Mão Dupla escola de artes visuais do Parque Lage, Rio de Janeiro, 2005
L’utilisation de la photo et de la vidéo s’est répandue à tel point qu’il est quasiment impossible pour un artiste aujourd’hui d’envisager un quelconque travail sans recourir à ces outils, qu’il s’agisse de produire des pièces originales, ce qui est rare, ou de documenter une œuvre, une performance, un évènement. La photo et la vidéo se substituent alors à l’œuvre et témoignent ainsi d’une activité éphémère passée dont elles manifestent chacune à sa manière une trace.
L’apparente démocratisation dans l’accessibilité des outils informatiques, la simplicité de leurs usages laisse présager des possibilités inouïes ; tout ceci semble promettre à chaque usager un devenir artistique en puissance.
Le recours à la photo, à la vidéo, ne procède pas des mêmes motivations, mais leurs usages relèvent souvent de démarches similaires qui abolissent l’idée du professionnalisme que véhicule l’industrie (dont la marque se retrouvait dans la division du travail) et la pratique académique de l’art (qui revendiquait un savoir faire unique et le culte du beau) autant qu’elle manifeste une appropriation démocratique des moyens de communication. Si tout est possible alors tout serait permis et rien ne s’oppose à cette fringale dévorante de tout enregistrer, de tout photographier d’une manière ou d’une autre. La photo devient un moment du film et non l’inverse.
Mais la nature des documents diffère en fonction de l’objet filmé. D’aucuns interrogent les postures, les attitudes, les comportements par prélèvement dans une réalité plus ou moins proche de l’artiste. Ainsi : le travail sur les activités quotidiennes. Pour d’autres c’est avant tout l’enregistrement spontané d’une action qui justifie la désinvolture du montage. Dans les deux cas , l’acte prépondérant est la capture, comme le font nombre de cinéastes expérimentaux des années 60 et 70, le montage devenant secondaire sauf si pour renforcer l’idée de l’accumulation proche qui elle est proche de la collection. Rares sont les artistes pour lesquels l’immédiateté de la prise entraîne une mise à disposition sur le champ de l’enregistré faisant du visionnement public un moment constitutif de l’enregistré. Faire de la diffusion instantanée un moment du partage, un catalyseur de l’échange comme le sont les films de famille en d’autres occasions. L’expérience de l’art de dissolvant dans la vie.
Les travaux sélectionnés pour cette exposition indépendamment de leur qualité intrinsèque participent de ce champ réflexif. Par leur annexion dans une exposition, ils ne peuvent échapper aux questions relevant de la mise en espace d’une image, de la nécessité d’une telle monstration dans des lieux quasi public (école, galerie, musée), de la pertinence de l’accrochage … Quel type de partage est en jeu dans l’exposition ? Que nous donne à vivre telles photos et vidéos ? Comment s’articule la nécessité du faire avec celle du montrer ?
yann beauvais