linéaire, d’exposition, d’accrochages et, (aussi) un
Film de salles obscures, de cinéma aussi, d’ailleurs, … !
O.Fouchard, 03/2007
publié dans nos Contemporâneos, n°50, Barrus MAIMPRESSAOeditora, São Paulo, 2007
reproduit dans feuille de programme Scratch du 1 avril 2008
co-made with Edson Barrus 2006 minidv, color sound
To film Mount Sainte Victoire requires working the material as much as the durations of shots according to particular rhythms. It is the expanse of the site, the relationship of masses and colors that unleashes the juxtaposition of fixed shots with those that follow the contour of the mountain. Was there ever a single Mt. Sainte Victoire? The light changes constantly from day to day, as well as during the course of each day. It sculpts the mountain, hews our landscape ; it confers upon its modulation, divides the landscapes and the mountain into vertical strips, and gives it a kind of syncopation as one approaches it or survey it.
Film made with a grant from K-Livres (Aix en Provence) and 100 Talents (Tarabelle)
distribution :
Light Conehttp://www.lightcone.org/fr/film-4287-d-ailleurs.html